Emblématique des débuts du sportswear, la marque est relancée par un groupe italien avec un positionnement haut de gamme. Dernier fait d’armes: un partenariat avec Maje.

Un étui pour Ipad en nylon de couleur vive, imperméable, muni du fameux zip tricolore et du logo K-Way. Il fallait y penser. Madeleine de Proust pour toute une génération de Français (l'humoriste Dany Boon n'en a-t-il pas fait le sujet d'un de ses sketchs les plus drôles), le célébrissime coupe-vent en Nylon bon marché est redevenu une icône de la mode vestimentaire. La mythique marque figure même dans le dictionnaire Larousse, pour désigner une catégorie de produits, le «coupe-vent qui, replié dans une poche prévue à cet effet, peut être porté à la ceinture».

Fort de ce capital de marque, Julie Milgrom, créatrice de la marque de prêt-à-porter Maje, a décidé de lancer ce mois-ci une collection capsule K-Way avec quatre modèles imprimés gris ou léopard, en maille enduite ou à manches 3/4, vendus de 195 à 245 euros. Inconcevable il y a peu.

Le grand retour en France de K-Way remonte à l'an dernier seulement. Le nouveau propriétaire de la marque, le groupe italien Basic Net, vient en effet d'en céder la licence au spécialiste du prêt-à-porter haut de gamme Robert Dodd. Le positionnement se veut résolument haut de gamme et branché tout en jouant sur un marketing de la nostalgie.

Enorme notoriété

A sa création et ensuite, le K-Way a toujours été un produit basique et populaire. C'est Léon-Claude Duhamel, industriel du Nord, qui a une idée toute simple: concevoir un coupe-vent en nylon de couleur vive, fermé par un zip tricolore. Une veste colorée mixte avec un petit plus de génie: la possibilité de la rentrer dans une poche-banane pour la ranger. Léon-Claude Duhamel baptise d'ailleurs sa création l'«En K» («en cas» de pluie).

Le succès est tout de suite au-rendez-vous: quelque 250 000 exemplaires sont écoulés la première année. Nous sommes en 1965, une époque de balbutiement du temps libre, notamment des loisirs et sports en plein air. «Le K-Way, produit très pratique, ciblait la “génération camping”. D'ailleurs, l'UCPA [Union nationale des centres sportifs de plein air] est née aussi en 1965», confirme George Lewi, spécialiste des marques.

Au début des années 1970, la marque lance sa première publicité, à l'américaine, qui met en scène des adolescents en bord de mer, avec le drapeau américain flottant au vent. Pour son «agent de publicité» (comme on disait à l'époque) de l'agence Havas, «il fallait absolument faire croire que ce produit est américain, avec un nom américain», narre Léon-Claude Duhamel, dans une vidéo corporate. L'«En K» devient ainsi K-Way.

Les années suivantes, les campagnes poursuivent sur cette veine, le K-Way est un accessoire que l'on emporte à vélo, pour un footing, en week-end à la campagne, avec pour slogan «K-Way. L'action». Quarante-cinq millions d'unités seront vendues entre 1965 et 1992. «On avait une notoriété en France qui était équivalente à Renault», se rappelle Léon-Claude Duhamel, dans cette même vidéo. En 1980, la PME française à succès intéresse les Américains: «Le groupe Wrangler a voulu nous racheter, on avait accepté. L'Elysée a mis son veto», poursuit ce dernier.

Repositionnement mode

Las, les premières difficultés apparaissent: la multiplication des contrefaçons chinoises ajoutée à l'émergence des géants du sportswear, tels Nike et Adidas, mettent à mal le bon vieux coupe-vent made in France. En 1992, un incendie dans l'usine du Pas-de-Calais porte le coup de grâce à la société. Revendue par son fondateur, K-Way passe alors de main en main (Pirelli et Sopaf), jusqu'à être rachetée en 2004 par le groupe italien Basic Net, propriétaire des marques Kappa et Superga.

Le repreneur relance la marque avec succès en Italie, K-Way y compte une soixantaine de magasins et réalise une trentaine de millions d'euros de chiffre d'affaires en 2013. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis l'ont aussi adopté. En France, un relancement est tenté en 2008 dans les magasins de sport. Ce sera un échec.

Le groupe récidive en 2013, cette fois en en confiant donc la licence à Robert Dodd. Après vingt-et-un ans d'absence, des boutiques françaises K-Way ont ouvert l'an dernier, rue de Charonne et rue de Poitou, à Paris. «Nous allons ouvrir une boutique à Lille en avril, et une troisième à Paris. L'hiver prochain, nous devrions développer des corners ou des “shop-in-shop” au Printemps, Galeries Lafayette et Bon Marché parisiens», révèle Robert Dodd. S'y ajouteront des franchises en régions.

Le réseau de points de ventes reflète le repositionnement haut de gamme. «Nous avons retiré nos produits de tous les magasins de sports au profit de boutiques multimarques, qui vendent par exemple des produits Burberry et Montclair», précise-t-il.

Le groupe Basic Net mise donc sur un positionnement mode, avec des modèles basiques, mais aussi plus haut de gamme, avec de nouvelles matières (fausse fourrure, laine), des matériaux techniques et des coupes stylisées. «Dans le cycle de vie d'une marque, au bout de cinquante ans, on peut faire appel à son mythe et la repositionner sur un segment premium. Les gens ne se souvenant pas trop de ses origines», analyse George Lewi.

Si les Italiens ont en effet initié des collaborations avec des stylistes comme Marc Jacobs, Versace, APC et donc la dernière en date Maje, les symboles de l'identité K-Way sont toujours là: le zip tricolore et le logo. «L'ADN de K-Way reste la couleur, la simplicité et la technique. Nous y ajoutons la modernité. L'idée est de se positionner sur le haut de gamme sans aller dans le luxe pour pouvoir segmenter la collection», précise Robert Dodd. Les prix s'échelonnent ainsi de 100 à 300 euros, et entre 55 et 120 euros pour un second segment de produits, qui vise les jeunes urbains.

«Changer la perception de la marque»

Côté communication, pas de campagne médias en France pour l'instant. Robert Dodd privilégie le placement de produits dans la presse branchée. Il s'est ainsi offert une série de publireportages dans le magazine mensuel masculin GQ, de septembre à novembre 2013.

La presse féminine adore, les K-Way sont régulièrement retenus dans leurs pages mode. «L'idée est de changer la perception de la marque par les boutiques, mais nous ne voulons pas jouer sur le côté vintage de K-Way», souligne Robert Dodd, qui prévoit tout de même d'investir 6 à 10% de son chiffre d'affaires en publicité et marketing. En attendant, les accessoires se multiplient (protège Ipad, valises à roulettes…). «Nous allons probablement développer des polos et des pulls, mais toujours avec une dimension sportive», précise Robert Dodd.

 

Encadré

Dates clés

1965. Création par Léon-Claude Duhamel du K-Way, coupe-vent en nylon repliable dans sa poche-banane.

1980. Proposition de rachat par le groupe américain Wrangler.
1992. Incendie de l'usine dans le Pas-de-Calais et reprise par le groupe Pirelli.

1996. Rachat par la banque italienne Sopaf.

2004. Rachat par le groupe italien Basic Net.
2013. Relancement de la marque K-Way en France avec Robert Dodd.

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