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De Lisbeth Salander, de la saga Millenium, à la starlette Alice Dellal pour Chanel, le punk n'en finit pas de revenir sur scène. La rébellion est toujours une valeur sûre!

«Be pretty. Be good. Be romantic. Be polite. Be careful. Be discreet. Be excessive.» Dans ce spot diffusé en 2012 pour le parfum de Paco Rabanne Black XS, conçu par l'agence Mlle Noï, défile le succédané de la culture rock: Doc Martins, têtes de mort, mannequins surmaquillés et en Perfecto, scènes (un peu) licencieuses… Et l'incontournable Iggy Pop, grimaçant, voix caverneuse, torse nu.

Iggy Pop… Une icône publicitaire autant qu'un symbole récurrent du rock. En 2011, l'«Iguane» n'avait pas hésité à poser en Père Noël rock sur les affiches et les spots TV conçus par l'agence Aubert Storch Associés Partenaires (Asap) pour les Galeries Lafayette à la veille des fêtes de fin d'année. Il avait déjà déboussolé ses fans en vendant son image à SFR en 2006 pour une campagne signée Publicis Conseil et rythmée par un I wanna be your dog a cappella. En 2009, on le retrouvait dans un spot, toujours poitrail dénudé et gouailleur, à défendre la couverture automobile proposée par l'assurance britannique Swiftcover.com: «I got it Swiftcover, I got insurance on my insurance.»…

Rebelle absolu

La star du rock est le parfait client, qui garde pourtant son identité au fil des publicités où il apparaît. S'il a pris la pose devant l'objectif de Jean-Paul Goude pour la campagne des Galeries Lafayette fin 2011, c'était «pour dépoussiérer le Noël traditionnel, en posant en Père Noël rock. Pour nous, il y avait une rupture à avoir, trente ans après, le leader des Stooges, premier groupe de punk rock, qui incarne toujours le rebelle absolu», explique Olivier Aubert, associé fondateur d'Asap. Mieux, Iggy Pop est reconnaissable entre tous, posant torse nu, cheveux longs et rictus sauvage. «Il est resté une personnalité transgénérationnelle, qui parle à tous, mais sans être récupéré par le système, contrairement à Bryan Ferry, ex-leader du groupe Roxy Music, qui pose désormais comme un simple dandy avec son fils pour une publicité H&M», sourit Olivier Aubert.

La récupération, c'est le risque pour ces icônes. Mais «dès lors qu'elles ont un patrimoine musical, une carrière derrière elles, on ne leur reprochera pas», estime Alexandra Jubé, chef de projet marketing digital et prospective au bureau d'études Nelly Rodi. Quoi qu'il en soit, la culture punk semble faire vendre. En tous cas, plusieurs campagnes de publicité s'en inspirent, recyclant icônes, musiques et symboles de ce mouvement des années 1970. Chanel, dans la campagne pour son sac Boy lancé au printemps 2012, a ainsi choisi pour égérie Alice Dellal, jeune mannequin londonien au crâne à moitié rasé et au visage décoré de piercings. Une «socialite» qui hante régulièrement les pages people des magazines. «Après des égéries très classiques, comme Audrey Tautou ou la starlette américaine Blake Lively, Chanel voulait revenir à des valeurs anticonformistes», remarque Elodie Nigay, chef de projet marketing beauté du cabinet de style Carlin. Précisément, la presse féminine, dont Grazia, lui a consacré de longs portraits lors du lancement de la campagne.

Des icônes qui ont donc pour point commun d'être rebelles, mais juste ce qu'il faut. Iggy Pop, comme Keith Richards – le guitariste des Rolling Stones a posé dans une campagne de Louis Vuitton –, est « rock, rebelle, mais pas trop. Tout comme Alice Dellal a un look juste un peu punk et est l'égérie de Chanel pour une période courte et pour un seul produit», note Alexandra Jubé. Moins impliquant que si elle représentait un nouveau parfum…

Se distinguer de la masse

La culture punk va même jusqu'à s'exposer. D'octobre 2011 à mars 2012, le couturier français Maurice Renoma organisait une exposition sur la culture punk, avec une centaine de clichés rares, en tirages originaux, accrochés dans sa boutique située rue de la Pompe, dans le XVIe arrondissement de Paris. Des clichés pris au cœur de la révolte punk des années 1970, captés au sein de la scène américaine (Iggy and The Stooges, New York Dolls, Television, Ramones…), anglaise (Sex Pistols, The Clash…) ou allemande (Nina Hagen). Nouvelle récupération? Certes, le couturier français est familier de la scène rock, ayant habillé depuis 1963 Bob Dylan, les Rolling Stones et Serge Gainsbourg. «Le punk, c'est un mouvement anarchisant, rebelle, vaurien, qui s'inspire de la rue, sans être commercial. Or j'ai toujours aimé la révolte. Ça m'amusait d'organiser cela au fin fond du XVIe arrondissement parisien», explique Maurice Renoma, avec un grand sourire. Une manière bien pratique pour la marque d'incarner la rébellion. «La culture punk-rock est antisystème et anticonsommation de marques. En la mettant en scène dans ses publicités, l'annonceur rassure le consommateur en lui disant: “Certes, on te pousse à consommer, mais de manière différente”», remarque Alexandra Jubé.

Toucher une cible large

Si Iggy Pop incarne, le temps d'une campagne, les marques SFR ou Black XS, «comme il symbolise l'insoumission, il convainc le consommateur qu'il est distinct de la masse des consommateurs traditionnels», renchérit Elodie Nigay, du cabinet Carlin. Accessoirement, cela permet de toucher aussi bien les jeunes que les quadras CSP+, pour lesquels la culture punk évoque leur jeunesse.

Attention pourtant aux dérapages. Si les Sex Pistols ont incarné avec flamboyance l'ère punk, certains détournements peuvent faire mal. Comme l'a illustré le lancement d'un parfum exploitant ainsi le nom Sex Pistols, avec l'accord des ayants droit. Et alors que John Lydon (alias Johnny Rotten, chanteur du groupe), s'est affiché en 2008 dans une publicité TV pour une marque de beurre britannique, Country Life. Ouch !

 

 

La vogue du punk gothique

La punkette gothique férue d'informatique Lisbeth Salander, l'héroïne de la saga Millenium écrite par Stieg Larsson, le punk sur le retour incarné par Sean Penn dans This must be the place, du réalisateur Paolo Sorrentino ou encore le défilé French cancan punk de Jean-Paul Gauthier en janvier 2011… Le style punk gothique est en vogue. «Cela est lié à l'incertitude face à l'avenir, à la crise économique, écologique et à une envie de rupture avec les codes rétro et glamour, qui étaient auparavant des valeurs refuges », souligne Elodie Nigay, du cabinet Carlin. 

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