La publicité en ligne n’a pas encore intégré la nature spécifique du Web qui mêle interactivité et partage. Un défi et un enjeu pour le Syndicat des régies Internet (SRI) qui livre huit codes Web à suivre.

Espace d'interactivité et de contributions, le Web participatif a impulsé de profonds changements dans les relations des individus entre eux et avec les marques. Quelle est la place de la publicité en ligne dans cet univers? A-t-elle vraiment opéré sa révolution? Pour le compte du Syndicat des régies Internet (SRI), Perspectives Lab, cabinet de conseil en stratégie de marques et tendances, a interrogé plusieurs experts - créatifs, webplanneurs, universitaires, sociologues, etc. (1) - qui «s'accordent à dire que la publicité "online" exploite peu les spécificités de l'espace Internet», indique Élisabeth Pannetier, fondatrice de Perspectives Lab.

 

En clair, l'e-pub n'a pas encore intégré la nature spécifique du Web qui mêle interactivité et partage et est décrit tout à la fois comme un espace d'exploration fondé sur le surf libre en opposition à une publicité hyperciblée, d'expression identitaire où l'internaute se met en scène, aime se raconter en opposition à une publicité statique et multitâche (faires ses courses, discuter avec ses amis, s'informer, etc.) qui convient mal à des messages publicitaires unilatéraux.

 

Face à un internaute devenu lui-même émetteur de messages, la publicité en ligne ne peut pas se contenter de reproduire les publicités télé ou print mais doit s'inscrire dans une stratégie globale en intégrant les codes du Web. Le SRI livre huit tendances à suivre pour viser juste et rendre «l'e-pub désirable».

 

«Nous avons voulu faire émerger les tendances lourdes qui trouvent un écho dans d'autres secteurs de la société», souligne Élisabeth Pannetier. Exemples: la tendance «ego trip» est sensible sur les réseaux sociaux via le «personal branding», mais aussi dans tous les autres univers de consommation. La «guerre des Post-it» qui a fait rage récemment dans les open-spaces, puis sur le Web collaboratif illustre, elle, bien la tendance «créativité». Quant à l'Ipad au succès fulgurant, il incarne la tendance «toute-puissance» en donnant à son propriétaire l'impression de gérer le monde du bout des doigts.

 

1 Contre-culture, de l'humour au trash

 

Internet rime toujours avec contre-culture. Humour potache, culte du «fake» (faux) et du détournement sont des valeurs pérennes du Web. «Internet reste un espace de rébellion où l'on peut être touché, perturbé et surpris par ce qui n'est pas "politically correct": l'art du décalage, de l'ironie, du déplaisir, de l'injonction paradoxale», analyse Perspectives Lab.

 

2 La soif de reconnaissance: ego-trip

 

Signe des temps, l'image de soi est malmenée. Et pas seulement chez les adolescents. Sur les réseaux, l'internaute cherche donc à se valoriser. La course aux «followers», aux amis et aux «like» «renforce le potentiel de désirabilité de chaque internaute et construit son pouvoir charismatique». Illustrations avec le site Hypnose Dolls Eyes de Lancôme, signé Digitas, où l'internaute en téléchargeant sa photo peut créer son avatar en 3D. Ou le site Museum of Me d'Intel, qui se propose de créer sur Facebook «une archive visuelle de votre vie sociale» (830 000 fans).

 

3 La créativité au service du «beautiful world»

 

Choix des polices, usage effréné de Photoshop, montage vidéo: «L'internaute devient un créatif publicitaire», rappelle le SRI. Dans le film «Fingerboard» pour la collection hiver 2010 d'Hermès, une main manipule un miniskateboard au-dessus des sacs, pochettes et carrés de la marque. Un classique du Net (le «fingerskating») et de la jeunesse (les «riders», adeptes de la glisse) adapté à l'univers du luxe par le roi du fingerboarding lui-même, le vidéaste Alexis Milant.

 

4 La toute-puissance

 

Le fantasme du contrôle de l'espace-temps n'est plus l'apanage de la science-fiction. Il a été réactivé par Internet et son mode ATAWAD: n'importe quand, n'importe où, depuis n'importe quel appareil. Acheter un objet ou un service quand on le désire est devenu possible grâce à l'e-commerce. Le faire depuis son salon ou dans un compartiment de train, c'est le rôle des smartphones et des tablettes. Le site Chasse aux plaisirs des glaces Magnum fait passer une jeune femme d'un site Web à l'autre à la recherche de chocolats, manipulé par l'internaute qui la fait avancer ou sauter d'une page à l'autre.

 

5 Le jeu, le divertissement, l'évasion

 

Internet, royaume ludique, c'est vrai depuis sa création. Et ça l'est toujours: 63% des internautes français jouent à des jeux en ligne. Or, selon Perspectives Lab, «le jeu permet d'accéder à un nouvel état d'esprit (voire un nouvel état de conscience), qui est une agréable échappatoire». Dans The Desperados Experience sur You Tube, une caméra subjective emmène l'internaute dans une folle «party» dans laquelle il peut éclater les murs à coups de souris et passer d'une fête à l'autre.

 

6 Le «best cost»

 

Le Web, ce n'est pas du hard discount. Malgré les nombreux comparateurs de prix, l'internaute ne cherche pas obligatoirement le moins cher mais plutôt l'achat optimisé. Achat privilégié, achats groupés, bons plans donnés par son réseau social: le Net réinvente l'acte d'achat. Le site Lucky Counter d'Uniqlo UK a ainsi proposé une promotion d'une semaine durant laquelle on pouvait faire baisser les prix d'une série de dix vêtements en envoyant des tweets.

 

7 De la connivence à la célébration: Woodstock Online

 

Lieu de rassemblement via les réseaux sociaux, Internet serait donc le Woodstock virtuel des générations Y et Z. «Les espaces sociaux offrent la constitution d'une esthétique sociale avec des imaginaires communs, ritualisés autour de signaux et d'emblèmes forts, dans lesquels les marques et les institutions jouent un rôle fondamental d'agrégateur et de liant», analysent les experts interrogés par Perspectives Lab. Lors du premier flash mob numérique, la page d'accueil de Yahoo a été envahie pendant 40 secondes de ballons colorés et sauteurs, les «hoppers», personnalisés auparavant par les internautes. Une initiative destinée à promouvoir les téléphones Satio et Anio de Sony Ericsson.

 

8 L'information choisie et ciblée

 

L'information sur le Net est partout. Mais comment vérifier qu'elle est légitime? Or, disent les experts dans cette étude, «l'internaute recherche l'expertise, l'avis pointu qu'il ne trouvera nulle part ailleurs. Le consommateur lui-même va choisir la valeur qu'il va donner à la publicité ou la nature des messages qu'il veut recevoir, comme dans la presse spécialisée où la valeur du support vient de la publicité.» Et de proclamer dans la foulée «la fin de la publicité intrusive!». Un vœu pieux plutôt qu'une tendance, si on en croit les forums en ligne sur lesquels les critiques de la publicité «in stream» (avant les vidéos) se comptent par milliers.

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