Tellement différentes et pourtant si proches. Diverses dans la forme, selon les pays et les cultures, les télévisions européennes ont pourtant beaucoup de points communs. C'est le constat de l'étude annuelle réalisée par IP Network, la branche commerciale de RTL Group.
L'«International Key Facts», qui en est à sa 18e édition, montre que le marché européen n'est pas forcément multiple. «Il y a encore quelques années, la différence était flagrante entre les pays du Nord et ceux du Sud, explique Christophe Loisel, directeur général adjoint d'IP Network. Les Scandinaves et les Allemands étaient beaucoup plus avancés que nous en termes de diffusion par câble et satellite.»
Par le fait, ces pays étaient également plus développés en termes d'offres de chaînes. Le numérique a remis tout le monde au même niveau. «Cette année est réellement celle de la transition complète dans le numérique, affirme Christophe Loisel. Nous assistons partout à l'extinction des signaux analogiques.»
La France a rattrapé son retard et figure même dans le peloton de tête des pays les mieux couverts par le numérique hertzien. Notre pays affiche une couverture de 92%, juste derrière le Royaume-Uni (94%), l'Espagne (98%) et la Finlande, totalement numérisée. L'Hexagone n'a pas à rougir comparé au Japon, couvert à 96%, et aux États-Unis (84%). L'Allemagne est loin derrière (57%), de même que la Belgique (47%).
Ce mouvement se traduit par un renouvellement total du parc des téléviseurs dans tous les pays, quel que soit le niveau de vie. «Les Européens recherchent le haut de gamme», confirme Carine Jean-Jean, directrice de la communication d'IP Network. Le téléviseur est devenu un outil de design. Déjà, plus de la moitié des foyers européens peut recevoir des images en haute définition (HD).
Les conséquences sont immédiates sur la consommation: selon les relevés d'IP, qui se base sur les audiences d'Eurodata, les téléspectateurs européens ont passé 8 minutes de plus chaque jour devant leur écran plat en 2010, soit au total 228 minutes, par rapport à l'année précédente. Dans le même temps, les dépenses publicitaires ont progressé de 7,6% en Europe, contre 4,1% pour l'ensemble des médias.
Pics d'audience plus tardifs
Mais l'Europe de la télévision possède aussi ses spécificités par région. S'il est passé massivement à l'écran plat avec son image numérique HD, le téléspectateur européen ne regarde pas son poste au même moment. «Le changement d'appareils et la technologie n'ont pas bouleversé les habitudes d'écoute», observe Carine Jean-Jean.
En général, le nord de l'Europe conserve un seul pic d'audience, à partir de 18heures, quand les pays du Sud en ont deux: le soir aussi et l'heure du déjeuner. Le pic d'audience des télévisions en Europe est observé à 21h14, en moyenne, contre 20h30 au Japon et 21h45 aux États-Unis. «Toutefois, depuis plusieurs années, nous constatons que le pic d'audience de soirée est de plus en plus tardif», renchérit Christophe Loisel.
Ainsi, en quinze ans, entre 1995 et 2010, le pic d'audience de la télévision en Italie, Belgique, Pays-Bas et Allemagne est passé de 20h50 ou 21heures à 21h15 ou 21h30. Mieux, celui de la télévision britannique s'est décalé de deux heures, passant de 19h30 à 21h30. En Espagne également, où l'on regardait déjà la télévision très tard, un glissement s'est opéré, de 22heures en 1995 à 22h30 l'an passé.
«On peut supposer que les téléspectateurs européens se couchent désormais plus tard, observe Christophe Loisel. Cela peut s'expliquer par deux phénomènes. Le premier est que le téléspectateur entre désormais à n'importe quel moment dans les programmes, il allume le téléviseur sans rendez-vous précis. Le second est imputable au travail marketing des chaînes, qui cherchent à retenir leurs téléspectateurs le plus longtemps possible grâce, notamment, à Internet.»
L'accueil des téléspectateurs n'est pas uniforme
Coté programmes, IP Network note l'essor du divertissement en direct. «C'est la tendance qui, aujourd'hui, a supplanté la série, indique Carine Jean-Jean. Le téléspectateur attend ces rendez-vous événementiels.»
Dans ce contexte, le succès de Got Talent (La France a un incroyable talent) a dépassé les frontières. En 2010, le format, produit par Freemantle, filiale de RTL Group, était présent dans onze pays. D'autres jeux et divertissements connaissent le même développement, tels Masterchef (Shine), Money Drop (Endemol) ou X-Factor (Freemantle). «Ces formats internationaux s'inscrivent comme des temps forts dans la grille d'une chaîne généraliste et permettent de la structurer, observe Christophe Loisel. Mais, pour fonctionner en termes d'audience, ils demandent une adaptation locale.»
Car l'accueil des téléspectateurs n'est pas uniforme selon les pays. Par exemple, quand Dancing With the Stars (Danse avec les stars) réalise 42% de part d'audience moyenne sur BBC1 en Grande-Bretagne, le même programme ne conquiert que 18% sur RTL en Allemagne et 16% aux États-Unis sur ABC. En France, TF1 a réalisé environ 25% de part d'audience. Des taux qui se situent toujours au-dessus de la part d'audience moyenne de la chaîne.
Enfin, l'édition 2011 de l'«International Key Facts» constate la montée en puissance de l'effet de famille entre les chaînes. «Les groupes audiovisuels font jouer les synergies et les économies d'échelle», explique Christophe Loisel. Ainsi, il n'est plus rare de voir voyager les programmes ou les marques entre les chaînes d'un même groupe. RTL Group étant le plus important en Europe, c'est le cas en Allemagne entre RTL et Vox, ou en France entre M6 et W9. Une technique qui ne déstabilise en rien les chaînes leaders.
«Malgré la fragmentation de l'audience, on constate dans tous les pays que les chaînes historiques ont désormais stabilisé et consolidé leurs audiences», résume le directeur général adjoint d'IP Network.
Encadré
Une étude historique pour IP Network
Depuis 1993, IP Network, la régie commerciale de RTL Group, publie ce document qui synthétise les données d'audiences et publicitaires des grands marchés. Outre les chiffres clés des médias, et plus précisément de la télévision, l'étude rassemble les analyses transversales sur l'équipement des foyers, l'implantation du numérique, la mesure d'audience et la législation. L'«International Key Facts» couvre plus de 900 chaînes dans 35 pays européens, les États-Unis et le Japon. L'enquête s'appuie sur les travaux des bureaux locaux d'IP et sur les services marketing des grands médias du groupe, comme M6 Publicité en France.
Encadré
La fiction contemporaine en vedette à La Rochelle
La comédie et les sujets contemporains seront en vedette à La Rochelle (Charente-Maritime) du 7 au 11 septembre, où se tiendra la 13e édition du Festival de la fiction. «Toutes les chaînes ont envie de se lancer dans la comédie et de mettre en valeur ce genre de fiction, explique Judith Louis, responsable du comité de sélection du festival. On a également eu envie de mettre en avant le regard sur la société et le contemporain, de se demander comment la télévision, les téléfilms, la fiction et les créateurs regardaient le monde d'aujourd'hui.» Parallèlement, les films en costumes sont en recul dans cette compétition, dont le président du jury est l'acteur François Berléand, qui réunira quelque 1 800 professionnels et 25 000 spectateurs.
