«La Bretagne corps & âme», tel est le slogan de la nouvelle campagne du Comité régional du tourisme de Bretagne diffusée en région parisienne. Créée en collaboration avec l'agence Cadran solaire, elle mise sur une esthétique novatrice, loin des traditionnelles campagnes touristiques. Elle fait suite à une initiative plutôt inhabituelle au sein des collectivités: le lancement cette année d'une véritable politique de «branding». Tous les acteurs susceptibles de faire référence à la «marque» Bretagne, publics ou privés, ont désormais à leur disposition une charte graphique clairement identifiable.
Les collectivités territoriales adoptent en effet les méthodes des entreprises pour leur communication. Elles sont ainsi de plus en plus nombreuses à s'éloigner des campagnes un peu trop «dans les clous» pour coller aux attentes de leur cible. Selon Marc Vanghelder, président de l'agence Leader et Opinions, «on assiste depuis quelque temps à une nouvelle vague de professionnalisation des collectivités territoriales avec du marketing, du benchmark, etc. Le but étant de trouver comment se différencier par rapport aux autres territoires.»
D'une manière générale, l'idée est d'attirer soit les touristes, soit les entreprises. Dans les deux cas, les régions cherchent désormais à se définir en «marques territoriales». Mais les moyens et les leviers à utiliser doivent s'adapter aux spécificités de collectivités dont les finalités et le fonctionnement sont souvent fort éloignés de celles du monde de l'entreprise (lire l'entretien).
Il va sans dire que certaines régions n'ont pas – ou peu – besoin de campagnes de communication pour attirer touristes et habitants: la région Provence-Alpes-Côte d'Azur bénéficie d'atouts auprès de l'opinion dont ne dispose pas le Nord-Pas-de-Calais, par exemple. Dès lors, l'enjeu, selon Gérard Lombardi,consultant en communication et marketing au sein du conseil régional d'Auvergne, est de «connaître les valeurs associées à son territoire et les mettre en avant pour contrebalancer les points négatifs».
Déclinaisons affinitaires
Se démarquer est la priorité. Avec sa campagne «Les Urbanophiles», dont le troisième volet a été lancé fin 2010 avec l'agence Megalo & Company, la région Auvergne a ainsi misé sur le décalage pour créer la surprise et donc le buzz.Le Nord-Pas-de-Calais avait été le premier à franchir le pas en 2008, en adoptant une marque ad hoc: la Créativallée. Cette marque, développée avec l'agence Euro RSCG, vise à mettre en avant le dynamisme entrepreneurial de la région.
Fini les campagnes de masse, l'accent est à présent davantage sur la communication affinitaire. «On ne caractérise plus les gens en fonction de leur catégories socioprofessionnelles, mais plutôt en fonction de leurs affinités», détaille Deborah Le Goff, directrice de la communication et de la promotion du Comité régional du tourisme de Bretagne. C'est dans cette optique que l'instance a créé plusieurs «minisites affinitaires» («Osez», «Vibrez», «Bien-être», etc.) pour que chaque public visé puisse trouver chaussure à son pied. Douze thématiques affinitaires seront définies à terme, chacune collant à de possibles «expériences bretonnes» (sports extrêmes, fête ou détente).
Dans le prolongement de cette nouvelle posture, les régions s'appuient sur leur population pour concevoir leur campagne. Les «ambassadeurs» de la Créativallée (Nord-Pas-de-Calais) utilisent leurs réseaux pour communiquer sur la campagne, et les «fans de Bretagne» sont invités à partager leurs expériences.
La communication, accompagnant il est vrai une politique d'attractivité souvent révisée de fond en comble, donne des résultats parfois saisissants. Ainsi, l'Auvergne, qui accusait il y a 10 ans un déficit migratoire dans ses relations avec ses voisins Paca, Rhône-Alpes et Île-de-France, voit aujourd'hui ces flux inversés. À plus court terme, la région Auvergne a enregistré, depuis le début de sa dernière campagne il y a quatre mois, une multiplication par trois du nombre de dossiers de création d'entreprise dans la région par des personnes originaires d'autres territoires (250 par mois contre 80 à 100 en temps normal).
Travail de fond
Il ne faut toutefois pas négliger les dangers de ce type de communication. Pour Stéphane Schmaltz, directeur du pôle public et politique d'Euro RSCG C&O, «le seul point négatif de ce type de communication est la mauvaise image que cela peut donner aux contribuables, qui ne se rendent pas toujours compte des bénéfices qui seront tirés de cet investissement». Marc Vanghelder rappelle pour sa part que «l'un des écueils à éviter est de rentrer dans des dépenses trop importantes par rapport à ses objectifs».
Tous les leviers utilisés ont pour but de générer une attractivité globale en croisant les différents publics visés, mais les plans de marketing territorial nécessitent un travail de fond et à long terme. «Il faut compter entre six et dix ans pour changer les perceptions que les gens ont d'une région», estime Gérard Lombardi. Par ailleurs, comme le souligne Marc Vanghelder, «l'une des clés sur laquelle il y a une marge de progression est le travail en symbiose. Une région doit se concerter avec ses départements et ses villes majeures. Leurs communications doivent avoir une stratégie cohérente.»