Faut-il succomber aux sirènes des Facebook, Linked in, Viadeo et autres Twitter lorsqu'on opère sur le marché des professionnels? Aujourd'hui, peu de responsables marketing et communication de l'univers B to B se posent encore la question en ces termes. Le succès des réseaux sociaux est un phénomène certes incontournable mais encore récent. Et c'est justement pour mieux comprendre comment les entreprises du B to B intègrent les médias sociaux dans leur stratégie marketing et communication qu'Equaero, agence-conseil en «search marketing», a mené l'enquête auprès de 88 sociétés (1). «Il existe beaucoup d'études sur les utilisateurs de ces réseaux et les usages qu'ils en font. Mais très peu concernant les entreprises et leur degré de maturité vis-à-vis de ces nouveaux outils de communication», note Jean-Dominique Brivet, directeur général d'Equaero.
Premier enseignement de cette étude qualitative et quantitative (26 entretiens téléphoniques d'une heure et 62 questionnaires en ligne administrés en octobre 2010): le Web 2.0 commence à peine à s'inviter dans ces entreprises. Quelque 53,5% d'entre elles ont intégré ces outils depuis moins d'un an. Récent, le recours aux réseaux sociaux fait néanmoins figure de passage obligé: pour 47,7% des entreprises interrogées, cela génère des changements majeurs au sein des métiers du marketing et de la communication. Et 14,8% estiment même qu'il s'agit ni plus ni moins d'une «révolution».
Les deux principaux enjeux sont l'impact sur l'image de l'entreprise et sur son e-réputation. Mais les réseaux sociaux sont également perçus comme d'utiles outils de prospection et de fidélisation. «Pour les sociétés B to B, ils sont aussi un moyen de toucher le grand public, dans le secteur de la santé par exemple, où la communication directe vers les patients est interdite», ajoute Isabelle Oudot-Klein, directrice du développement d'Equaero.
Outils chronophages
Pour l'agence, la stratégie 2.0 des sociétés B to B est de deux natures: une approche «test», liée à un événement, pour environ un tiers du panel, et une approche planifiée, avec audit des risques, définition des objectifs, création d'un comité de pilotage, etc., choisie par les deux tiers des entreprises ayant répondu à l'enquête.
En moyenne, les sociétés utilisent 5 dispositifs opérationnels, dont les plus prisés sont les réseaux sociaux (79%) – principalement Facebook, les plates-formes de partage de vidéos et de contenus comme You Tube ou Slide Share (61%), les vidéos et podcasts (60%), le microblogging tel Twitter (57%) et enfin les blogs (47%).
Cependant, les ressources financières allouées à ces outils sont modestes. En 2010, elles ne représentaient que 3% des budgets de communication. «Mais, cette année, le quart des entreprises va y consacrer plus de 10% de ses investissements», prévoit Jean-Dominique Brivet. Une lente montée en puissance qui va devoir s'accompagner de l'embauche des ressources humaines indispensables à la gestion de ces outils chronophages.
«Le stagiaire au profil de “geek” est encore souvent le seul à s'en occuper. Mais les directions marketing et communication sont conscientes qu'il faut désormais faire appel à des experts», tempère Isabelle Oudot-Klein. Les deux tiers des entreprises interrogées ont ainsi intégré de nouvelles compétences: gestionnaires de communauté (68,6%), producteurs de contenus (49%) ou «social media managers» (27,5%). Cependant, pour les aider dans leur nouvelle tâche, 56% des responsables interrogés ont recours à un prestataire extérieur pour définir ou mettre en place cette stratégie.
Il reste à ces pionnières à contourner un écueil de taille, commun à toute action sur le Web: évaluer l'effet de leur présence sur Facebook ou Twitter. «Mesurer la réussite d'une stratégie 2.0 est très difficile, en particulier pour les retombées sur l'image. Une majorité se contente de surveiller le trafic ou le nombre de "followers" via des outils de type Web Analytics», analyse le directeur général d'Equaero.
Quant à calculer un retour sur investissement, cela s'avère pratiquement impossible. Néanmoins, les entreprises B to B qui ont décidé d'emprunter ce nouveau canal de communication semblent plutôt satisfaites de son impact. Surtout en termes de buzz et de couverture médiatique: la reprise de commentaires en presse ou sur les blogs peut faire économiser des centaines de milliers d'euros sur les plans médias. Ces entreprises converties au Web 2.0 sont d'ailleurs convaincues de la nécessité de poursuivre leurs investissements (70%) et sont prêtes à explorer de nouvelles solutions ou de nouvelles cibles (75%). «Ce n'est qu'un début. Les médias sociaux sont une solution d'avenir», conclut Jean-Dominique Brivet. Pour les entreprises, mais également pour les agences de communication, qui sont de plus en plus nombreuses à proposer du conseil en médias sociaux.
Les entreprises étrangères davantage 2.0
L'agence Aastroem Munier BBN et l'institut Benchmark Group ont publié en mars 2010 une étude qualitative auprès de 112 responsables marketing et communication d'entreprises de 8 pays (2) sur «les usages Internet et Web 2.0 en marketing et communication B to B». À cette date, 68% des entreprises B to B utilisaient des solutions Web 2.0 (contre 53,5% pour les entreprises B to B en France, selon l'étude d'Equaero), dont le «rich media» (38%), les vidéos et podcasts (37%), les plates-formes d'échange de vidéos (27%) et les blogs (25%). Il y a un an, les réseaux sociaux étaient utilisés par 23% des entreprises du panel. Surveiller son e-réputation était leur préoccupation principale (56%), suivi du «community branding» (48%) et des techniques d'influence (repérer les leaders d'opinion) pour 38%. Ces solutions 2.0 étaient dirigées d'abord vers la cible interne (70%) afin d'«améliorer la communication et la cohésion de l'entreprise». Comme chez leurs homologues françaises, le frein principal à l'adoption de ces outils est le coût de modération et d'animation (54%), suivi du manque d'expertise (42%) et de la mauvaise qualité du contenu du site corporate (39%). Les entreprises de services étaient et sont toujours plus avancées que leurs consœurs de l'industrie.