La consommation responsable poursuit sa croissance. Les entreprises restent toujours mobilisées, malgré la crise, sur les grands enjeux du développement durable.

Le sommet de Copenhague a été un échec, la taxe carbone vient d'être abandonnée et beaucoup pensent, comme Nicolas Sarkozy, que «l'environnement, ça commence à bien faire»… Et pourtant, les entreprises et les consommateurs restent en alerte face aux grands enjeux du développement durable. C'est ce qui ressort des nombreuses études réalisées à l'occasion de la Semaine du développement durable (du 1er au 7 avril) dont la huitième édition est placée sous le signe de la consommation responsable.

«En 2009, malgré la crise, ce type de consommation poursuit sa croissance», explique Élisabeth Laville. La présidente d'Utopies a présenté le 25 mars son étude annuelle sur les chiffres effectifs de vente des produits responsables. «De nombreux marchés connaissent une croissance à deux, voire trois chiffres, explique-t-elle. Notamment celui des énergies renouvelables, des produits du quotidien comme les détergents, les cosmétiques et les vêtements, et de l'alimentation avec le bio et le commerce équitable.» L'étude note par ailleurs le développement de nouveaux modes de consommation, plus responsables, pressentis en 2007 et encouragés par la morosité ambiante en 2009, comme l'achat de produits d'occasion et l'auto-partage.

Une tendance confirmée par le baromètre sur les Français et la consommation responsable, présenté par Ethicity et Aegis Media Expert le 1er avril. «Pour la majorité des sondés, consommer responsable équivaut encore à ne plus consommer ou à réduire sa consommation, explique Elizabeth Pastore-Reiss, directrice de l'agence Ethicity. Mais, pour la première fois, l'idée de consommer autrement prend son envol. En 2009, les Français sont davantage prêts à louer, échanger, mutualiser un produit plutôt qu'à l'acheter.»

D'une économie circulaire à une économie d'usage

Privilégier l'usage plutôt que la possession est également l'une des tendances de consommation mises en avant par Éric Mugnier lors du salon Planète durable. Le directeur associé du département développement durable du cabinet Ernst & Young présentait, jeudi 25 mars, une table ronde sur la consommation à l'horizon 2020. «De la même manière qu'il loue son Vélib plutôt que d'acheter un vélo, le consommateur prend conscience qu'il n'a pas besoin d'acquérir une perceuse pour s'en servir deux ou trois fois dans l'année, explique-t-il. Dans l'électroménager, il est aussi possible de louer sa machine à laver avec un contrat d'entretien plutôt que de l'acheter. Les fabricants reprennent d'ailleurs aujourd'hui la main sur le service après-vente.»

Vendre des services plutôt que des produits va pousser les entreprises à changer leur modèle économique. «C'est déjà à l'œuvre en B to B, avec Michelin qui ne vend plus des pneus mais des kilomètres parcourus, ou avec Rank Xerox qui ne propose pas des photocopieuses mais facture au nombre de pages, explique Éric Mugnier. C'est certes plus difficile à mettre en place auprès du grand public, mais c'est le sens de l'histoire.» Ainsi, chez Procter & Gamble, quand les équipes se réunissent pour imaginer ce que pourrait être la couche ou la lessive dans dix ou quinze ans, elles planchent d'une manière plus globale sur la propreté du bébé ou le soin du linge.

«Nous ne sommes plus centrés sur le produit mais sur les services, dans l'idée de passer d'une économie circulaire à une économie d'usage», commente Marc Allias. Le directeur du développement durable de Procter & Gamble Europe de l'Ouest participait mardi 23 mars à une table ronde lors du Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable (Federe) organisé par Les Échos. Les attentes des consommateurs, la sensibilité des salariés et des jeunes diplômés, la réglementation, mais aussi l'épuisement des ressources poussent les entreprises à évoluer. «On vit une crise de partage du monde fini, a rappelé Henry Saint-Bris, directeur de la stratégie de Suez Environnement. Le fer, nous n'en avons plus que pour soixante ans, le plomb dix-huit ans, le cuivre vingt ans. Il faut réinventer les modes de production.»

Alain Liberge, directeur environnement et responsabilité sociale d'Orange, va jusqu'à imaginer la fin de la course à l'obsolescence des produits. «Un jour, nous serons fiers d'afficher une baisse du nombre annuel de ventes de mobiles», a-t-il prédit, rappelant que son entreprise est un opérateur de téléphonie vendant des services, non un fabricant de téléphones. Dans ce contexte, l'écoconception est, depuis quelque temps, le maître-mot d'entreprises bel et bien mobilisées malgré un contexte économique difficile.

Selon l'étude Ifop-Federe réalisée à l'occasion du forum, 63% d'entre elles ont ainsi renforcé leurs projets et actions de développement durable suite à la crise financière et non l'inverse, comme est porté à le croire le grand public. Des actions qui leur permettent, en premier lieu, d'améliorer leur image et de développer l'innovation. Avec plus ou moins de facilités. Du côté de Procter & Gamble et de L'Oréal, on reconnaît que le plus fort impact d'un shampooing et d'une lessive sur l'environnement concerne l'eau chaude utilisée sous la douche et la température élevée choisie par le consommateur pour laver son linge... Une manière de rappeler chacun à ses responsabilités.

 

 

Sous-papier

Un exercice de communication difficile

La communication environnementale est à manier avec des pincettes. «Les consommateurs attendent des entreprises des engagements forts en matière d'environnement, mais le caractère écologique d'un produit ne suffit pas, à lui seul, à les pousser à l'achat. Le prix et la qualité restent des critères déterminants», indique Marc Allias, de Procter & Gamble. Ainsi pour la lessive Ariel gel, active dès 15°, le groupe a préféré mettre en avant la performance du produit et les économies d'énergie réalisées par le consommateur. «Non seulement, c'est ce qui le touche le plus, mais cela nous évite de nous faire épingler pour écoblanchiment», poursuit Marc Allias.

D'une manière générale, les Français se montrent particulièrement sceptiques face aux discours des marques et des entreprises sur le développement durable. «Ils jugent qu'il y a trop de messages sur le sujet et, dans l'ensemble, ils doutent de la fiabilité de l'information fournie sur les produits durables, explique Elizabeth Pastore-Reiss, d'Ethicity. Ils veulent avant tout du concret, du prix, des preuves, moins de publicité et plus de précisions sur l'origine des matières premières, les lieux de production ou l'impact sur la biodiversité.» Attention toutefois aux discours tristes, alarmistes et contraignants. Le développement durable doit aussi pouvoir rimer avec bonheur et plaisir.

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