Technologie
L'essor de la 3D, en impression comme en réalité virtuelle, offre un nouveau champ des possibles aux marques de luxe. Encore faut-il qu'elles sortent de l'opposition entre tradition et nouvelles technologies.

La machine peaufine les doigts de l'homme. L'image est léchée. Des personnes, des chevaux et de nombreux objets sont ainsi façonnés. Tous imprimés en 3D. Bienvenue dans le générique de la dernière grosse série produite par la chaîne américaine HBO: Westworld. En son temps, Mad Men avait façonné une certaine esthétique vintage. Westworld pourrait booster un nouveau phénonème, celui de la 3D et notamment de l'impression 3D.

Un phénomène à la mode que ne peut ignorer l'industrie du luxe, qui en l'espèce n'est pas en reste, bien au contraire. L'imprimante 3D s'invite de plus en plus dans le milieu sous la houlette de quelques designers avant-gardistes. À la Fashion Week de 2015, Iris van Herpen a ainsi intégré cette technique dans sa collection mêlant tissus et inclusions en 3D. La bijouterie-joaillerie se tourne, elle aussi, vers ces nouvelles techniques. Ce secteur utilise les imprimantes 3D notamment pour sortir des moules dans lesquels seront ensuite coulés les métaux destinés à la fabrication de bijoux aux motifs fins et précis.

Si le luxe repose avant tout sur des savoir-faire artisanaux parfois ancestraux, la 3D pourrait bel et bien lui faire découvrir de nouveaux horizons. Et aussi gagner en productivité pour la fabrication des prototypes des collections. «Nous pouvons désormais les réaliser en moins de 48 heures, explique Catherine Gorgé, secrétaire générale de Prodways, entreprise spécialisée dans l'impression 3D. Cela permet de contrôler une forme, un modèle, de valider un concept et une idée et ensuite de produire les pièces... pas forcément en 3D. Nous fabriquons beaucoup de formes de talons, des fermoirs, des chaînes de maroquinerie, et même des broderies souples et flexibles.»

Singularité et sur-mesure

Selon Catherine Gorgé, l'impression 3D permet de produire des pièces uniques, là où beaucoup de fabricants ne fonctionnent qu’à partir de grosses commandes: «Nous pouvons réaliser un seul bouton si on nous le demande. Un réel intérêt donc, pour la haute couture par exemple. Il est aussi possible de réaliser des pièces sur mesure, en fonction de la morphologie d’un corps, capturé géométriquement par une machine. Nous donnons souvent l’exemple des semelles imprimées en 3D, à visée thérapeutique ou de confort, entièrement réalisées en fonction du pied du client.»

Des chemins nouveaux qui peuvent évidemment séduire les grandes enseignes de luxe. Prodways a par exemple travaillé pour les montres italiennes Officine Panerai. «Le poids de la montre a été réduit de 40%. Une prouesse pour l’horlogerie. Nous avons recouru à l’optimisation topologique, très utilisée dans l'aéronautique. En clair, l’imprimante n’est venue construire que l’enveloppe nécessaire pour assurer l’étanchéité et la robustesse de la montre, en laissant des zones creuses, étudiées pour ne rien changer à la montre, et permettre ainsi de réduire son poids», détaille Catherine Gorgé.

Toutefois, si le champ des possibles s'est considérablement élargi avec l'impression 3D, cette dernière «reste encore discrète en France», note Eric Briones, directeur du planning stratégique de Publicis Et Nous, agence spécialisée dans le luxe. «Les nouvelles technologies restent, à tort, perçues comme moins nobles que le savoir-faire traditionnel.» Or selon lui, le 3D printing est «une question stratégique pour l'industrie du luxe en général. Il lui faudra réussir à mêler les connaissances des artisans classiques et des artisans nouvelle génération qui sont des millenials.» Une voie d'avenir pour le secteur qui devrait lui permettre d'offrir à ses clients une plus grande singularité, mais aussi de rendre le produit encore plus agréable à porter.

Accéder à l'inaccessible

Dans le luxe, la 3D ne se manifeste pas seulement dans l'impression. Hennessy a organisé une sorte de showroom où l'on pouvait voir les différents produits de la marque en réalité virtuelle grâce à un Oculus Rift. De même, Dior a crée «Dior Eyes», un casque de réalité virtuelle qui promet de faire découvrir toutes les coulisses des défilés de la maison de couture. En somme, le secteur du luxe, grâce à la 3D, va aussi recréer des mondes imaginaires. Ceux qui d'ailleurs ont fait son originalité. «Le luxe doit se tourner vers la 3D en général et la réalité virtuelle en particulier parce qu'elle permet, non pas de créer des avatars de mondes mais au contraire de nous connecter ou de nous reconnecter avec le réel, analyse Eric Briones. La singularité, c'est de faire désormais entrer les clients dans des lieux inaccessibles et exclusifs. La réalité virtuelle va amplifier cette nouvelle donne. En Chine, le site Alibaba a par exemple organisé une opération avec le magasin Mace's à New York qui a été un immense succès.»

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