Voilà neuf ans que Vincent Leclabart analyse la relation des Français et de la publicité, neuf ans que le président de l'agence Australie observe à la loupe le désamour de l'opinion envers son métier. Et voilà que, pour la première fois, les chiffres annoncent un retour en grâce. «Enfin, c'est arrivé et j'en suis très heureux!», a-t-il lancé, mardi 9 octobre, en dévoilant les résultats de «Publicité & société».
L'étude menée fin août avec TNS Sofres auprès de 1006 personnes est riche en enseignements. Certes, 78% des Français sont inquiets pour l'avenir de leur pays, quant un sur deux l'est pour sa situation personnelle. Mais globalement, on note un regain d'espoir. 32% se disent en effet optimistes concernant l'évolution de leur niveau de vie, un chiffre en hausse de 9 points sur un an. «C'est fréquent après les campagnes électorales, même si l'espoir est cette fois moindre qu'en 2007», précise Edouard Lecerf, directeur général de TNS Sofres.
Les marques, des points de vente aux produits, ont manifestement fait des efforts pour séduire des consommateurs appelés à faire des choix. En 2012, faire ses courses est davantage un plaisir qu'une corvée. Les marques sont aussi perçues comme plus innovantes. Elles donnent envie. Dans ce contexte, la note moyenne attribuée à la publicité s'améliore: elle s'établit à 4,3 contre 4 en 2011, son niveau le plus bas.
L'indifférence gagne du terrain
L'image de la publicité progresse globalement sur tous les critères positifs: «distrayante» (51%, +5 points), «convaincante» (48%, +5 points), «source d'intérêt» (24%, +3 points). Elle est aussi jugée «utile» par 55% des Français. Les critères négatifs, eux, diminuent. Ainsi, même si la publicité reste envahissante pour trois quarts des Français (76%), cette proportion baisse de 5 points en un an. Le sentiment de saturation est, lui aussi, en recul. Ils sont 81% contre 84% en 2011 à juger qu'il y a trop de publicité.
«Les Français sont particulièrement matures et clairvoyants. Leurs perceptions collent à la réalité, puisque le volume de publicité sur les médias traditionnels a bel et bien baissé. Sur fond de crise, ils reconnaissent l'utilité de la publicité pour le pays, pour l'économie ou pour les aider à faire les bons choix», explique Edouard Lecerf.
Tout, pourtant, n'est pas rose. Si le nombre de publiphobes diminuent, passant de 37% à 32%, le nombre de publiphiles reste stable, à 13%. «C'est en fait le nombre de "neutres" qui augmente, passant de 50 à 55%, précise Vincent Leclarbart. L'indifférence gagne du terrain et cette distance n'est pas un bon signe.»
D'autant qu'elle naît d'un manque d'attention et de respect ressenti par le consommateur. Ainsi, 68% des Français disent croire de moins en moins ce que disent les marques quand seuls 36% jugent la publicité respectueuse du consommateur. Seulement un tiers (32%) pensent, par ailleurs, que les marques s'adressent à eux comme à des êtres intelligents, quand ils ne sont que 40% à estimer qu'elles leur parlent comme à des adultes. De quoi en effet créer de la distance.
Vincent Leclabart, président d'Australie
«Les contes pour enfants ne passent plus»
«Le monde change vite, les consommateurs sont contraints de s'adapter, mais les marques se comportent comme si de rien n'était. Dans ce contexte, leur discours doit évoluer. Aujourd'hui, on ne s'adresse plus aux gens en leur parlant comme à des simples d'esprit. On ne peut leur promettre une vie transformée par l'achat de biens matériels. On ne peut les représenter comme des pauvres ou des gens incapables de résister à des propositions alléchantes. On ne peut leur proposer des innovations qui ne changent rien. On ne peut leur faire croire à des affirmations angéliques de bonne conduite ni leur servir des idées utilisées cent fois. Pour 65% des Français, le rôle de la publicité est aussi d'inciter les gens à être plus responsables. Les contes pour enfants ne passent plus.»