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Peinant à trouver un business model avec un positionnement grand public, ils se tournent vers les entreprises. Orange, Renault, Nestlé se lancent dans l’aventure.

En 2014, les Moocs sortent des amphithéâtres virtuels pour débarquer dans les entreprises. «Le digital, vivons-le ensemble», voilà le nom annoncé le 20 février par le groupe Orange pour le premier cours gratuit en ligne dit Mooc («massive open online course»), qui devrait voir le jour début avril. «Il comprendra dix parcours pédagogiques pour progresser dans le numérique», détaille Luc Bretones, directeur du Technocentre et d'Orange Vallée.

Dans le même temps, Orange commercialisera «Solerni», une solution de Mooc corporate que le groupe télécom entend proposer à d'autres entreprises. A Lausanne, les 10 et 11 février derniers, lors de la conférence Emoocs 2014, Renault a, de son côté, évoqué l'expérimentation d'un Mooc destiné à ses commerciaux. Pour quels usages: former les salariés, les clients? Et avec quel modèle économique?

«Nous nous lançons sur les Mooc corporate, car c'est le seul marché solvable aujourd'hui avec les Moocs», explique, sans ambages, Luc Bretones. Si l'on regarde de près l'activité des cours en ligne grand public, on se rend compte qu'ils peinent à générer des chiffre d'affaires importants. Ainsi Coursera, plateforme américaine, qui a levé 82 millions d'euros depuis 2012, n'a généré qu'un million de dollars (700 000 euros) de chiffre d'affaires au premier semestre 2013.

«Toutes ces plateformes comme EDX (fondée par Harvard et le MIT qui a récolté 60 millions d'euros), et Udacity (qui a levé 20 millions d'euros) n'ont pas non plus un chiffre d'affaires important», constate Matthieu Cisel, doctorant sur les Moocs à Normale Sup Cachan, intervenant lors d'une conférence sur le thème des Moocs, organisée par l'agence Quatre Vents, le 5 février dernier.

Une équation économique compliquée

Cela tient au business model de ces dispositifs: les étudiants suivent les cours gratuitement mais doivent bourse délier pour obtenir un certificat à la fin (entre 100 et 150 dollars, soit 70 à 120 euros). Ce qu'ils font rarement, seuls 14% allant jusqu'au bout de la formation. «Les business models sont immatures. Coursera et Udacity tentent désormais de faire payer des parcours de formation complets ou des cours», ajoute Matthieu Cisel.

Si l'équation économique est compliquée à trouver pour les précurseurs américains, en dépit de leur audience mondiale, ce sera encore plus ardu pour les autres. Créer des plateformes de cours, cela coûte cher. «Le calcul est assez simple, il faut près de 600 heures de travail pour bâtir un cours de cinq semaines, car cela implique de réunir des compétences variées: technique audiovisuelle, pédagogie, analyse de données...», estime Matthieu Cisel.

Si une école investit 100 à 150 000 euros pour un seul cours et que celui-ci n'est au final visionné que par cent personnes, ce sera en pure perte. D'où les tentatives de regroupement et le lancement de FUN, pour France Education Numérique, un dispositif créé par le ministère de l'enseignement supérieur, en ligne depuis le 16 janvier. Et qui héberge à ce jour une trentaine de cours.

Les vendeurs cherchent plutôt leur salut du côté des Moocs d'entreprises ou Cooc (voir encadré). C'est le cas de Coorp Academy, la start-up fondée par Jean-Marc Tassetto, ancien directeur général de SFR et de Google France. Elle est train de développer des Mooc pour des groupes. «Il peut s'agir de grandes banques de réseaux, d'enseignes de distribution ou encore d'un leader mondial de la grande consommation, qui sont tous intéressés par la formation de leurs clients», explique le fondateur de Coorp Academy.

Lors de la conférence Emoocs, à Lausanne, il y a quelques jours, Coorp Academy et Renault ont ainsi annoncé qu'ils planchaient sur un projet: une expérimentation menée par la Renault Academy, pour former les commerciaux au lancement d'une nouvelle voiture avec création d'une communauté d'apprenants. Renault a aussi évoqué lors de cette conférence la création d'une Customer Academy (académie des clients), dans un second temps.

Ecole de commerce en ligne

Coorp Academy développe aussi un Mooc pour le musée Alimentarium de Nestlé, établi à son siège de Vevey (Suisse), qui devrait voir le jour fin 2014: «Une plateforme apprenante sur l'alimentation destinée aux différents publics du musée, qui se situe à mi-chemin entre brand content et brand engagement, souligne Jean-Marc Tassetto. Nous avons également créé un Mooc sur le numérique pour la société de formation Comundi.»

Orange annonce, pour sa part, avoir déjà trouvé plusieurs clients pour sa solution Solerni. «D'abord Enaco, une école de commerce en ligne, pour laquelle nous allons créer un Mooc de sélection de candidats, détaille Luc Bretones. Idem pour Cala Partners, un cabinet de recrutement.» L'opérateur aurait aussi reçu une commande d'un grand groupe pour un Mooc plus corporate.

«Avec ces Moocs, nous sommes en train d'inventer le brand learning», souligne Thierry Curiale, responsable du programme «Open social learning» d'Orange. «Via notre premier Mooc sur le numérique, nous allons coacher nos clients, qui disposent par exemple de smartphones très puissants mais dont ils n'utilisent qu'une toute petite partie des capacités. Cela nous permettra aussi d'acquérir de l'expérience sur l'usage des Moocs, que l'on pourra réutiliser pour déployer les Moocs de nos clients.»


Encadré:

 

Glossaire: Mooc, Cooc et Spoc


Mooc: «massive online open course». Cours gratuits en ligne.
Cooc: «corporate online open cours

e». Enseignements conçus par des entreprises et destinés à des salariés, des clients ou futurs clients.

Spoc: small private online course. Il s'agit de cours virtuels fermés, réservés donc à un petit comité. «Par exemple lorsqu'un professeur teste un enseignement auprès de quelques étudiants, avant de l'ouvrir au plus grand nombre», précise Matthieu Cisel.

Sooc: «small online open course». Ces cours, parce qu'ils portent sur des sujets très pointus, sont très ciblés, et visent un public restreint.

 

Lire et voir aussi : Mooc: l'avenir de l'éducation s'écrit-il sur Internet?

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