Ressources humaines
De plus en plus de créateurs d’entreprises ou de freelances sont sans bureau fixe, une vraie révolution dans la façon de travailler. Retour d'expérience.

Article initialement paru en janvier 2014 pour la sortie du livre de Bruno Marzlof : «Sans bureau fixe».

 

Trois matins par semaine c'est le même rituel: Sophie Gironi, 38 ans, commence sa journée de nomade professionnelle, en récupérant son bac en plastique qui contient ses papiers/stylos, un écran stocké sur place, sur lequel elle branche son «laptop».

 

Depuis septembre dernier, elle a installé son agence digitale (trois personnes), Bleekin, dans un espace de coworking, baptisé «Les satellites», dans le centre de Nice (06). «Tous mes outils sont disponibles dans le cloud et je peux y accéder depuis n'importe quel ordinateur, précise-t-elle. Quand je vais voir mes clients à Paris, Lyon ou Marseille, je travaille à proximité, là encore dans des espaces de co-working.»

 

Les exemples de coworkers ou sans bureau fixe (SBF) se multiplient. Un phénomène analysé par Bruno Marzloff, sociologue, prospectiviste, dans son ouvrage baptisé «Sans bureau fixe» (octobre 2013, FYP éditions). «Les outils numériques et nomades ont révélé le fantasme du travailler «seul-ensemble» ou «ailleurs-autrement», sans pour autant se départir du nécessaire «tête-à-tête» car le lien avec «l'équipe» reste le fondement de l'entreprise, souligne-t-il. C'est aussi le basculement d'un modèle fordiste à un modèle de flexibilité... avec une précarisation du travail: plus de CDD, d'auto-entrepreneurs (de "solopreneurs"), c'est-à-dire plus de travail parcellisé et précarisé... On assiste à la baisse du salariat traditionnel et à une montée rapide du travail indépendant.»

 

Partage des connaissances

 

Dans l'univers de la communication où les freelances étaient déjà nombreux, l'adoption des espaces de coworking se fait naturellement. Ceux-ci se multiplient actuellement, avec l'inauguration récente du Numa à Paris. D'autant que le coût d'un bureau pousse à adopter ces solutions moins onéreuses. Ainsi, Gary Cloud et Damien Bories, jeunes cofondateurs (27 ans) d'une agence de communication digitale, Flaq digital, se sont installés à la Mutinerie, dans le 19e arrondissement parisien: cela leur coûte 300 euros par poste chaque mois. «Autour de nous, il n'y a  que des indépendants (développeurs, graphistes, web-designers), avec lesquels nous pouvons travailler, créer du réseau, note Damien Bories. Cela nous a permis de trouver nos premiers clients.»

 

A Nice, Sophie Gironi, la dirigeante de Bleekin, ne regrette pas non plus son choix: la location de trois postes de travail aux Satellites, à temps partiel, lui revient à 368 euros par mois. «Quand on fait du coworking, on cherche plus de la relation que des bureaux, il y a un partage de connaissances, des échanges; je travaille avec mes voisins de bureau sur des projets clients.»

 

Autre histoire de nomade professionnel, celle d'Arnaud Bachelard concepteur-rédacteur de 52 ans, qui a opté pour cette liberté en 2007, après vingt ans de salariat, dont un dernier poste chez McCann Lyon: «Je travaille soit depuis mon domicile à Chamonix (Haute-Savoie), soit chez ma fiancée en Toscane (Italie), soit directement chez mes clients. J'effectue régulièrement des missions pour des agences à Lyon ou à Grenoble, ils m'hébergent sur place.»

 

Une révolution plutôt positive, souligne Bruno Marzloff. «La sémantique du "télétravail" a longtemps constitué un blocage car elle renvoie à l'idée de vagabondage, du coup j'ai préféré titrer mon livre "Sans Bureau Fixe" qui induit une liberté de mouvement, nuance le sociologue. Il faut casser l'idée selon laquelle la démarche se résumerait à une délocalisation du travail, du siège à la maison. C'est une autre manière d'aborder le travail: nous en avons fini avec le taylorisme, sa pointeuse, ses enfermements collectifs, cloisonnés et ses petits chefs.»

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