«Dans la vie personnelle comme au travail, l’aspiration à être heureux n’a jamais été aussi forte chez les êtres humains», note Catherine Testat, fondatrice du Club des chief happiness officers (le responsable du bonheur), une profession qui a vu le jour dans la Silicon Valley. La jeune femme, en est persuadée: «On assiste à un véritable bouleversement des méthodes de management. Beaucoup d’employeurs comprennent qu’il est désormais nécessaire de favoriser l’épanouissement de leurs salariés et ce pour le bien de leur entreprise. Même les mastodontes de l’économie française y travaillent, prouvant ainsi bien que cela donne des résultats.» C’est le cas du géant Carrefour (115 000 collaborateurs en France et près de 42 000 recrutements – 11 000 en CDI, 25 000 saisonniers et 5 500 en alternance – en 2016) qui «opère une transformation complète de son mode managérial et souhaite intégrer la notion de manager coach», note Catherine Testat. D’après Thierry Roger, directeur de l'Espace Emploi de Carrefour France, «nous mettons en place un gros programme de formation pour intégrer cette nouvelle posture managériale qui se déploie progressivement. Les problématiques managériales doivent être adaptées à chaque catégorie d’employés. Au sein du siège, par exemple, les attentes ne sont pas les mêmes qu’en magasin.» A Evry, où est installée la direction centrale du groupe, l’entreprise a mis une garderie à la disposition des salariés. Dans les magasins, les hôtesses de caisse peuvent aménager leurs horaires et l’entreprise leur propose désormais d’optimiser leur temps de trajet. «Depuis trois mois, les employés des magasins ont la possibilité d’échanger leur lieu de travail en fonction de la durée de leur trajet quotidien mesuré par des algorithmes.» Grâce au programme Evolupro, certains salariés moins qualifiés peuvent même, sur leurs heures de travail, suivre des cours de français dans le but d’évoluer au sein de l’entreprise. «Carrefour est une marque synonyme d’ascenseur social. On peut entrer dans l’entreprise en tant que caissier et finir au siège», poursuit Thierry Roger. De plus, la plateforme d’écoute Psya permet à chacun des employés d’évoquer ses difficultés (mal-être par exemple) et d’être pris en charge.
Coacteur
Une plateforme d’échange sur le même modèle que celle utilisée depuis un an par l’agence BETC, baptisée Shorts Conversations. L’agence de publicité veut aller jusqu’à remplacer le bilan annuel par des conversations courtes tout au long de l’année, qui peuvent être activées par le salarié ou son manager. Le système permet aussi à tous les salariés de communiquer facilement entre eux. «Un directeur commercial peut aussi bien solliciter un directeur de création qu’un de ses collaborateurs», selon Muriel Fagnoni, vice-présidente de BETC. «Il faut favoriser les échanges et les retours d’expérience. Les cadres en souffrance sont souvent ceux qui ont l’impression d’être dépossédés de leur destin, il faut donner aux gens de la responsabilité et de la liberté. Le bien-être du salarié vient du fait d’être écouté et reconnu.» Les managers sont d’ailleurs formés à donner des retour d'information aux salariés. «Quand il y a du mal-être, c’est que l’on n’a pas pris la peine d’expliquer aux gens pourquoi on a entrepris des choses.»
En termes d’espace, BETC a vu grand avec ses nouveaux locaux à Pantin (Seine-Saint-Denis). Pour Muriel Fagnoni, «les gens apprécient énormément le fait de ne pas être les uns sur les autres et de travailler dans un bel endroit. Nous avons listé tous les types d’activité que l’on pouvait avoir et des designers ont travaillé en fonction de cela.» Le lieu, modulable, est adaptable et réaménageable en fonction des évaluations constantes des salariés. Ces derniers peuvent également choisir leur menu à la cantine via l’application générale de l’agence. «Ils deviennent coacteurs de leur vie professionnelle», affirme Muriel Fagnoni.
Auto-organisation
L’agence de relations publics Elan Edelman mise, quant à elle, sur un service de conciergerie. Elle propose également des cours de théâtre, de médiatraining et de yoga, et offre même à ses salariés les services d’un «bar à manucure» une fois par trimestre.
«Le bien-être, ce n’est pas un baby-foot dans un coin», lance pour sa part Agnès Gicquel, responsable relations presse du site d’emploi Indeed, qui rassemble quelque 4 000 collaborateurs dans 60 pays. A noter qu’au sein de l’entreprise, les congés sont… illimités. «En effet, le salarié a des objectifs et des missions. Libre à lui de s’organiser pour les atteindre», assure Agnès Gicquel, qui a «arrêté de courir dans le métro pour être à l’heure au bureau».
Chez AB Tasty, start-up de personnalisation marketing, le bien-être réside aussi dans le fait que tous les employés commencent sur un même pied d’égalité: les nouveaux arrivants bénéficient de sessions de formation prévues dès le début de leur contrat.
Au sein de la start-up Stootie, qui édite une application de services à la personne, la chief happiness officer Marie-Béatrice Dumas endosse le rôle de «maîtresse de maison»: «Je coupe une pastèque pour les employés au moment où je vous parle», illustre-t-elle. De la distribution de brumisateurs à celle de glaces durant la canicule en passant par la commande de viennoiseries pour le petit déjeuner du lundi et l’organisation de cours de sports, la jeune responsable s’occupe de tout. A vos CV!