Étude
Designer d'expérience, designer d'interaction ou d'interface... ces jobs sont en pleine explosion et réinvention permanente. Une enquête des Designers interactifs dresse le portrait de ces profils que les entreprises s'arrachent.

«Les entreprises demandent des spécialistes alors que l'on nous apprend à être des généralistes.» Voilà le constat des étudiants en design, interrogés par l’agence Aquent et l’association Designers interactifs dans le cadre d'une enquête sur «l’emploi et les salaires des designers». Ils mettent en lumière un problème de compréhension du métier: «les intitulés d’offres d’emploi demandent des designers UX/UI, pointe Benoît Drouillat, fondateur de l’association Designers interactifs et dirigeant de Word Appeal. Mais historiquement, ces spécialités sont distinctes, on a tendance à former des profils polyvalents».

Ainsi, deux mouvements s'entrechoquent, un courant de spécialisation imposé par les entreprises et une tendance à délivrer des formations généralistes côté écoles. Les entreprises veulent des plateformes animées, de belles applications afin de créer de l’interaction. «Elles ont une vision trop réductrice de la valeur ajoutée de l’interface utilisateur (UI)», selon un designer interrogé dans l'enquête. Ce métier étant encore récent dans l’écosystème français, les entreprises ont du mal à en comprendre les contours et les enjeux. Ce qui ne les empêche pas de recruter massivement ces profils: «ce secteur connait une forte croissance, c’est un métier qui se professionnalise et qui se seniorise», confirme Charlotte Vitoux, directrice d’Aquent France.

Une majorité de jeunes

Cinq à dix ans d’expérience suffisent pour considérer un designer comme senior, mais ces «seniors» ne représenteraient que 24% de la profession. Les jeunes (26 à 35 ans) y sont sur-représentés. Jusqu'en 2009, UX et UI n'existaient pas. On parlait d'architecte de l’information. Aujourd'hui, le terme d’UX (user experience) s’applique pour 30% d’employés, quand 46% sont considérés comme designers d’interface (UI). Il existe d’autres domaines de spécialisation comme le design d’interactions, le design graphique, l’ergonomie des interfaces… Les étudiants se rêvent plutôt UX designer (à 39%) que designers d’interface (11%).

Avec cette étude et les retours d’expériences accumulés depuis une vingtaine d’années, les entreprises acquièrent une meilleure compréhension de ce que peut leur apporter une démarche design. Du coup, elles n'hésitent plus à embaucher: «il y a dix ans, les freelances étaient majoritaires, désormais les contrats à durée indéterminée dans des grands groupes et des start-up sont légion», constate Benoît Drouillat. Cela représente 61% des experts en CDI contre 20% de freelances. Les designers ont acquis leur place au sein des entreprises dont ce n’était pas du tout le cœur de métier. «De grands groupes français comme Accor ou PMU disposent de labs avec de très belles places à prendre», ajoute Charlotte Vitoux.

Jusqu'à 120 000 euros par an pour un senior

Qui dit plus de demandes, dit rémunération à la hausse. Un designer junior toucherait en moyenne entre 25 000 et 35 000 euros par an. Quant aux seniors, la fourchette est plus variable, cela commence à 45 000 et peut aller jusqu’à 120 000 euros. Si les sociétés s'adaptent pour attirer ces talents, cela ne suffit pas toujours pour les étudiants: après s'être formés dans les entreprises françaises, certains avouent leur envie d’ouvrir une start-up ou de partir à l’étranger. Cette exigence est peut-être liée au long cursus qui les a emmenés jusque là, 40% d'entre eux ayant un bac+5, contre 21% pour les bac+3. Un tiers des designers ont suivi la voie royale des écoles privées spécialisées, malgré leur coût très élevé. D'ailleurs, 23% des étudiants se tournent vers des établissements publics. «L’université a joué un rôle important dans cette démocratisation des métiers», confie Benoît Drouillat.

Même si ces métiers sont peu touchés par le chômage, les étudiants sont tout de même 18% à se dire inquiets concernant leurs perspectives d’emploi: «Je ne considère pas que ce chiffre soit inquiétant. Globalement, on a affaire à des candidats qui connaissent leurs valeurs intellectuelles et financières et savent qu’ils sont dans un secteur en pleine croissance», analyse Charlotte Vitoux. D’ailleurs, lors de ces entretiens d’embauche, la directrice d’Aquent avoue que les candidats les challengent beaucoup: «malgré leur métier qui est en pleine construction, ils semblent avoir confiance en eux», devenant par la même occasion plus exigeants avec les cabinets de recrutement. Des professionnels qui s'émancipent, osent dire non ou reprendre leurs études, car ils prennent conscience de la valeur de leur métier. La revanche des designers est en marche. 

Mots-clés

User Interface (UI) ou interface utilisateur: définit l’apparence, l’identité visuelle, la charte graphique du site et crée le lien entre l’homme et la machine, en permettant à l’utilisateur de naviguer aisément sur le site web. Souvent confondu avec le terme d’UX, user experience, l'UI n’est qu’une étape dans cette expérience utilisateur. En effet, créer un site ergonomique et esthétique ne suffit pas, il faut ajouter du contenu, l’architecture du site… L’UX se concentre sur les besoins et les attentes des internautes. L’un ne va pas sans l’autre.

Designer d’interaction: il conçoit aussi bien des objets connectés que des applications, prend en compte les besoins des clients, les analyse puis les teste sur les utilisateurs à travers des scénarios d’usage, des prototypes… en tirant le meilleur parti des apports de la technologie. Une manière pour les utilisateurs de prendre conscience de la représentation visuelle du produit.

Designer de services: Il comprend le lien entre un projet et sa réalité sur le terrain. Le designer de services adopte une démarche de co-conception avec les utilisateurs et s’intéresse autant aux interactions entre les hommes qu’entre hommes et machines. En portant un regard sur tout l’écosystème du service, le designer scénarise le parcours de l’utilisateur dans le temps et chorégraphie les différents points de contact, ainsi que le jeu des processus de coproduction du service entre utilisateur et fournisseur.

 

Méthodologie

Cette enquête a été réalisée sur la période de janvier à mars 2017, avec un questionnaire hébergé en ligne sur les sites d’Aquent et Designers interactifs, et adressé par e-mails, newsletters et réseaux sociaux (Twitter, Facebook et Linkedin). Au total, 1200 réponses ont été récoltées, complètées par 30 entretiens. Le but de cette étude est de suivre l'évolution de ces nouveaux métiers, aussi bien pour informer les designers que les entreprises sur les besoins de la profession. 

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