Social media
Loris Bernardini, ex-Buzzman, vient de rejoindre l’agence Marcel pour prendre la direction du pôle social media. L’occasion de s’interroger sur ce métier récent… et éminemment stratégique. Entretien.

En tant que directeur de création social media, vous êtes précurseur…
Loris Bernardini. Nous ne sommes pas encore très nombreux à exercer ce métier, mais je ne suis pas le premier. Marcel est une des premières agences à avoir créé ce poste en France. Avant ma nomination, deux personnes occupaient cette fonction à l'agence, l'une en charge de la création, l'autre de la stratégie. Ma mission est d'unifier ces deux rôles.
 
Pourquoi nommer un DC à la tête du pôle social média?
L.B. Marcel revendique cette culture social media, dans son ADN. Si Pascal Nessim, président de Marcel, a installé son bureau au cœur de ce pôle, c'est un signal fort: il considère le social comme le poumon d’une agence aujourd’hui. Et puis en créant ce poste, il a souhaité envoyer un message à tous les collaborateurs de l’agence: «Le patron du pôle social media, c’est un DC comme les autres.» Il a voulu que je sois au même niveau hiérarchique que les autres directeurs de la création, pour qu’il y ait des passerelles importantes entre la créa dite classique et le social media. Quoiqu'il en soit, sans qu’il y ait le mot création dans un titre, un bon head of social media doit forcément avoir un regard créatif.
 
La création social media est-elle différente de la créa publicitaire?
L.B. Je n’aime pas l'idée qu’un créatif, parce qu'il travaille sur le social media, n'est pas sur un pied d'égalité. Pourtant, dans l’exercice de cette activité, on peut noter une différence importante: en social media, le concept et l’idée vont être pensés en fonction du canal sur lequel on va s’exprimer. Il s'agit de prendre en compte les spécificités de chaque plateforme: le format, la technologie, l’audience, la tonalité, les codes… Il faut bien garder en tête que les marques ne sont pas les bienvenues sur les réseaux sociaux, lorsqu’elles investissent un canal, elles doivent faire très attention à la manière dont elles s’expriment. La clé: rester authentique, afin de toucher le plus de cibles possibles, et effacer l’image commerciale du community manager derrière son ordi.

J’ajoute qu’aujourd’hui, le social media ne consiste plus uniquement à diffuser du contenu sur les réseaux sociaux. Notre métier consiste à utiliser toutes les opportunités de la vie réelle qui peuvent résonner sur les réseaux sociaux. Une campagne peut tout à fait débuter par une activation en affichage dans le but de créer des conversations sur Twitter. Le graal pour une marque, c’est toujours d’avoir des retombées presse, ce fameux «earn» gratuit.

 

Quelles sont vos missions? 
L.B. La principale, c'est le management de toute l’équipe social media qui compte une vingtaine de personnes: les social media managers, les community managers, les directeurs artistiques ainsi que tous les concepteurs-rédacteurs dédiés uniquement au social media et une personne qui s’occupe du new business. J’ai également une mission stratégique, sur les compétitions et sur le futur de notre portefeuille de marques. Et surtout, le rôle d’insuffler de la créativité et de pousser toute l’équipe toujours plus haut.
 
Comment recrutez-vous dans les équipes social media ?
L.B. Il y a d’un côté le recrutement classique, via annonces, CV et entretien en face-à-face. Je teste chaque candidat sur sa culture digitale mais aussi sur sa plume avec un exercice pratique d’écriture. Mais je chasse aussi des profils potentiels sur les réseaux sociaux, qui peuvent être des influenceurs en pointe sur un domaine, qui maîtrisent les codes et possèdent une plume et une tonalité intéressantes. Ce sont des profils plus atypiques, mais très créatifs, qu’il faut former au monde de l’entreprise, à l’agence et à la culture publicitaire. Avant tout, je recrute beaucoup au feeling: un bon pôle social media est un pôle où règne une bonne ambiance.
 
Quels profils recherchez-vous?
L.B. Nouvelles mises à jour, nouveaux buzz, nouveaux mèmes… toutes les semaines, les tendances changent dans notre secteur, et on peut très vite être dépassé. Ce qui compte par-dessus tout, c’est la curiosité. Être, dès le matin, à l'affût des nouveautés sur les réseaux sociaux, télécharger chaque nouvelle appli, même Tinder, ne serait-ce qu’une journée. Deuxième qualité: un community manager est aussi un concepteur-rédacteur. La plume est très importante, et je cherche des plumes agiles. Une personne capable de parler aussi bien aux jeunes pour vendre de l’Oasis, qu’à la «digital mum» pour vendre de la Contrex. Je recherche aussi des personnes qui possèdent une bonne base marketing. Beaucoup de jeunes ont tendance à se dire que le social media est la partie «cool» et «fun» de la publicité, or notre métier, c’est du marketing. Un community manager doit savoir comprendre une marque, il doit être capable de puiser dans son histoire, son identité, pour pouvoir écrire ne serait-ce qu’un tweet.
 
Quelles sont les attentes des annonceurs aujourd'hui?
L.B. Les briefs dépassent la simple animation éditoriale des pages de marques sur les réseaux. Les annonceurs ont compris que l’impact sur les réseaux pouvait être supérieur à celui d’un média plus traditionnel, on constate beaucoup plus d’ambition de leur part. Les investissements dans des objets créatifs, comme des vidéos, des activations originales, sont beaucoup plus importants. Les contenus sont plus riches, les délais de production plus longs. D'ailleurs, Adidas a annoncé délaisser la publicité TV au profit du digital.

Parcours 

Même s'il avait plutôt des facilités en création à Sup de Pub, Loris Bernardini choisit le planning stratégique, d’abord en tant que stagiaire, dans les années 2007-2009. Ensuite il effectue sa première expérience en CDI, chez Rapp France (DDB Paris) en 2010, avec une triple casquette: à la fois planneur stratégique, consultant social media avec des missions d’évangélisation interne et externe, et spécialiste de l’e-réputation. «À l’époque, les jeunes étaient cantonnés à internet et aux réseaux sociaux. La bonne nouvelle, c’est que j’adorais ça», assure celui qui, rapidement, devient le référent social media de l’agence. Il décide alors d’intégrer une agence qui possède le social media «dans son ADN» et rejoint ainsi Buzzman, en 2014, en tant que social media manager, abandonnant le planning stratégique. Il s’éclate alors sur Burger King, sa marque principale, qui vient juste de rentrer en portefeuille et remporte des prix. Au bout de deux ans, il devient directeur de création social media et digital de Buzzman. Moins d’un an plus tard, Marcel le débauche pour prendre la tête de son pôle social media.

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