Ressources humaines
Le corporate hacking commence à se faire un nom dans l’univers du management des entreprises. Voici quelques procédés simples qui ont déjà fait leurs preuves, à mettre en œuvre dès maintenant.

Désobéir, enfreindre les règles, contourner les indicateurs, désorganiser le système… Le corporate hacking est une nouvelle attitude face au travail pour, paradoxalement, l’améliorer. Il s’agit de provoquer la transformation des entreprises «par le bas». «Quand on parle de mutation numérique, on imagine souvent un patron qui va décider seul. Ce que nous préconisons au contraire, c’est que chacun prenne son travail en main, propose, et sorte de la simple critique pour entrer dans une posture de construction», expose Stéphanie Bacquere, cofondatrice de Nod-A, start-up française qui accompagne les entreprises dans leur démarche de mutation (lire encadré). «Un corporate hacker, c’est un collaborateur qui arrête de subir et qui commence à faire les choses comme il pense qu’elles devraient être faites», explique-t-elle sur son site. Ce n’est pas une méthode applicable par tous et à tous les coups, mais une approche qui se base sur de grands principes et des outils. «Les entreprises qui veulent se transformer cherchent souvent à ressembler à des start-up, mais ne vont en adopter que certains aspects: un baby-foot par-ci, un fat boy (pouf géant) par-là… Ce qui compte en fait c’est de libérer les gens des processus», assure Stéphanie Bacquere.

 

Le projet en perruque

«Travailler en perruque» signifie, et ce depuis le XIXème siècle, faire son travail «en douce». Ce qui peut être perçu comme négatif, surtout s’il s’agit de préparer ses vacances sur le web au lieu de travailler. En corporate hacking, le concept est au contraire intéressant puisqu'il permet à un salarié de porter un projet auquel il croit, mais pour lequel il n’a pas le feu vert officiel de sa hiérarchie, et d'utiliser du temps et des ressources de son entreprise pour le mener à bien. «L'employé, plutôt que de perdre du temps à essayer de convaincre par la parole, va réaliser des prototypes et faire exister son projet concrètement», remarque Stéphanie Bacquere.

En pratique: Frédéric Crétinon, chef de projet chez Salomon, enseigne française d’articles de sports et de loisirs, a adopté cette pratique du projet en perruque: il est parvenu à imposer un modèle de chaussures de randonnée en la faisant tester à des athlètes, malgré les réticences de ses managers. Aujourd’hui, c’est un des modèles les plus vendus de l’équipementier.

 

Le shadow comex

 Inspiré du concept anglais de «shadow cabinet» (cabinet fantôme), qui désigne un gouvernement alternatif d’opposition capable d’émettre de réelles recommandations, le shadow comex réunit de jeunes collaborateurs dans un comité exécutif parallèle. Un principe basé sur l’idée que, sur les problématiques numériques, les digital natives sont beaucoup plus à même de prendre certaines décisions stratégiques, parce qu’ils connaissent le web sur le bout des doigts, plutôt que le comex ordinaire, généralement composé de personnes d’en moyenne 55 ans.

En pratique: Le premier en France à opérer ce type de procédé a été Sébastien Bazin, PDG d'Accor Hotels, depuis février 2016. Chacun des douze membres du comex d’Accor a été invité à choisir deux jeunes collaborateurs, une femme et un homme ; douze personnes ont été retenues. Le dirigeant assure que désormais, plus aucune décision n’est prise sans demander l’avis de ce second comité.  



Le quick and dirty

  «Les mauvaises langues diront “vite fait mal fait”, mais en corporate hacking cela signifie plutôt “rapide et fait”», sourit Stéphanie Bacquere. Souvent, en entreprise, il est de bon ton de prendre son temps pour faire les choses et de les présenter quand elle sont parfaites. Le quick and dirty va préférer faire les choses rapidement même si elles sont mal faites et les faire tester au plus vite. Avoir des retours sur un projet en cours peut être crucial dans de nombreux domaines. Un concept proche des méthodes «agiles» utilisées dans l'univers informatique qui consistent à améliorer constamment.

En pratique: Là où Renault et Volkswagen vont mettre dix ans à concevoir un nouveau modèle de voiture et la commercialiser, le constructeur automobile Wikispeed, fondé par l’ingénieur américain Joe Justice, propose un nouveau modèle sur le marché toutes les semaines. Les véhicules évoluent en permanence, au rythme d’une approche modulaire de la construction.  



Les walking meetings

L’Organisation mondiale de la santé recommande de faire 10 000 pas par jour. Dès lors, la «réunion marchée» présente de nombreux avantages. Elle augmenterait la créativité et la concentration, mais serait également bonne pour la santé. C'est aussi une manière de bousculer le formalisme de la réunion assis face-à-face autour d'une table et de favoriser l'entente entre collègues. Une technique très simple à mettre en place: la prochaine réunion se fera autour du pâté de maison. 

En pratique: Steve Jobs avait popularisé le concept de réunions en marchant, repris plus récemment par Mark Zuckerberg qui a installé sur le toit de son siège une promenade d'un kilomètre. Toujours dans la Silicon Valley, les dirigeants de Linkedin invitent leurs salariés à parcourir chaque jour la piste cyclable de Mountain View pour s'entretenir entre collaborateurs, un circuit d'une demi-heure.

 

Et aussi…

Hack by proof: une technique pour permettre de prouver à ses managers l’existence de petits problèmes dans l’organisation, qui, même s’ils sont presque invisibles, peuvent provoquer stress et frustrations. Exemple: cumuler le temps de démarrage de chaque ordinateur et faire remonter les données chiffrées sur papier pour prouver le temps perdu.

 

Lightning talk: le publicitaire David Ogilvy disait: «La plupart des gens utilisent Power Point comme un ivrogne utilise un lampadaire –pour s’appuyer, plutôt que pour s’éclairer.» Pour hacker ses propres prises de parole, il convient de compresser son exposé en un temps extrêmement court, de 1 à 5 minutes. Cela oblige à répondre strictement à la question «Quel est mon message principal?».

 

À bas les indicateurs: tous les indicateurs ne sont pas à jeter, l’idée est plutôt de se poser systématiquement la question «Pourquoi?». «Il est par exemple très français de faire plus attention au nombre d’heures travaillées qu’à la valeur produite. Un indicateur valorisé auprès des managers», affirme Stéphanie Bacquere. La plupart des reporting sont chronophages et inutiles.

 

Source: makestorming.tumblr.com

«Makestorming»: Suivez le guide

En juin dernier, Nod-A, agence fondée en 2010 par Stéphanie Bacquere et Marie-Noéline Viguié, a publié son premier ouvrage: Makestorming, le guide du Corporate Hacking (éditions Diateino). Élu livre digital de l’année au Hub Awards, il approfondit la notion de «makestorming», un concept développé par Nod-A qui consiste à mettre en place au sein des entreprises des «sprints» (temps de travail collaboratifs) au cours desquels tous les collaborateurs travaillent ensemble sur un sujet concret pour réaliser un prototype réel (sortir une nouvelle application mobile, changer un processus de travail, ouvrir un lieu collaboratif...) en mode corporate hacking. Illustré de nombreux exemples, le guide se veut pratique et propose même des exercices à faire en équipe.

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