Vous commencez votre livre en rappelant le «lynchage» du DRH d’Air France, qui s’était fait arracher sa chemise lors d’un conflit social en octobre 2015. Est-ce le symbole d’un divorce entre les salariés et l'entreprise?
Didier Pitelet. J’anime 150 à 200 tables rondes par an dans les entreprises, et partout j’entends la même chose: les salariés (cadres ou non cadres) ne supportent plus la langue de bois. A force de parler de sens et de bonheur au travail sans traduire ces paroles en actes concrets, plus personne n’y croit. Je n’ai jamais vu autant de mal-être au bureau. Il y a une fracture importante. D’ailleurs, si les jeunes de moins de 30 ans ont une bonne image des petites entreprises (88%) et des sociétés de taille moyenne (83%), ils sont 51% à avoir un avis critique par rapport aux grandes structures (Opinion Way, 2013).
Votre livre est un plaidoyer en faveur de la culture d’entreprise…
D.P. On rejoint une société pour un job et l’on y reste pour sa culture, c’est ma conviction! Dès lors que la culture est incarnée, habite la gouvernance, cela favorise l’engagement des salariés et génère de la performance. Travailler son exclusivité culturelle, cela doit devenir une priorité pour une entreprise, afin d’attirer, retenir les talents et marquer sa différence en termes de business. C’est une révolution car la gouvernance est en général pensée sous l’angle marketing et financier, alors qu'il faudrait l’aligner sur des sujets culturels.
Une façon aussi de redonner du sens au travail, un sujet au cœur des revendications du mouvement Nuit debout.
D.P. Cela repose sur une question centrale: pourquoi? La jeune génération veut comprendre avant de s’engager, d’adhérer. Elle est prête à embrasser une culture qui du donne du sens à son existence. Alors, pour ne pas être un dirigeant baratineur, il faut créer des rites de vie forts, profonds, qui habitent les équipes afin que l’entreprise se vive en véritable aventure humaine. Les salariés aspirent à un vécu au bureau dans un monde qui a tendance à se déshumaniser et je crois sincèrement que les gens peuvent être heureux dans leur boîte.
Le concept de marque employeur n’est-il pas dépassé?
D.P. Non, cela reste toujours très important. Les gens ont besoin de s’identifier, de se motiver. Il y a une nécessité de cohérence: il faut aligner la culture liant les collaborateurs, consommateurs et candidats. Autrement dit, la marque employeur doit correspondre à l’ADN culturel. Dans mon livre, je donne l’exemple de groupes qui ont fait ce pari de la culture d’entreprise et ont acquis un vrai rayonnement culturel: Yves Rocher, le groupe discount Gifi.