Manager une société en hypercroissance: tel est le défi de Laurent Levasseur, un quadra énergique et jovial, fondateur de Bluelinea, qui se définit comme un opérateur d’objets et de services connectés consacrés à la santé des seniors. «En trois ans, nous sommes passés de 6 à 90 salariés, précise le patron, il faut que le management et les prises de décisions suivent de façon aussi rapide.»
Bluelinea bénéficie des vents porteurs de la «silver economie», avec un produit d’exploitation de 7,2 millions d’euros en 2015. Le chiffre d'affaires, tenu secret, serait lui-même en hausse de 41%. Une expansion fulgurante qui a valu à la société deux premiers prix au classement Fast 50. Son fil conducteur? Permettre aux seniors de vieillir à domicile le plus longtemps possible. «Nous proposons une box, avec un bouton d’appel famille pour mettre en relation les seniors et leurs proches ou un pack comprenant un traqueur d’activité associé à un accompagnement de trois mois par un “coach de vie”, juste après la retraite», détaille Laurent Levasseur.
Le manager mise tout sur l’innovation pour garder une longueur d’avance: il consacre la moitié de son chiffre d’affaires à la R & D. Innovant aussi dans son management: chez Bluelinea, le télétravail n’est pas un problème. Le boss montre l’exemple: il s’installe dans «son île» (l’Ile de Ré) une semaine par mois et y accueille ses équipes. «Laurent considère que la localisation du bureau n’a plus beaucoup d’importance mais va à la rencontre des salariés dans les agences, relève Xavier Corbin, directeur commercial de Bluelinea. Et il est toujours disponible par e-mail, visioconférence ou Skype.»
Undercover boss
L’entreprise est très éclatée géographiquement: son siège est à Elancourt (Yvelines), et elle compte six agences, en plus de son bureau parisien. Pour faciliter la communication, le patron a adopté depuis six mois la plateforme collaborative Slack: «L’idée était de limiter l’usage des e-mails en interne parce que cela durcit le dialogue social, dit Laurent Levasseur. Slack nous sert à la fois à échanger sur des sujets légers, et à plancher sur des projets, en créant des salles de réunion virtuelles.» Résultat, les messages des clients ne sont plus noyés. «Et quand je me fends d’un e-mail, le collaborateur comprend que le sujet est important», note le manager. Pour éviter toute forme d’addiction, l’accès à Slack est coupé de 20 heures à 8 heures du matin. Par ailleurs le boss équipe ses commerciaux d’outils «branchés»: ils reçoivent un Ipad, un Iphone et un Mac Book Air à l’embauche.
Le manager n’hésite pas à recourir à des méthodes originales: il y a quelques années, à sa nomination comme DG de Saric International, filiale de Bull fortement déficitaire, il a préféré intégrer l’entreprise comme simple stagiaire, incognito pendant quinze jours. «Cela m’a permis de comprendre la société de l’intérieur, ses dysfonctionnements, et cela m’a fait gagner six mois, relate-t-il. Ensuite j’ai expliqué ma démarche à mes équipes et j’ai pu mettre en place des solutions rapidement, créer un électrochoc, pour redresser l’entreprise.»
Aujourd’hui, il garde cette même lucidité face à la croissance folle de son entreprise: «En juin dernier, quatre coachs d’HEC sont venus écouter mes 85 salariés pendant une journée, raconte-t-il. Ils m’ont fait prendre conscience qu’il fallait structurer davantage mon équipe de management: j’ai renouvelé 80% de mon comité de direction, en intégrant des profils plus expérimentés, comme David Guyard, ex-directeur des opérations chez SFR, aujourd’hui directeur de l’innovation de Bluelinea.» Une façon d’éviter les crises de croissance…
Parcours
1969. Naissance au Raincy (93).
1989. Crée Germy, éditeur de logiciels pour la TV (Questions pour un champion, Que le meilleur gagne…)
1993. Licence de droit (Panthéon-Sorbonne).
2000. DG de Saric International (groupe Bull).
2006. Cofonde Bluelinea avec Alexis Westermann.
2014. Bluelinea est coté sur Alternext.