Prédire la fin de l’hyperconsommation, tant elle a été au fondement de nos sociétés industrialisées, est un pari osé. Pour autant, les études prospectives et les enquêtes sociologiques nous montrent que les modes de consommation connaissent certains bouleversements majeurs et structurels, qu’il est aujourd’hui nécessaire d’appréhender. Don et contre-don, troc, horizontalité des échanges et économie circulaire ou collaborative semblent en passe d’innerver les comportements et de produire des pratiques plus vertueuses.
Les crises économiques successives, notamment celle de 2008, ont fortement impacté le budget des ménages. Les classes moyennes et populaires ont été, sans nul doute, les plus touchées. Le pouvoir d’achat des ménages a connu une baisse constante, notamment du fait d’une pression fiscale croissante. Selon une étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques, il aurait reculé de 230 euros par an entre 2008 et 2015. Les dépenses contraintes, les plus essentielles, sont passées de 13% du revenu disponible dans les années 1960 à 30% aujourd’hui. Un premier facteur qui pourrait, à son échelle, concourir à de nouveaux modes de consommation. Le succès des échanges collaboratifs est en effet largement conditionné par la situation économique.
En parallèle, la prise de conscience écologique a contribué à la renaissance de nouvelles façons de consommer, notamment chez les populations urbaines les plus diplômées, très largement sensibilisées à l’impératif écologique. L’Observatoire société et consommation (Obsoco) indique que 77% des Français considèrent l’usage comme plus important que la possession ce qui est, en soi, une rupture sociétale fondamentale. De même, la frugalité choisie est une tendance en vogue. Mais si une rupture semble se dégager, c’est avant tout celle de préférer consommer moins certes, mais mieux.
Impératifs financiers ou raisons écologiques
Le double facteur, financier et écologique, a contribué à transformer profondément les modes de consommation. L’économie collaborative, réapparue par le vecteur digital, revient sur le devant de la scène, et les études prospectives s’intéressant à son développement de long-terme l’inscrivent dans une croissance exponentielle dans les prochaines décennies. Oui, les Français sortent du modèle de l’hyperconsommation, mais avant tout pour des impératifs financiers.
De plus en plus, mais encore de manière minoritaire, ils le font pour des raisons écologiques. Une étude commandée au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, datée de 2014, démontrait déjà l’avènement de cette nouvelle tendance. Cette transformation se traduit par le développement massif des plateformes collaboratives et la structuration croissante des acteurs déjà en place (AirBnB…) qui atteignent peu à peu leur masse critique d’utilisateurs et trouvent enfin la rentabilité économique.
La limitation des intermédiaires témoigne d’une défiance croissante pour les acteurs traditionnels. Les géants de la grande distribution, fragilisés par les scandales sanitaires récurrents, en sont les premières victimes. L’intérêt pour les circuits-courts, qu’il s’agisse de l’achat de nourritures à un producteur local ou de la relation directe avec un voisin dans le cadre du troc, repose tant sur l’intérêt financier immédiat que sur la quête retrouvée d’une forme de convivialité fondée sur des échanges interpersonnels sans intermédiation.
Certes, l’idée de vivre dans une société ayant atteint, selon l’expression consacrée, son «pic des objets» est plaisante. Pour autant, hormis quelques groupes alternatifs marginaux, aucun groupe social n’a réussi à se sevrer de la propriété. Le modèle collaboratif a vocation à prendre une place de plus en plus importante et à s’inscrire comme un modèle de consommation alternatif à la propriété. Un premier pas d’importance qui, à son échelle, peut contribuer à former une société plus durable.