Tribune
Et si le véritable potentiel des assistants vocaux ne se trouvait pas dans le service mais dans le storytelling ? Donnons au voice marketing la place qu'il mérite, à l'image de Lego Group ou de Disney.

Avant tout, de quoi parle-t-on ? Sous l’appellation voice marketing se cache une constellation d’outils : de l’écoute simple via l’explosion des podcasts au SEO vocal, en passant par la conversation promise par les enceintes intelligentes. De HAL 9000 dans «2001, l’Odyssée de l’espace» à Alexa, 50 ans sont passées mais la promesse est toujurs la même, celle d’un compagnon omnipotent. Aujourd'hui, la réalité rattrape peu à peu la fiction : en 2020, la moitié de toutes les recherches effectuées sur internet aux États-Unis seront vocales, selon Comscore.

Cette croissance semble extrêmement rapide, elle s’explique par les faibles barrières à l’entrée qu’offre cette technologie. Une enceinte, un micro, une connexion internet, c’est tout ce dont vous avez besoin pour découvrir l’internet de la voix. Avec la voix, pas de discrimination numérique, l’action de « parler à internet » propose une évolution de l’interaction homme-machine plus accessible, presque magique.

Aujourd'hui, la majeur partie de l’expérience de marque vocale est axée sur le service : se faire livrer des pizzas pour Domino’s, commander son Uber, savoir comment préparer un cocktail pour Diageo, comment enlever une tâche avec Tide... Le divertissement est pour le moment délaissé. Pourtant, pour prospérer au-delà de l’engouement actuel, l’internet de la voix doit trouver la juste mesure entre émerveillement et utilité. A l'heure actuelle, nous sommes dans la transposition d’usages sur la voix. Pourtant, c’est bel et bien dans le divertissement que se fait la réappropriation de la technologie. Il est donc plus que jamais nécessaire de ré-enchanter le lien avec le consommateur.

Créer du lien et de la connivence

Du point de vue des utilisateurs, leur choix a déjà été fait, et ce n’est pas celui de l’utilité qui prévaut au travers des skills (nom des applications des assistants vocaux Amazon). Les plus téléchargés sont les quizz et les jeux. Ce qu’aiment la plupart des utilisateurs, ce n’est pas tant de pouvoir acheter ce qu’ils veulent quand ils le veulent, ou bien obtenir des réponses à leur problème du moment, c’est bel et bien que leur assistant vocal les divertisse. Plus qu’être utile, il faut créer du lien et de la connivence avec son public.

Développer une stratégie pour la voix n’est pas une décision facile à prendre. En effet, même si investir dans une technologie naissante permet d’asseoir son statut de leader ou de développer de nouveaux circuits de distribution, c’est également un saut dans l’inconnu. Dans l’internet vocal, vos attributs physiques n’existent plus. Logos, packagings et vitrines disparaîssent, tous les éléments constituants d'une marque s’effacent. Pour exister, il faut trouver sa voix, au sens propre du terme.

De premières actions ont été menées dans cette direction par Mastercard, qui révèle son « sonic branding », une expression sonore de son identité de marque. Ce nouvel élément de reconnaissance qui s’adapte en fonction du contexte et de la culture locale permet d’accompagner les évolutions de consommations (voice shopping, sans contact, IoT …). Autre exemple iconique qui n’a pas attendu l’hégémonie des assistants vocaux pour exister : Simone. La voix mythique de la SNCF est passée du statut de simple relais d’information à celui de voix culte, qui pour deux Français sur trois incarne désormais la SNCF.

Prendre part à l'histoire

A travers la voix, les marques peuvent permettre à leurs consommateurs de prendre part à leur histoire. C’est le cas du jeu interactif The Maze, développé pour Amazon Alexa à l'approche de la fin de la deuxième saison de la série Westworld. Cette expérience met l’auditeur dans la peau d’un hôte à la recherche de la « conscience » au travers de trois niveaux. L’usage de choix multiples permet à chacun de créer sa propre histoire. Ici, la voix est avant tout une plateforme de conversation. C’est tout sauf une approche verticale. Il s’agit de l’expérience de marque horizontale ultime. Cela veut dire que l’on donne désormais un rôle à l’auditeur dans l’histoire de marque, celui-ci n’est plus spectateur mais acteur de celle-ci.

Autre exemple, à l’image du jeu en réalité alternée (alternate reality game) développé par Sam Esmail, créateur de la série Mr Robot, pour le lancement de sa dernière saison, le jeu interactif Daily 5/9 place l’auditeur au cœur de l’expérience en lui proposant de faire évoluer celle-ci au gré de ses choix.

Le storytelling de la voix peut également permettre d’améliorer l’expérience post-achat en transformant les produits en vecteur d’histoires. C'est le cas de Lego Group, qui a développé pour sa gamme Duplo une sélection d’histoires audio qui accompagnent le jeu physique. De son côté, Stubb’s, une marque de sauce BBQ iconique aux États-Unis, a conçu une application, toujours pour Amazon Alexa, qui réunit des recettes, des enregistrements d’archives, des conseils et même une ambiance musicale, dans une logique de construction d'une ambiance de consommation.

Tirer parti de l’internet des objets

Le marketing de la voix peut aussi permettre de tirer parti de l’internet des objets. En effet, il est désormais possible de construire des écosystèmes de conversation au-delà des assistants vocaux en profitant de toutes les opportunités offertes par l’IoT, car plus que des enceintes, les objets connectés sont souvent le cerveau connecté de la maison. C'est la voie choisie par Disney, qui met à profit le développement de la domotique pour construire un écosystème de storytelling. Dans ce cas précis, cette action (nom des applications sur Google Home) crée une ambiance sonore et visuelle grâce aux ampoules connectées.

Ainsi, la voix offre une incroyable opportunité pour les marques. Ce medium à la fois personnel et universel offre un tout nouveau territoire d’expression où tout reste à inventer. L’enjeu n’étant plus simplement de raconter une histoire mais de la faire vivre, avec une évolution majeure, passer d’une marque de service à une marque qui se met au service. Il vous faut bien garder une chose en tête : pour être appréciée, une marque doit être comme une bonne personne, intéressante parfois, discrète la plupart du temps, et présente quand vous avez besoin d’elle. Ne créez pas une voix avec laquelle vous ne voudriez pas être ami.

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