«Erreur technique. Votre réservation n’a pas pu être confirmée. Veuillez nous en excuser.» Et après ? Ma réservation n’est pas confirmée, mais mon paiement sera-t-il débité ? Et que suis-je censé faire maintenant ? Aucune explication, pas de redirection, zéro contact vers lequel se tourner… Ce genre de situation, trop fréquente pour avoir à l’inventer, a le don d’exaspérer le plus patient des internautes et le pouvoir de faire très mal à une marque. Que se passerait-il si la scène se déroulait en magasin ? Le vendeur pourrait-il simplement tourner les talons et laisser le consommateur démuni ?
Cet exemple illustre à lui seul l’importance de l’éditorial dans le parcours utilisateur et dans la relation entre la marque et ses audiences. Car l’expérience utilisateur ne saurait se cantonner à une histoire de design. Reprenons la métaphore du magasin : le client, visiblement bien renseigné, a clairement exprimé son intérêt pour tel modèle d’ordinateur, adapté à son travail. Ce qu’il attend à ce moment précis, ce sont des précisions techniques, des exemples d’application qui le conforteront dans son choix, si possible sur un ton expert. En somme, le bon contenu et le ton adapté à la situation.
Cette approche nécessite en amont de définir l’identité verbale de la marque : quelle est sa voix, son champ lexical... Mais cela ne saurait suffire. S’engager dans une démarche d’UX éditorial, c’est s’interroger sur sa façon de s’exprimer en fonction de son interlocuteur. Et, surtout, de sa situation. Est-il en train de se renseigner ou vient-il d’acheter ? A-t-il besoin d’être convaincu ou conforté ? S’informer, comparer, entrer en contact, acheter, découvrir, commenter… : le marketing appelle ces grandes phases de la vie du consommateur les «moments of thruth», des instants charnières de la relation marque-consommateur qui peuvent – sur un détail – en changer radicalement la nature. L’UX éditorial doit justement servir ces moments de vérité.
Comprendre le client
La démarche d’UX éditorial s’avère particulièrement nécessaire à l’heure de l’ultra-personnalisation des interfaces et des services. Cookies et autres modules de choix en ligne ont en effet permis l’adaptation directe de l’offre en ligne. Mais pousser un produit et le raconter sont deux choses différentes, d’autant plus qu’il ne s’agit pas que de vente : c’est l’image de la marque qui est en jeu. L’attention portée au choix des contenus et des mots traduira ainsi sa capacité à connaître, écouter, comprendre et servir le client. Ou tout le contraire.
Il y a quelques années, quand Air France a décidé de se repositionner sur l’art de voyager à la française, sa transformation ne s’est pas opérée qu’en cabine. L’ensemble des communications client a été revu, pour traduire la «relation attentionnée» du moindre email d’erreur jusqu’aux messages d’attente au téléphone.
Malgré son caractère a priori très subjectif – quelle est la voix de la marque, sa personnalité... – l’UX éditorial s’aborde aussi par des schémas plus techniques, à l’image de l’UX design : cartographie des parcours utilisateurs, identification des points de rupture possibles, exploitation des données… La marque doit être capable d’anticiper les situations, prévoir les réponses et s’imposer des règles fondamentales comme : jamais d’impasse pour l’internaute ou à tout problème deux propositions proposées.
Trois outils
Anticiper nécessite a minima de connaître et même, dans l’idéal, de comprendre. Pour cela, la démarche d’UX éditorial devra s’appuyer sur trois outils. Tout d'abord, l’étude des utilisateurs cibles, via des questionnaires, des entretiens personnalisés et ateliers de co-conception… L’objectif est ici de dresser des personae précis. Deuxième étape, l’analyse de la data relative au comportement de sa cible. Cela passe par l'étude de la navigation sur le site de la marque, l'identification des provenances, le recueil des requêtes… L’enjeu est d’identifier les parcours types, les points de rupture, les zones de rebond.
Enfin, le test systématique, à la fois des parcours, des fonctionnalités et des contenus. Ces tests doivent se mener en amont, au moment de la conception, et de façon plus récurrente, dans une optique d’optimisation continue. Ainsi, n’acceptez plus de tests utilisateurs sur maquettes uniquement, avec faux textes parce «qu’on verra plus tard pour les contenus». Un bouton de call to action idéalement placé et parfaitement designé ne compensera jamais un message confus et inadapté à l’instant.
Cette démarche sur le fond et sur le ton doit être adoptée pour l’ensemble des supports de relation entre la marque et ses audiences. Dans une triple logique d’incarnation, d’efficacité et de cohérence. Qu’il s’agisse des contenus d’un site, d’un SMS de confirmation ou du script du service après-vente, c’est l’identité de la marque et sa capacité à servir ses clients qui est en jeu.