Tribune
Accusées de participer à la décomposition de la vie démocratique, les plateformes sociales peuvent aussi être les vecteurs d’une revivification de la relation entre politique et citoyen. En atteste le cas d’Alexandria Ocasio-Cortez aux États-Unis.

AOC. Ces trois lettres, initialement celles du compte Twitter d’Alexandria Ocasio-Cortez (@AOC), sont devenues presque immédiatement son alias officiel dans la bouche de tous les médias américains. Trois lettres et une personnalité politique, ce qui n'est pas sans rappeler JFK, FDR ou LBJ. Un peu comme une marque si l'on y pense. Encore loin du succès de ses illustres aînés en politique, AOC est une toute jeune élue de 29 ans (la benjamine du Congrès américain), issue des minorités et serveuse dans un bar à New York il y a encore un an pour rembourser ses études, comme des millions d’Américains. Si elle a réussi à mobiliser et se faire élire dans un pays qui favorise encore grandement le réseau et les moyens financiers pour émerger politiquement, c’est en bonne partie grâce à sa virtuosité sur les réseaux sociaux.

Accusés de nous shooter à la dopamine pour nous rendre accrocs, de vendre nos données, de nous enfermer dans des bulles de filtres ou de servir de cheval de Troie à des gouvernements dans le but de déstabiliser d’autres nations, les réseaux sociaux n’ont pas bonne presse en ce moment, à juste titre. Plateformes de mobilisation très efficaces quand elles sont utilisées par les « vrais gens », en témoignent les révolutions arabes ou plus récemment le mouvement des Gilets jaunes, il faut bien reconnaitre que l’expression des politiques y est globalement restée en mode push et sous contrôle, participant à ce regain de défiance que l'on connait.

Un naturel ébouriffant

Si certains sortent de cette communication à la papa, aucun ne le fait avec autant de régularité et de réussite qu’Alexandria Ocasio-Cortez. Elle est la vitrine parfaite de ce que nous, les agences, conseillons à tous nos clients : authenticité, rythme, variétés des sujets, conversation, un discours mêlant raison et émotion, le tout avec un naturel ébouriffant. Apanage des digital natives, dit-on. Lors de la primaire démocrate en juillet 2018, une électrice a demandé sur Twitter pourquoi elle devrait voter pour chacun des deux candidats encore en lice. Alors que son concurrent a répondu de manière polie proposant un échange en dehors du réseau social, AOC lui a adressé quatre points nets et précis, à la vue de tous.

La jeune élue manie parfaitement l’ironie pour répondre aux attaques dont elle fait l'objet. Elle répond avec sérieux et naturel aux questions de la communauté, voire même lui demande des conseils pour mieux gérer la fatigue. Et répond en français au groupe Phoenix (les copains de Daft Punk) quand ils la félicitent. Phrases courtes, puissantes et éloquentes, AOC impose avec son style une nouvelle référence et donne par là-même un coup de vieux à tous les politiques s’essayant à l’exercice. Trevor Noah, le présentateur du Daily Show, lui lançait avant même son élection : « Merci d’être le rêve d’une moitié de l’Amérique et le cauchemar de l’autre moitié. »

L'antithèse de Donald Trump

Si Alexandria Ocasio-Cortez est symboliquement et politiquement l’antithèse de Donald Trump – femme, jeune, issue des minorités, de gauche –, elle mobilise et engage sa base d’électeurs directement sur Twitter. Comme le président américain, elle peut se passer des médias généralistes pour faire passer ses messages. Mais bien loin de la stratégie du choc continuel du président, AOC prend le temps de répondre, de se poser, d’apporter des éléments au débat, de réinjecter de la politique.

En incluant les gens, notamment les millennials, dans le processus, elle réussit à les reconnecter avec la politique. Authentique, intense et passionnée, Alexandria Ocasio-Cortez contribue à battre en brèche le scepticisme et la méfiance ambiante envers la parole des acteurs publics. Elle nous montre aussi que les médias sociaux peuvent encore jouer un rôle positif pour la société. À qui le tour ?

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