Tribune
Sur mobile plus qu'ailleurs, les vidéos se regardent souvent le son coupé. Pour la publicité, cela implique de raconter une histoire différemment, dans un format qui peut s'avérer tout aussi efficace.

Beaucoup de marketeurs sont convaincus que l’audio est un ingrédient essentiel de leur spot TV, et certaines études réalisées sur le sujet leur donnent raison. Le son, et la musique en particulier, quand ils sont bien choisis peuvent démultiplier l’impact des visuels et renforcer l’efficacité du message. Si la combinaison des composantes audio et visuelle est clé dans le succès d’un spot TV, qu’en est-il sur mobile ? Les publicités en autoplay avec le son activé constituant l’une des premières motivations des utilisateurs à installer un adblocker, l’industrie dans son ensemble a pris des mesures drastiques pour protéger les utilisateurs de l’intrusion du son. Google Chrome et Safari par exemple n’acceptent plus le chargement de ce type de publicités vidéo sur leurs navigateurs mobiles.

Pour mieux comprendre les comportements et les attitudes des utilisateurs envers le son, nous avons mené une étude dans 10 pays auprès d’utilisateurs mobiles. Elle nous a permis d’établir que 66% des Français ont le son activé sur mobile par défaut, ce qui les rend réceptifs à l'intrusion de publicités jouant avec le son en dehors de leur contrôle. 70% des répondants ne supportent pas lorsqu’une publicité vidéo se lance avec le son par défaut lorsqu’ils consultent leur mobile. Si les vidéos sur YouTube sont consommées avec le son, elles peuvent être regardées avec ou sans le son sur Facebook et les sites d'actualité.

Selon cette même étude, près d’un Français sur deux (et même deux tiers des 16-24 ans) apprécie les vidéos sous-titrées et se sent frustré quand il ne peut pas comprendre une vidéo sans son. En ce qui concerne les publicités, 74% des internautes les regardent sans le son sur Facebook, 47% désactivent le son sur YouTube. Ces chiffres montrent clairement que la présence de son n’est pas garantie pour la publicité sur mobile quelle que soit la plateforme. Il devient alors indispensable pour les marques de s’assurer que leurs publicités puissent être comprises sans le son.

Score émotionnel proche

Les questions sous-jacentes portent sur la performance des publicités sans son par rapport aux publicités avec son, ainsi que sur la possibilité d’améliorer la performance des publicités qui pâtissent d’un manque de son. Pour y répondre, nous avons testé deux versions – avec et sans son – de plus de 240 publicités distinctes, une étude réalisée avec Realeyes pour la mesure émotionnelle et Millward Brown pour l’impact branding. Premier enseignement, les publicités avec le son activé ont un score émotionnel moyen de 3,7 (sur une échelle de 1 à 10) contre 3,6 pour les publicités avec le son désactivé. Pas de différence significative donc en moyenne, mais cela ne signifie pas pour autant que toutes les publicités soient égales en ce qui concerne l’impact du son.

Dans 36% des cas testés, les publicités sans le son ont enregistré des performances équivalentes à la version avec le son. Pour 34% d’entre eux, la version avec le son a mieux performé tandis que pour les 30% restant au contraire, la version sans le son obtient un meilleur score que la version avec son. Parmi les publicités fonctionnant mieux sans le son, nous avons identifié deux raisons principales. La première est liée à la confusion créée par la présence conjointe d’une voix off et de sous-titres, qui diminuent l’engagement émotionnel des publicités avec le son. Face à ce problème, mieux vaut utiliser des sous-titres intelligents, qui disparaissent lorsque le son est activé, éliminant ainsi tout risque de perturbations pour le consommateur.

La seconde raison est liée au fait que la musique n’est pas alignée avec les visuels, ce qui génèrent de la confusion et de la distraction. Ceci confirme les résultats de l’étude menée par Thinkbox et Neuro Insight au Royaume-Uni en 2016. Celle-ci concluait notamment qu’il était préférable de ne pas avoir de musique plutôt qu’ajouter une musique ornementale, car elle pouvait créer des interférences avec les visuels et conduire à un engagement moindre. Cet effet négatif de la musique est encore plus marqué sur les publicités de format court : quand elle n’est pas synchronisée avec les visuels, elle crée une surcharge d’information pour notre cerveau, qui nuit à la performance de la publicité. Enfin, les cas où la publicité avec le son obtient de meilleures performances que la version sans le son correspondent à des publicités incluant du dialogue ou une voix off.

Adaptation des publicités

La solution pour améliorer les versions sans son est de compenser par des textes et des images. Cela peut se traduire par exemple par l’affichage d’un message avec des visuels accrocheurs au début de la publicité, des légendes ou des sous-titres pour les vidéos avec dialogues. Cela peut également prendre la forme d’éléments interactifs et d’écrans de fin percutants. Aujourd'hui, il est possible d'adapter les publicités afin qu’elles performent aussi bien (si ce n’est mieux) sans le son qu’avec le son, en termes d’engagement émotionnel, de compréhension du message et d’impact.

Ces enseignements pourraient en surprendre certains, mais probablement pas ceux qui ont déjà regardé un film muet en noir et blanc. Quand le cerveau d’un individu est privé à la fois de son et de couleur, il doit utiliser toute son imagination et activer toutes ses capacités cérébrales d’une manière dont il n’aurait pas besoin si tous ses stimuli habituels étaient sollicités. C’est exactement le même processus cognitif qui se produit pour les vidéos sans son, ce qui montre leur capacité à être tout aussi efficace que les vidéos avec son.

Il faut changer notre représentation à cet égard : une vidéo silencieuse n’est pas un sous-genre de publicité TV, c’est juste une manière différente de raconter une histoire qui plaît notamment aux millennials et à la génération Z, habitués aux vidéos mixant vidéo, image et texte, comme celles produites par Brut en France ou LADbible au Royaume-Uni. A l’heure où le mobile dépasse la télévision en termes de temps passé, le moment est venu d’intégrer les spécificités des usages sur mobile et de réviser nos a priori. Ce mode de consommation silencieux de la vidéo ouvre un nouveau champ pour la créativité, où l’absence de son peut être compensée par l’interactivité et l’activation d’un autre sens comme le toucher.

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