Vous pensiez connaître Dumbledore, le sympathique sorcier de la saga Harry Potter? Pour les universités françaises, il a deux visages. Il y a le Dumbledore de l’université d’Avignon, positif, communicant, un peu transgressif mais sexy et il y a le Dumbledore de l’université Rennes 2, sardonique, cruel, provocateur. D’un côté une campagne de communication dans les gares, les couloirs du métro parisien et marseillais, d’une université fière d’elle-même et en conquête de nouveaux étudiants. De l’autre une liste associative étudiante remportant les élections internes à l’université en se moquant ouvertement du système et parachevant la réputation d’un établissement régulièrement secoué par la contestation.
Deux visages de l’université française pour des établissements qui, en dépit d’une taille et d’un positionnement géographique différents, ont pourtant en commun d’être des universités à tonalité SHS, présentes dans le paysage de l’enseignement supérieur depuis de longues années.
La communication n’est donc pas une qualité harmonieusement partagée par nos universités ? Pour beaucoup d’entre elles, devenir autonomes en 2007 a marqué l’entrée dans une nouvelle façon d'appréhender la communication : on est passé de l’ère de l’information à celle du marketing. Cette transformation est encore loin d’être achevée (pour certaines, elle n’est pas commencée). Cette accession à l’autonomie a été pour partie accompagnée par l’État. Cela a été le cas sur le plan budgétaire, patrimonial, RH, etc. (avec des échanges souvent musclés).
Personne en revanche n’a éprouvé le besoin de mettre la communication sur la table.
Depuis, l’État a lancé de grands appels à projets avec à la clé des dizaines de millions d’euros sans que la communication ne soit une partie du sujet. Nos universités sont incitées à relever le défi de l’international et censées viser les premières marches des classements sans stratégie de communication ni même parfois de budgets structurés.
En d’autres termes, on attend de nos universités qu’elles deviennent des marques fortes dans le paysage de l’enseignement supérieur, alors que pour la plupart, elles n’ont pas la moindre idée de ce que cela signifie. A leur décharge, entre les grandes écoles et les universités anglo-saxonnes il reste un modèle à inventer. Peuvent-elles le faire sans aide? Non, État, collectivités, entreprises doivent aider les universités à structurer leur communication.
Soyons clair, il ne s’agit pas de mettre en place des formations à Photoshop ou à la prise de parole en public. Les universités ne peuvent envisager leur développement aujourd’hui sans intégrer la communication au plus près de leur projet d’établissement et de leur stratégie de développement. Les directions d’établissement ont besoin de s’acculturer à ces problématiques. Rapprocher la «com’» du politique consistera paradoxalement à l’éloigner des dirigeants (qui considèrent pour certains être le meilleur «dircom» de leur établissement) pour la confier à des professionnels et les outiller dignement.
En interrogeant les objectifs, les résultats, les cibles et les messages, la communication ne rendra pas seulement service à l’image des établissements, à leur dynamisme, leurs pépites mais bel et bien à leur fonctionnement, leurs projets. Les universités françaises ont énormément changé ces dernières années, parfois dans la douleur. Formation initiale et continue, recherche, innovation, numérique, rayonnement … les attentes à leur égard sont fortes. Fusionner des établissements, rénover les campus, cela ne suffira pas. La montée en puissance de leur communication est un levier indispensable de leur réussite.
Pour tous ces chantiers, n’attendons pas le coup de baguette magique.