C’est l’un des préalables à toute communication enfants, selon Yves Cognard, président de l’institut d’études spécialisé Junior City: «Quand on s’intéresse aux enfants, on ne peut pas faire abstraction d’un agent économique, la maman. Ils sont prescripteurs de beaucoup de choses, mais l’acheteur, c’est elle.» Or, constate-t-il, la cellule familiale est en plein chamboulement. «La nouvelle génération grandit dans une cellule familiale complètement différente, note-t-il, où moins de la moitié des parents sont mariés, avec beaucoup de foyers monoparentaux et de familles recomposées, et parfois davantage de grands-parents.» L’évolution de ce cadre social ne modifie pas seulement les habitudes de mode de garde, les loisirs ou l’achat de jouets. Elle agit sur les comportements. «Aujourd’hui, l’enfant a besoin de se reconnecter avec ses parents et inversement, prévient Shirley Curtat, dirigeante de Com’ des enfants. Ils n’ont jamais été aussi demandeurs de partager des moments en famille. Les parents travaillent trop et quand ils sont présents à la maison, eux aussi sont absorbés par leur smartphone. Ils ont l’impression de ne plus avoir de patience avec leurs enfants.» Selon elle, la grande tendance née l’an dernier, illustrée par les campagnes menées par Kinder, Playmobil ou Ferrero, c’est la mise en scène de ces «moments en famille».
Sophie Dahan, directrice marketing de l’agence Globe, liste plusieurs évolutions du cadre familial: «Ce qui a changé, par rapport au schéma classique de la maman acheteuse en vigueur il y a encore vingt ans, c’est que le père est lui aussi devenu acheteur, et que l’achat est désormais une décision collégiale au sein du foyer. Les enfants ne sont plus seulement prescripteurs, ils sont influenceurs. La notion de pouvoir a changé, il y a au sein du foyer une notion de vivre-ensemble, de transversalité, et c’est aussi ce qu’on recherche quand on vient activer une marque, faire vivre un moment ensemble.» Reste à s’adresser à la structure familiale au moment où elle est la plus réceptive. «Les départs en vacances, les gares, les aires de service sur l’autoroute, les salons, tout cela fonctionne très bien», indique Sophie Dahan. Perrine Boyer, la fondatrice de Promo Agency, insiste sur la teneur du discours à tenir: «Aujourd’hui, la maman est à la fois moins présente et plus impliquée. Le discours doit être plus rassurant. Avant, le côté fun d’un produit suffisait, mais désormais, il doit aussi être bon et sain » Il faut rassurer, et aussi montrer que la marque comprend la maman en lui donnant la possibilité d’échanger avec ses enfants et de transmettre son expérience.
Mini Babybel, des mascottes incarnées
La dernière campagne promotionnelle de Mini Babybel montre à la fois l’impact d’une prime directe, l’obligation d’incarner des personnages nés sur le web et la façon de s’adresser à des enfants qui n’ont pas tous le même âge. L’agence Promo Agency prend le relais en début d’année de «La vie du filet». Cette web série de Young & Rubicam, qui narre les aventures de petites mascottes rigolotes, fait un tabac. «Notre sujet, explique Perrine Boyer, fondatrice de Promo Agency, était de faire entrer dans le foyer ces personnages.». Première opération au printemps avec une prime différée, un verre rouge en forme de boule que l’enfant peut recevoir en échange de preuves d’achat. Cet été, les petits filets de fromage étaient enrichis d’une prime directe, un porte-clé à l’effigie des personnages. Le procédé permet de faire le buzz dans les cours de récré et ancre la marque dans la générosité. Reste qu’avec un cœur de cible de 7 ans, Mini Babybel est tiraillé entre les 3-6 et les 6-12 ans. «C’est assez récurrent sur ce type de produits, souligne Perrine Boyer. Dans ce cas, le parti-pris consiste à s’adresser à la cible haute, à laquelle les plus jeunes peuvent s’identifier, plutôt que l’inverse.» L’agence évoque de bons taux de remontées des preuves d’achat. Le client, Bel, vient de lui confier Kiri ainsi que la Vache qui Rit, qui prévoit une évolution importante en 2018.
Milka Brownie, petits goodies, gros succès
Le lancement de Milka Brownie, début 2017, illustre la particularité des produits destinés à la famille qui doivent toucher à la fois parents et enfants. Le produit lui-même prend en compte cette spécificité avec un format familial à partager et un autre, individuel. La publicité intègre cette logique, avec un spot à deux lectures dans lequel le décor (un open space dans un chalet à Lilaberg, le village imaginaire de la marque suisse) peut parler à tout le monde. L’agence Globe prend alors la main pour faire vivre cette plate-forme de communication avec une activation des ventes. Les familles sont ciblées via un pop-up store installé dans le centre commercial de Vélizy, tandis que les acheteurs sont touchés par un échantillonnage massif en entrée de magasins (450 points de vente pour 1,3 million d’échantillons distribués). Le point notable, remarque Sophie Dahan, directrice marketing de Globe, c’est «le succès phénoménal» du goodies offert dans le chalet de Vélizy: une photo de famille donnée en version imprimée puis envoyée par mail pour partager sur les réseaux sociaux. La générosité paye: Milka Brownie a engrangé en trois mois ses objectifs annuels de chiffre d’affaires, soit 4 millions d’euros, et pris en deux mois 27% de parts de marché en valeur sur le segment du brownie.
Oasis Pocket à l’heure des Minions
Le partenariat entre les marques et le cinéma se révèle en général payant, dans un co-branding gagnant-gagnant où le film, privé de publicité classique sur le petit écran, profite d’une forte visibilité lors de sa sortie. La marque, en retour, bénéficie de l’aura de la licence. Et quand un tel accord est signé avec Moi, moche et méchant 3, le blockbuster d’Universal, l’effet est décuplé. L’agence Marcel a associé, au début de l’été, Oasis Pocket, petite boisson nomade de 25 cl qui cible les 4-12 ans, aux dernières aventures sur grand écran des Minions. Elle a imaginé un spot TV mariant les deux univers, avec des Minions se transformant en petits fruits espiègles après être passé au révélateur d’une machine, le Kombinator. «Le spot, diffusé en télévision et au cinéma, a été relayé par des opérations dans les salles permettant de gagner un petit goodies pour tout achat d’un Oasis», indique Benjamin Taïeb, directeur associé chez Marcel. En magasin, l’univers du film est repris sur les blisters et propose de gagner des goodies ou un voyage au parc d’attraction Universal. Bilan: plus d’un million de vues du spot sur Facebook et 30 000 participations au jeu en quelques semaines.
Super Wings, transformation réussie
Face aux géants Mattel ou Hasbro, le groupe chinois Auldey déploye son business à la fois dans le secteur des jouets, le dessin animé, les parcs à thèmes, les contenus éducatifs… Pour sa licence Super Wings, des petits avions transformables en robots, il avance en même temps ses pions. La série Super Wings a d’abord été diffusée sur la chaîne Piwi+ du groupe Canal+, avant d’arriver sur Gulli à l’été 2016. Pour l’occasion, les Super Wings ont participé à la tournée des plages organisée par la chaîne, au cours de laquelle, à l’occasion d’une vingtaine de dates, les enfants pouvaient apprendre les chorégraphies des petits avions Super Wings. Objectif: que les enfants s’approprient les personnages de la série. Dans chaque épisode, Jett, l’aéronef vedette, part en mission dans un endroit du monde pour aider un enfant. Pour cette rentrée 2017, Super Wings devrait encore gagner en visibilité en débarquant sur TF1. «Cette licence réunit tous les ingrédients pour rééditer le succès d’une Dora l’exploratrice», espère Olivier Dénéchère, dont l’agence Ultimum Advertising conçoit les spots produits des jouets du fabricant. Les ventes seraient en progression et à la hauteur des attentes du groupe.
Saforelle Miss, l’hygiène intime sans tabou
Pour installer ce produit d’hygiène intime destiné aux petites filles de 4 à 10 ans, l’agence Com’ des enfants a imaginé une stratégie de brand content qui doit permettre à cette marque vendue en pharmacie de fournir aux parents des outils pour nouer le dialogue avec leur progéniture. Un petit livret, «La journée de Lisa», est d’abord encarté avec le produit. Il raconte la journée d’une petite fille et sert de repère à la fillette dans le choix des bons gestes, d’intermédiaire entre les parents et l’enfant et d’aide à la prescription médicale. «C’est un problème classique dans la communication à destination des enfants où il y a toujours plusieurs cibles autour d’eux», relève Shirley Curtat, directrice de l’agence. D’autres actions sont engagées, notamment la diffusion d’une vidéo, dans laquelle Lisa raconte sa soirée pyjama, sur YouTube et Facebook. Créée il y a deux ans, cette page Facebook fédère aujourd’hui une communauté de 13 000 personnes. Une nouvelle vidéo, sous la forme de témoignages de petites filles racontant leur moment du bain, prend le relais à cette rentrée. Les ventes et la notoriété de la marque, à la suite de cette campagne, seraient en progression sur les deux dernières années selon l’agence.