Le temps de la télévision cantonnée aux campagnes de branding semble bien révolu. Il faut dire que les déboires des annonceurs sur le digital, qu'il s'agisse des problèmes de brand safety ou de fiabilité de la mesure, ont logiquement revalorisé les qualités du média TV. « Ils reviennent à des valeurs sûres, constate Isabelle Vignon, déléguée générale du Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV). Le média TV est celui qui offre la couverture la plus forte au quotidien. Or, avant d’arriver à mesurer l’efficacité d'une campagne, il faut que les gens aient été en contact avec elle. »
Les régies télé l'ont bien compris ; le média a l’ambition de devenir un atout ROI (retour sur investissement) de premier plan. TF1 Publicité a ainsi mené avec FranceTV Publicité un travail de convergence qui a conduit à la création du GRP Shopper. Ce nouvel outil de ciblage des campagnes s'appuie sur la base de données consommateurs de Kantar Worldpanel et permet aux annonceurs non plus d'élaborer leur plan média télé uniquement sur des données socio-démographiques (âge, sexe...) mais aussi sur des données comportementales, comme les habitudes d'achat de tel ou tel produit.
Du linéaire au plateformes digitales
« Un même profil socio-démographique peut dans la réalité aboutir à des modes de consommation radicalement différents, explique Gaïdic d’Albronn, directrice générale de Kantar World Panel. Nous avons réalisé une étude économétrique portant sur 150 marques et 1 000 campagnes TV, et nous avons constaté que le GRP Shopper était deux fois plus efficace par contact délivré que le ciblage socio-démographique traditionnel. » Des résultats que TF1 Publicité confirme : « Les tests menés avec MarketingScan ont montré qu’à budget équivalent, une campagne en GRP Shopper aboutissait à une hausse moyenne de 6% des ventes, détaille Laurent Bliaut, directeur général adjoint chargé du marketing. En moyenne, sur dix campagnes testées, nous avons observé une augmentation du chiffre d’affaires de 250 000 euros. »
Un partenariat a par ailleurs été noué avec RelevanC, la régie qui commercialise la data de 14 millions de cartes de fidélité du groupe Casino. TF1 Publicité projette ainsi de prolonger les cibles Shoppers au-delà de la télévision linéaire, sur ses plateformes digitales. « Un test a été mené avec Havas et la marque Puget en juin 2018 et il a démontré l’efficacité du dispositif, souligne Laurent Bliaut. Ceci nous a convaincu de lancer, pour 2019, une offre en CPM data 5 écrans, qui préfigure pour partie la télévision de demain. »
Des contextes de diffusion liés aux univers des annonceurs
M6 Publicité a aussi lancé des offres ciblées sur les acheteurs de différents marchés. « Nous avons croisé des panels de mesure d’audience TV avec des panels comportementaux basés sur les achats, explique Guillaume Charles, directeur général adjoint de la régie du groupe M6. Cela nous permet de construire des cibles hybrides. Les média-planneurs pourront optimiser les retombées sur les cibles comportementales. » Grâce à un programme d’intelligence artificielle, M6 Publicité propose aussi des contextes de diffusion corrélés aux univers des annonceurs. « Nous avons constaté que dans un tel schéma, le gain de mémorisation atteint jusqu’à 20%, explique Guillaume Charles. C’est sur la base du gain supplémentaire de mémorisation que sera calculé le coût supplémentaire pour l’annonceur. »
La presse aussi fourbit de nouvelles armes, notamment dans le but de fournir aux annonceurs les preuves de l'efficacité de leurs campagnes. C'est ainsi que la régie 366, qui commercialise la publicité nationale des quotidiens régionaux, a décidé de faire auditer son panel par le CESP afin d’accroître sa transparence vis-à-vis du marché. La régie a aussi enrichi sa batterie d’indicateurs habituels (notoriété, attribution, critère d’image, impact), utilisés pour comparer les impacts successifs des campagnes. « Nous avons ajouté deux éléments, explique Bruno Ricard, directeur général adjoint en charge du marketing et des études. D’abord un baromètre d’image, qui permet de mesurer l’évolution de l’attractivité des marques avant et après campagne, et un système faisant appel aux neuro-sciences, qui permet de mesurer l’efficacité sur le court et le long terme. » 366 va aussi poser sa candidature au visa efficacité de l’Union des annonceurs [lire page 32], toujours dans le but de proposer un regard plus objectif sur les mesures produites.
Une rémunération au rendement
Et si la radio a toujours été positionnée comme le média permettant de générer du trafic en magasin, l’affichage n’est pas en reste avec dernièrement le lancement par Clear Channel de l’offre Up Your Sales. Celle-ci se décline en deux options : Synergie, plus tournée vers les lieux de vente et dont l’efficacité sera mesurée par Nielsen, et Power, focalisée sur le trajet entre le domicile et le point de vente, et dont l’impact sera monitoré par Kantar World Panel. Pour Olivier Douffiagues, directeur général adjoint commerce et marketing de Clear Channel, le deal est clair : « Si la campagne de l’annonceur avec Clear Channel aboutit à une croissance de ses ventes supérieure à 10%, nous recevons un bonus. Inversement, si la croissance est inférieure à 5%, c’est Clear Channel qui rétrocède une partie des montants engagés. » 2019 verra-t-elle les médias traditionnels rivaliser en efficacité ROI avec les acteurs du digital ? La course est en tout cas bel et bien lancée.
L'efficacité du média télé passée au crible
Challengé par les acteurs du digital sur le terrain de l'efficacité, le média télé n'entend pas rester les bras croisés. Le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV) devrait présenter au 2ème ou 3ème trimestre 2019 les résultats d'une étude sur l’efficacité des campagnes combinant deux médias pour les secteurs les plus présents en télévision. Celle-ci devrait aussi permettre de mieux mesurer l’efficacité du média TV en termes de branding sur le long terme. « Certains annonceurs prennent la parole à des intervalles parfois assez espacés, parfois un an, explique Isabelle Vignon, déléguée générale du SNPTV. Ils ne repartent pas pour autant de zéro. Tout l’enjeu est de mesurer le niveau de “crédit de reconnaissance” qu’ils ont conservé. »