Année des médias 2012
Plus d'un an après l'affaire DSK, qui avait ravivé le discours féministe, certaines voix se font entendre pour fustiger les magazines féminins qu'elles jugent conservateurs voire rétrogrades.

Dans la moiteur du mois de juillet, les internautes en villégiature ont, un temps, délaissé les rivages azuréens de leurs piscines pour aller s'épancher sur les réseaux sociaux. «Je sais pourquoi je n'achète plus de magazines féminins», déclarait une des «twittos», tandis que sur un autre compte Twitter, on ne reculait pas devant le jeu de mot leste: «Le magazine Elle fait avaler n'importe quoi à ses lectrices…» Impossible d'apprécier à sa juste valeur ce trait d'esprit si l'on ignore que ce débat échauffé concerne un article intitulé «La pipe, ciment du couple»… Sous ce titre sans ambiguïté, l'on pouvait notamment lire les témoignages de Daphné, trente-six ans, qui explique qu'elle «pratiquait la pipe spontanément, moitié en préliminaires, moitié en plat de résistance», d'Elise, trente ans, qui pratique la «suçothérapie» pour relancer son couple après sa grossesse ou encore de Laurent, qui semble poser les bases d'une étiquette de la fellation: «En même temps, la pipe, c'est comme des œufs brouillés à la truffe: tous les jours, on s'en lasserait, à coup sûr.»

La presse féminine est-elle réactionnaire? Plusieurs personnalités féministes ont exprimé, cette année, leur exaspération. Selon elles, plus d'un an après l'affaire DSK, qui avait contribué à revivifier un discours féministe en France, la presse féminine continue à toujours creuser les mêmes sillons. «Je lui ai fait un enfant dans le dos», «Doit-on accepter un plan à trois?», «J'ai aidé sa maîtresse à passer son diplôme», voici le florilège de quelques sujets parus dans les féminins, où l'on apprend aussi, au détour d'un article sur le retour des femmes girondes que «courbes riment avec fertilité, et ça, les hommes le décryptent instinctivement».

«Le problème, c'est que l'on maintient les femmes dans une insécurité permanente en les plaçant toujours en position d'objet et pas de sujet», estime Mona Chollet, journaliste au Monde diplomatique et auteur de Beauté fatale (éditions La Découverte). Alice Coffin, journaliste à 20 Minutes et membre du collectif La Barbe, ne décolère pas: «La femme est, encore aujourd'hui, présentée comme un objet de désir ou une reproductrice.» Pourtant, au sein des magazines féminins, on revendique des prises de positions féministes, via des éditos bien sentis sur les femmes afghanes, par exemple. «Finalement, on se préoccupe des droits des femmes lorsqu'elles sont loin, en laissant perdurer des situations inégalitaires dans son propre pays», déplore Michela Marzano, chercheuse, philosophe et écrivain.

Retour de la psycho évolutionniste

Valérie Toranian, directrice de la rédaction du magazine Elle, a l'habitude de répondre à ce genre de critiques. «Les féministes, depuis les années 1970, n'ont jamais eu un regard très neutre sur la presse féminine. A leurs yeux, tout ce qui véhicule du stéréotype est un problème. Le féminin est complexe: on peut être féministe et aimer la mode.» Pour elle, les lectrices s'intéressent avant tout aux femmes qui font l'actualité, comme en témoignent les unes pour les interviews de Carla Bruni et d'Anne Sinclair: «Cinquante pour cent de ventes en plus, tout simplement parce qu'elles étaient ancrées dans l'actualité», estime-t-elle.

Pour autant, si les féministes saluent l'arrivée de titres féminins alternatifs comme Causette, elles continuent à considérer avec circonspection Elle, Cosmopolitan et autres Marie-Claire. «On se trouve dans une époque où l'on voit réapparaître la psychologie évolutionniste, du type “les femmes viennent de Mars et les hommes de Venus”. Ce discours rassure dans une période pas très audacieuse politiquement ni hyperprogressiste», estime Mona Chollet. Papa pique et maman coud?

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