Neuf quotidiens, une diffusion payée de près de 1,2 million d'exemplaires… Le nouveau premier groupe de presse quotidienne régionale a désormais pour nom le Crédit mutuel. Le 25 novembre, l'organisme bancaire a pris le contrôle du groupe L'Est républicain à la suite d'un conseil d'administration du journal qui a validé la cession des 43% de parts du PDG Gérard Lignac à la banque fédérative. Le Crédit mutuel possédait déjà 48% du groupe de presse après le rachat des actions de Groupe Hersant Média (GHM) fin octobre. Des petits porteurs se partagent les 10% restants.
C'est la fin de l'ère Lignac. Le patron du groupe depuis 1983, a estimé, à quatre-vingt-deux ans, qu'«il fallait s'arrêter à temps». L'homme au nœud papillon était, dès 1966, administrateur du quotidien de Nancy, alors que son père en était déjà actionnaire. Le «Citizen Kane» de l'Est avait constitué son empire en rachetant, dans les années 1990, les Dernières Nouvelles d'Alsace, La Liberté de l'Est (devenu Vosges matin), puis Le Journal de la Haute-Marne. En 2006, il créait le groupe Ebra, grâce à l'apport du Crédit mutuel, en rachetant à Dassault Le Progrès, Le Bien public, Le Dauphiné libéré et Le Journal de Saône-et-Loire. Gérard Lignac se félicite désormais que son repreneur, la banque mutualiste présidée par Michel Lucas, ne soit pas un groupe étranger: «Le nouveau propriétaire se porte bien financièrement et il est français. Je suis un vieil homme pour lequel le patriotisme a un sens», a-t-il confié à l'AFP.
Un enthousiasme peu partagé par le Syndicat national des journalistes, qui s'inquiète de la stratégie du Crédit mutuel (qui, en plus d'Ebra, possède 80% de L'Alsace et 100% du Républicain lorrain). Dans un communiqué, le 29 novembre, le SNJ estime que ce rachat est «un mauvais présage pour l'emploi dans les entreprises comme pour le pluralisme de l'information». Éric Barbier, représentant du SNJ à L'Est républicain, prévient: «Nous resterons vigilants quant aux projets de mutualisation des contenus des journaux appartenant au Crédit mutuel.»