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Fondé par des membres de La France insoumise mais se voulant "indépendant" de tout parti politique, "Le Media" a commencé mercredi 11 octobre à vendre des "droits de propriété" pour avoir les moyens de se développer sans dépendre de grands intérêts financiers.  Après la création d'une association loi de 1901, le site va se constituer en coopérative.

Inspiré du droit associatif sud-américain, un système de "socios" est mis en place. Il consiste à vendre des tickets de copropriété à 5 euros dans la la limite de 500 au maximum, valables à vie et transmissibles. Les organisateurs espèrent réunir 2 millions d'euros pour "commencer correctement".

Sophia Chikirou, la directrice de communication de la campagne de Jean-Luc Mélenchon à l'origine du projet, et qui n'a plus aucun contrat avec le mouvement politique, a précisé lors d'une conférence de presse que "Le Média" sera diffusé gratuitement sur internet. Il lancera sa première émission quotidienne, un journal de 20 heures, le 15 janvier, avant de s'étoffer, autant que faire se peut. Une agence de presse "indépendante administrativement, juridiquement et financièrement" sera aussi créée afin de fournir des informations pour ce journal vidéo. Une douzaine de journalistes seront recrutés sous la rédaction en chef d'Aude Rossigneux. 150 CV auraient d'ores et déjà été reçus, dont certains proviendraient de rédactions prestigieuses.

"Vous avez le droit de ne pas nous croire sur notre bonne mine, donc on vous donne une garantie supplémentaire d'indépendance", a expliqué cette dernière. "Nous serons une rédaction autonome et autogérée". "Aucun sujet ne sera banni", a promis de son côté le psychanalyste Gérard Miller, co-directeur, et compagnon de route du leader de La France insoumise, jugeant qu'on peut être "un média engagé et aussi démocratique et honnête qu'un autre".

ROI idéologique

A l'origine du projet, ses concepteurs disent avoir fait le constat du "rôle affligeant de certains éditorialistes des grands médias" pendant la séquence électorale 2016-2017. Rappelant que "90% des médias français sont détenus par neuf milliardaires" [le 2 mars, Alexis Corbière, porte-parole de la FI, avait déclaré pour sa part que "neuf personnes possède en France 80% des médias"], Gérard Miller estime que "s'ils investissent alors que la presse perd de l'argent, c'est qu'ils ont un retour sur investissement idéologique". "Quand bien même les journalistes assurent ne pas recevoir d'ordres", estime-t-il, évoquant "des intérêts de classe qui dominent".

Comme des agriculteurs bio se sont constitués en coopératives pour contourner la vente en grandes surfaces, les instigateurs du projet affirme avoir eu l'idée de fabriquer un média complètement indépendant des intérêts financiers et qui fonctionnerait sur le long terme grâce au bon vouloir des citoyens. La douzaine de journalistes recrutés d'ici début décembre pour construire le 20 heures, "vaisseau amiral" de la chaîne, seront embauchés en CDI mais leur rémunération dépendra de la levée de fonds.

"On lance la campagne de souscription ce soir, on démarre le 15 janvier, on saura d'ici un mois si on peut louer des bureaux, combien de personnes on peut embaucher, etc...", reconnaît Sophia Chikirou. Mais "chaque mois, il faudra convaincre des gens de devenir "socios", on sera en campagne permanente", poursuit-elle utilisant un thème cher à La France insoumise.

Elle souhaite également tenir l'engagement d'être "un média populaire dans le sens où on s'adressera au peuple", en tendant les micros notamment aux ouvriers et employés, peu présents à la télévision. Dans une tribune parue lundi dans Marianne, Aude Rossigneux refuse "l'injonction d'objectivité" souvent faite aux journalistes. "La différence entre un média "objectif" et un média engagé ? L'un fait semblant de ne pas avoir d'avis. L'autre assume une ligne éditoriale", estime-t-elle, préférant en référer à son "honnêteté".

Pour autant, la petite équipe a déjà prévenu : "on assume qu'on a des idées même si ce n'est pas ce qu'on met en premier". La seule limite ? La parole ne sera "pas donnée à des personnes antisémites ou racistes"."Le Média ne se fera pas avec des gens qui ont tous le même point de vue, c'est d'ailleurs ce qui gène ceux qui s'opposent à notre projet", raille Gérard Miller en rappelant "le manifeste pour un nouveau média citoyen", publié fin septembre dans Le Monde, signé certes par Jean-Luc Mélenchon mais aussi par Philippe Poutou, Arnaud Montebourg, Eva Joly ou Pierre Joxe.

Dès avant la campagne présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon a de son côté lancé son propre média vidéo sur Youtube, sous forme de "revue de la semaine" afin de s'adresser aux "gens" et de promouvoir ses idées politiques. La chaîne Youtube compte aujourd'hui 370 000 abonnés. Elle en est a sa 41ème "revue de la semaine".

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