Établissement plus que centenaire mais au nom disparu en 2005 après son rachat cinq ans plus tôt par HSBC, le CCF a fait son retour en France le 1er janvier. Avec une problématique : installer son ancienne marque dans la modernité.

« C’était la banque de ma mère, de ma famille, de ma première carte bleue… » Voilà l’un des souvenirs que peut provoquer l’évocation du CCF. Ou bien la question, plus lapidaire : « Qui ? ». Le CCF, donc, pour Crédit commercial de France, vient de faire son retour en France le 1er janvier 2024 après avoir disparu pendant près de vingt ans. Créée en 1917 pour soutenir le tissu économique français (entreprises, acteurs industriels…), elle a perduré quelques années encore après son rachat en 2000 par HSBC, qui l’a transformée en 2005 en HSBC France. En grave difficulté financière, elle a ensuite été revendue l’année dernière à My Money Group (devenu depuis Groupe CCF), filiale d’un fonds américain nommé Cerberus, qui lui a, pour la relancer, redonné son nom d’origine. Le rachat clos le 31 décembre dernier, les 244 ex-agences HSBC France ont toutes été mises aux couleurs du CCF. « Dans les semaines précédentes, nous avions remplacé les logos HSBC France par le nôtre puis recouvert nos propres logos d’une chaussette HSBC, ensuite enlevée rapidement pour que tout soit prêt pour le début d’année », raconte-t-on à la communication du groupe.  

La relance en a été confiée à Niccolò Ubertalli, directeur général du groupe CCF, fin connaisseur du secteur et rodé à la gestion de banques en particulier à l’international. « La France est un pays avec des banques de détail fortes, un régulateur solide, une belle compétition, entame le patron. Elle est excellente pour les clients riches, les clients moins riches mais la partie au milieu est mal gérée en général. Le CCF s’était positionné là, auprès d’une cible de professions libérales, qui ont besoin de conseils pour gérer leur argent de façon professionnelle. » Le CCF se présente comme une banque « patrimoniale », porteuse pour le client d’un certain statut social, et « à taille humaine », par opposition aux mastodontes que sont BNP Paribas ou Société Générale. Ses clients comptent jusqu’à 700 000 euros d’actifs (compte courant, épargne, assurance-vie...). Elle en a aujourd’hui 800 000 en portefeuille. Voilà pour son positionnement.

Son retour, donc, s’accompagne de celui de l’ancien nom – logo rénové à l’appui – auquel le nouveau propriétaire a choisi de revenir. « Même si depuis 2005 la marque n’était plus visible, nous avons constaté, après étude de marché, sa force : 75% des Français de la cible la reconnaissent [notoriété assistée] et 85% considèrent que c’est une marque forte » dont ils ont un souvenir positif, énonce Niccolò Ubertalli. Autres atouts : elle n’a « jamais vécu de scandale » ; déjà disparue en 2008, elle a été épargnée par la crise financière. « Quand elle se fait racheter par HSBC, elle compte dans le paysage bancaire, elle est sixième, replace Audrey Blamèble, directrice associée de Come2Mind Consulting, cabinet de conseil en management spécialisé dans les services financiers. C’est la banque des entrepreneurs par excellence (époque Bernard Tapie, pas start-up nation), une banque française, avec beaucoup de banques régionales, largement revendues à l’époque HSBC. » Ce nom hérité du passé entend porter des valeurs, telles que la « solidité », illustre le DG de CCF Groupe. « La solidité, l’histoire, la proximité, une clientèle haut de gamme qu’ils ont toujours eue », résume Catherine Karyotis, professeure de finance à Neoma Business School, école de commerce et management.

Formation et conseil

Reste que, en vingt ans, le monde a changé, et que la banque aura fort à faire pour tenir sa promesse. Son univers concurrentiel s’est diversifié, avec l’arrivée des banques digitales et des néobanques, et les entrepreneurs sont une cible prisée. « Son défi sera d’aller chercher cette image de banque patrimoniale pour gagner une nouvelle clientèle particulièrement chez les jeunes », estime Catherine Karyotis. « Il s’agit de retranscrire cet imaginaire auprès des millennials qui ne la connaissent pas. Il va falloir porter l’imaginaire et le côté preuves », renchérit Audrey Blamèble. Pour s’inscrire dans la modernité, la banque a d’ores et déjà mis en place une nouvelle application mobile.

« Nos priorités 2024 sont la stabilisation de la banque (la bascule s’est très bien passée, seules les cartes bancaires restent à changer), la formation des collaborateurs (via la CCF University) et la relance commerciale à travers la relance des prêts immobiliers et du conseil financier, soit des produits à plus haut niveau de conseil », pose Niccolò Ubertalli, qui n’a pas souhaité donner un objectif de croissance pour 2024, année de transition et de « compréhension », pendant laquelle l’organisation ne bougera pas, et indique que l’idée sera moins d’agrandir la cible que de fidéliser les clients existants.

L’installation de la marque passera également par la communication. Un projet mené avec Publicis, au sein duquel, pour l’accompagnement du compte, pas moins de cinq agences sont mobilisées, dont Leo Burnett pour la stratégie publicitaire, Spark Foundry (Publicis Media) pour l’achat d’espace ou Carré Noir pour la plateforme de marque. S’y joignent, hors groupe, l’agence d’identité sonore Dissonances et la société Freethink sollicitée pour des études.

Une campagne presse a démarré en février dans 19 titres parmi lesquels L’Opinion, La Tribune, Le Monde, Les Echos ou Le Figaro. Pas de TV, trop grand public et hors cible. Cette première campagne vise la notoriété et la réassurance. « Dans un second temps, nous communiquerons sur ce que l’on veut devenir », dessine Niccolò Ubertalli. La notion de conseil sera mise en avant.

La communication se déploie aussi en interne. « Je vais en agence une fois par semaine », assure le dirigeant, qui veut faire de la proximité de son comité de direction avec les équipes une marque de fabrique. Des sessions de questions-réponses sont régulièrement organisées avec le codir et/ou avec lui-même, qui communique également via un blog. « Proximité et ouverture », insiste-t-on.

Côté communication, le défi est d’autant plus grand que les intentions du fonds Cerberus qui a acquis la banque, connu pour racheter des entreprises en difficulté, et qualifié ici et là de « vautour », peuvent susciter des interrogations. Des voix internes ont d’ailleurs exprimé des inquiétudes. Il y aura donc un travail de réassurance à opérer à ce sujet. « Un fonds qui est derrière l’IPO réussie de la banque Bawag en Autriche ou le succès de la reprise de la HCob en Allemagne, qui s’inscrit dans la durée, qui crée de l’emploi », défend-on chez CCF.

Chiffres clés

3500 Nombre de collaborateurs, venus de HSBC France.

244 Nombre d’agences en France, réparties dans une quarantaine de villes.

800 000 Nombre de clients en portefeuille.

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