À huit mois des Jeux olympiques de Paris, les partenaires sont impliqués dans un pan de l’organisation, en plus d’apporter au Cojo des revenus indispensables. Alors que les règles strictes interdiront toute communication dans les stades, les marques doivent aussi rivaliser d’imagination pour se montrer, avec les athlètes comme principaux porte-drapeaux. Un article également disponible en version audio.

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Avec la signature du Partenariat premium par LVMH le 24 juillet dernier, le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) a bouclé son budget partenarial (près d’un milliard d’euros), et ce, à un an tout juste de l’ouverture des Jeux le 26 juillet 2024. Les partenariats olympiques se jouent en plusieurs divisions. Les partenaires mondiaux, au nombre de 14, sont des groupes internationaux (Airbnb, Alibaba, Coca-Cola, Panasonic, Samsung, Visa…) qui négocient les droits détenus par le Comité international olympique, en général pour plusieurs olympiades. Les autres partenariats sont négociés avec le Cojo de Paris 2024, à commencer par les sept partenaires premium (Accor, Groupe BPCE, Carrefour, EDF, LVMH, Orange et Sanofi). Avec un ticket d’entrée estimé entre 100 et 150 millions d’euros, ce sont eux qui apportent l’essentiel des recettes partenariales du Cojo.

Mais ils peuvent aussi contribuer directement à la logistique de l’événement. Orange, par exemple, qui est fournisseur officiel des Jeux de Paris, est chargé de connecter tous les sites et d’y offrir une connexion haut débit à l’organisation et au public (lire article P. 32). Accor participera à l’accueil et à l’hébergement des personnes accréditées, puisque c’est lui qui gère les Villages des athlètes et des médias, mais il met aussi à disposition une partie de son parc hôtelier pour les comités olympiques de différents pays. Carrefour va fournir les produits frais y compris à Sodexo, restaurateur officiel. Le Groupe LVMH va, lui, concevoir les médailles olympiques (Chaumet) et fournir des grands crus et champagnes (Moët-Hennessy)…

Les 14 partenaires officiels sont en général associés en tant que prestataires de services (Air France, CMA-GGM, GL events, IDF Mobilités…) ou fournisseurs stratégiques (Le Coq sportif qui fournit les tenues officielles des 10 500 athlètes, Decathlon, les 50 000 tenues des volontaires, Danone…). De leur côté, les 36 supporters officiels apportent aussi leur contribution en nature : Fnac Darty participe à la billetterie, la RATP ou la SNCF va transporter les spectateurs…

Des règles strictes

Toutes ces marques - partenaires mondiaux, partenaires premium, partenaires officiels ou supporters officiels - ont le droit d’utiliser les anneaux olympiques et la marque Paris 2024 dans leur communication. « Le principal asset d’un partenariat olympique, c’est la possibilité d’utiliser les anneaux olympiques, qui est sans doute le symbole le plus reconnu à travers le monde », souligne Matthieu Caste, directeur associé de l’agence Fuse (Omnicom), qui accompagne Allianz et Sanofi.

Si cela ne va pas beaucoup plus loin pour les supporters officiels (avec le droit de participer aux programmes du Club Paris 2024), les partenaires de premiers rangs (Mondiaux et Premium) ont pu négocier des partenariats spécifiques autour des temps forts des Jeux (Relais de la flamme pour Coca-Cola et BPCE, Orange est parrain officiel du Marathon pour tous). Des événements dans l’événement, où ils pourront communiquer sans restriction. Un atout de taille alors que les règles olympiques interdisent la présence des marques dans les enceintes sportives, que ce soit dans les stades ou sur les tenues.

Ils sont aussi prioritaires pour acheter les espaces publicitaires les plus puissants conçus par la régie du diffuseur officiel France Télévisions : les packs or, argent et bronze. Les partenaires mondiaux ont ainsi bénéficié de 30 jours exclusifs pour se positionner sur l’une des offres ; les partenaires premium ont ensuite eu 15 jours pour faire leur choix parmi les packs restants.

Un partenariat au-delà de l’image

Mais alors pourquoi les marques signent-elles un partenariat olympique, avec un tel ticket d’entrée ? Pour l’audience et la notoriété mondiale de l’événement évidemment, pour son image très positive aussi, mais pas seulement. « Un partenariat JO doit se voir comme un projet d’entreprise plus que comme une opération de communication : les JO sont un catalyseur de transformation de l’entreprise », expose Augustin Pénicaud, vice-président de Havas Play. « Cela représente un investissement important pour les marques. Être partenaire juste pour faire des spots à la télévision, ce serait se tromper d’enjeu », alerte-t-il.

Ainsi, Coca-Cola veut se servir des Jeux pour montrer sa capacité à réduire fortement l’utilisation du plastique tandis qu’Accor veut en profiter pour améliorer son niveau d’accueil, notamment à destination des personnes avec handicap, souligne Augustin Pénicaud.

« Nous sommes beaucoup plus qu’un partenaire d’image, nous sommes un partenaire structurant des Jeux de Paris 2024, revendique Laurent Buffard, directeur de la communication des marques Banque populaire et Caisse d’Epargne. Notre principale préoccupation comme partenaire est de participer à la réussite des Jeux, mais aussi, en tant que banquier des territoires, de voir comment les Jeux peuvent participer à la transformation positive des territoires. »

Des campagnes à faire valider

Un partenariat olympique est aussi l’occasion de réaffirmer un positionnement ou des valeurs. Le groupe LVMH, partenaire premium, se revendique comme « artisan de toutes les victoires » et entend « être le partenaire créatif de ces Jeux ». « Nous avons essayé de développer un partenariat créatif. C’est pour ça aussi que ça a pris un peu de temps à être réfléchi, à être construit ensemble avec nos partenaires », expliquait en juillet Antoine Arnault, administrateur du groupe de luxe, dans une rare prise de parole sur Franceinfo.

Pour Optic 2000, supporter officiel, il s’agit d’affirmer sa légitimité dans le domaine sportif en mettant en avant les gammes de lunettes dédiées à cet usage. Pour cela, son agence Moonlike (groupe Australie.GAD) a conçu une campagne autour des nouvelles disciplines sur les réseaux sociaux pour toucher prioritairement un public plus jeune. Le message, qui dit s’appuyer sur des études scientifiques : la pratique du sport participe à garder une bonne vue.

Comment les marques peuvent-elles traduire visuellement ce partenariat ? « La charte des JO est hypercontraignante », constate Martin Iselt, directeur de création de Landor & Fitch (WPP). « Pour les JO, contrairement à une Coupe du monde, on ne peut pas jouer avec les codes visuels d’un sport, comme l’a fait la SNCF avec l’ovale lors de la Coupe du monde de rugby. Il faut donc essayer d’associer un élément distinctif de sa marque aux Jeux. Pour une marque comme Coca-Cola, dont la couleur rouge est automatiquement identifiée, c’est facile. Ce n’est pas le cas pour toutes les marques », ajoute-t-il.

Toutes les créations doivent être validées en amont par le Cojo. « Nous présentons donc quasi systématiquement deux pistes validées par le client, l’une utilisant les codes visuels des Jeux et une autre, plus proche de l’identité visuelle de la marque, détaille Martin Iselt. Les JO, c’est un bon test pour vérifier la flexibilité de sa marque. »

Une team pour l’incarnation

Autre enjeu, la visibilité. « Les JO n’accordant pas de visibilité sur le terrain, les marques doivent créer elles-mêmes cette visibilité. Cela peut se faire via une logique de communication dans les médias ou via les athlètes, qui sont aujourd’hui des médias, avec leurs comptes sur les réseaux sociaux et l’audience parfois très conséquente des communautés qui les suivent », analyse Matthieu Caste, chez Fuse. Les teams d’athlètes jouent ainsi un rôle central dans les stratégies de communication des marques partenaires. « Un team d’athlètes, cela permet d’incarner concrètement l’engagement de la marque et de lui apporter une dimension émotionnelle forte, explique Augustin Pénicaud, chez Havas Play. La priorité, ce n’est pas tant leurs médailles, mais ce qu’ils sont, ce qu’ils représentent dans l’esprit du public. »

Ces teams recouvrent des tailles et des logiques très différentes. LVMH se contente aujourd’hui de quatre partenariats avec de potentiels athlètes olympiques, la logique étant d’associer une « maison » du groupe à un sportif unique « artisan de la victoire ». L’association entre le premier d’entre eux, le nageur Léon Marchand, et Louis Vuitton est tombée à point nommé pour illustrer le slogan puisque le jeune nageur a battu le record du monde du 400 m 4 nages de la légende Michael Phelps la veille de l’annonce du partenariat, en juillet 2023.

À l’autre bout du spectre, BPCE dispose d’une team de plus de 200 sportifs. Peu de têtes d’affiche et pas d’athlètes stars. « Il y a évidemment une soif de médailles, mais notre soutien va bien au-delà, explique Laurent Buffard. Il s’agit de représenter les territoires, leur diversité [avec de nombreux para-athlètes] et la mixité, mais aussi d’illustrer notre engagement à accompagner des sportifs dans leur pratique et au-delà dans leur future reconversion. »

Le casting d’une team est complexe. Faut-il aller chercher des valeurs sûres, comme Teddy Riner et Clarisse Agbégnénou ? « C’est un pari, car trois ans avant les Jeux, lorsque l’on commence les discussions, on ne sait pas s’ils seront sélectionnés », pointe Mylène Cabrera, directrice générale de l’agence Moonlike. « Mais s’ils ne sont pas sélectionnés, ce n’est pas grave ; c’est aussi ça le sport, l’absence de sélection ou l’échec, il y a toujours des histoires à raconter. »