En matière de content marketing, ce que recherchent les marques aujourd'hui, c’est à créer des contenus qui soient vus, lus et entendus, mais aussi des contenus qui génèrent de l’engagement. « On a tendance à penser que les gens n’ont pas le temps de commenter ou d’interagir, c’est une erreur. Quand on leur pose des questions, ils répondent avec plaisir. Les marques ont trop tendance à prendre la parole de manière statique », explique Nicolas Sadki, cofondateur de BeOp. Cet argument vaut plus que jamais aujourd'hui pour les stratégies de contenu de marque, dans un contexte où le contenu est partout et où engager permet d'émerger.
C'est dans cette logique que la start-up BeOp propose aux annonceurs de créer des modules conversationnels (sondage, quiz, test, formulaire, chatbot, vidéo interactive…) pour animer leurs contenus. « Vouloir ramener l’internaute sur le site de la marque est moins efficace que de déporter le contenu de la marque là où se trouve l’internaute », estime le dirigeant. Selon lui, il est d’autant plus pertinent d’être ludique et de jouer la carte de l’interactivité que les jeunes ont grandi avec ces codes : « la majorité des vidéos de marque ne sont pas interactives, alors que sur Netlifx, ils peuvent choisir ce que va faire le héros, comme dans l’épisode Bandersnatch de la série Black Mirror. Ils sont sensibles à cette gamification. » Les internautes apprécient aussi d’être challengé sur leurs connaissances. « Pour un véhicule haut de gamme électrique à plus de 100 000 euros, on proposait toute une série de questions comme par exemple “en combien de minutes ce véhicule passe de 0 à 100 km/h ?” », raconte encore Nicolas Sadki.
L'enjeu du marketing conversationnel
Si les gens prennent le temps de participer, c’est parce qu’ils ont envie de connaître la réponse, d’être nourris avec des contenus qui les intéressent vraiment. Pour cela, la marque doit écouter et dialoguer. C’est tout l’enjeu du marketing conversationnel. En guide d’illustration, le cofondateur de BeOp cite une campagne déployée pour Yves Saint Laurent : « offrir un cadeau de Noël n’est jamais aisé. Plutôt que d’abreuver les consommateurs d’informations sur ses produits, la marque a préféré les orienter, en diffusant des questions comme “est-ce que vous cherchez un cadeau pour elle ou pour lui ?”, “quel est votre budget ?”… » Les internautes étaient ensuite dirigés vers un carrousel de produits liés à leurs réponses. « Les contenus conversationnels ont un taux de clics 10 à 70 fois supérieur à celui des formats statiques », analyse-t-il. Ce marketing interactif permet en effet de mesurer avec précision le nombre de réponses envoyées, le temps de lecture… Si l'on peut ainsi générer de l’engagement, l’autre intérêt du marketing conversationnel est de récolter de la donnée, afin de mieux comprendre les usages de consommation.
Sans surprise, ces derniers varient beaucoup en fonction des cibles. « Définir une ou plusieurs cibles et concevoir des contenus de qualité différents pour chacune d’elles, c'est précisément l’objectif du content marketing », rappelle Geoffroy Lahon-Grimaud, directeur marketing chez Enderby. Ce cabinet de conseil en stratégies de marque accompagne par exemple une entreprise sur le segment du recrutement. Et pas question d’avoir les mêmes messages pour tout le monde. « Pour les recruteurs, un ton institutionnel est de rigueur. Les candidats, eux, ont accès à des contenus plus ludiques (jeux concours…). Il s’agit donc de jouer la carte de la personnalisation, et de mesurer ensuite la performance des campagnes pour affiner », poursuit Geoffroy Lahon-Grimaud.
Recherche d'authenticité
Pour créer des contenus, les entreprises disposent souvent de plus de matière qu’elles ne le pensent, même si celle-ci doit être réactualisée. Reste à savoir quels formats choisir pour son contenu de marque. Articles classiques, motion design, vidéos et même podcasts, ce n’est pas tant le support que ce qu’on raconte qui fait la différence. Les contenus trop promotionnels ont tendance à irriter. L'heure est à l’authenticité. « Les gens ont envie de s’arrêter sur un contenu de qualité, sachant qu’ils ont tendance à mettre en doute la parole institutionnelle », explique Delphine Jouenne, cofondatrice d’Enderby.
Pour sortir du lot, Chanel a récemment fait un joli coup avec une publicité pour la montre J12 mettant en scène l’humoriste Camille Cottin. La marque a fait le choix de ne pas diffuser le spot en télé mais uniquement sur les réseaux sociaux. Et si les codes de la maison de luxe sont au rendez-vous (images ultra léchées en noir et blanc, personnages beaux et élégants…), s'y ajoute l’humour. « Les marques doivent offrir aux consommateurs une expérience singulière qui leur ressemble. Pour surprendre, il faut accepter de prendre des risques en dépassant les ambitions à court terme (nombre de likes, chiffre d’affaires…) pour développer une stratégie créative à long terme », confirme Wilfried Klucsar, cofondateur de l'agence Dix Sept Paris. Il est convaincu que les marques doivent développer des contenus sur un temps plus long pour enrichir leur storytelling, apporter du fond et développer la relation avec l'audience : « elles ont un rôle décisif à jouer et un terrain de jeu à exploiter avec des contenus encore plus ambitieux, créatifs, engagés, qui garantissent des interactions sincères et durables avec ceux qui les consomment. »
Trouver le bon équilibre
Installer un discours de marque dans la durée, cela a beaucoup de sens également pour les fondateurs d’Addiction Agency. Cela peut permettre, par exemple, de mieux connaître l’histoire d’une marque, comme a fait l'agence pour Galbani avec une série de vidéos mettant en avant la vraie cuisine italienne authentique, au travers d’un voyage en Italie avec l’humoriste Seb Mellia. Pour Lactel, Addiction Agency a conçu des épisodes pédagogiques expliquant le parcours du lait, de sa collecte à la ferme jusqu’à son embouteillage à la laiterie. « Squeezie, le youtubeur le plus suivi de France, ne réalise jamais de vidéo de moins de 10 minutes. La durée moyenne de ses contenus est de 12 minutes », précise Mathieu Galloux, directeur associé de l'agence.
Reste à trouver le bon équilibre entre « slow content » et « snack content », lequel répond à de vrais usages sur les réseaux sociaux. « Il s’agit de renforcer la visibilité de la marque et divertir les internautes. C’est une tendance forte sur les réseaux sociaux. On note que les utilisateurs de Facebook et Instagram passent cinq fois plus de temps à regarder des contenus vidéo que des images statiques. Par ailleurs, d’après des chiffres Facebook de 2018, 78 % des données mobiles seront des vidéos d'ici 2020 », indique-t-il. D'où l'intérêt pour les marques de communiquer leurs messages aussi via ces formats courts. « Pour Babybel, à l’occasion de la Coupe du Monde de football de 2018, nous avons mis en place une activation digitale qui profitait du temps mort de la mi-temps des matchs pour exposer les internautes à de courtes vidéos rebondissant avec humour sur le scénario en cours des matchs diffusés », raconte encore Mathieu Galloux. À retenir aussi de cet exemple : le timing est déterminant.
Le B to B aussi dans le bain du contenu de marque
Si l’on peut parfois penser que le content marketing est plus facile à déployer en B to C qu’en B to B, c’est une idée reçue. « Le B to B est un terrain de jeu sur lequel le marketing de contenu peut exprimer toute sa puissance, à condition de ne pas confondre contenu et communication, entendue comme la caisse de résonance promotionnelle d’une valeur créée par ailleurs », analyse Matthieu Lebeau, directeur de l’offre B to B au sein de l'agence Angie. Selon lui, « destinées à des cibles singulièrement exigeantes – les décideurs business –, les stratégies de contenu B to B doivent délivrer aux prospects et clients un service (inspiration, conseil, veille…) tout aussi précieux et unique que ceux qu’ils achètent eux-mêmes. »