Social media
La tendance est-elle à l’internalisation ou à l’externalisation de l'influence marketing chez les annonceurs ? Si la majorité applique encore un modèle hybride, certaines marques plus matures ont commencé à constituer une équipe interne, entièrement consacrée à ce mode de communication. En ligne de mire, la volonté de soigner sa « marque-influenceur ».

« Dans la majorité des cas, c’est une société B to B qui met en relation une marque avec un influenceur, pour du placement de produits essentiellement. Une collaboration one shot... et c’est fini », déplore Nathan Frey, fondateur de la start-up Influbook. Du reste, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Ces trois dernières années, quelque 200 agences spécialisées dans le marketing d'influence ont vu le jour en France. Et en 2018, plus de deux tiers des partenariats ont été opérés via des prestataires, selon Delphine Derache, influence strategist chez Fabernovel : « L’avantage c’est que les agences expertes ont déjà fait le travail d’identification des talents, mais surtout, à l’heure des faux influenceurs, de leur authentification, qui est excessivement chronophage, notamment dans la gestion de micro-influenceurs. Elles ont aussi fait le tri dans l'offre pléthorique de start-up et d'outils technologiques ».

Modèle hybride

Historiquement, les marques travaillaient avec des agences externes, qui géraient plus globalement les relations presse, dans une logique tournée vers l’événementiel. Le sujet a ensuite été internalisé, dans la mesure où l’influence consistait en des placements de produits assez simple à réaliser. Puis, un mouvement inverse voit désormais les annonceurs se rapprocher de nouveau d’acteurs intermédiaires pour aller plus loin dans leur stratégie social media. « Nous avons des relations directes avec tous les influenceurs familiers de la marque (quelle que soit la taille de leur communauté) qui nous sollicitent régulièrement pour des prêts de véhicules à titre personnel, pour des essais personnalisés, pour du placement de produits dans leurs productions. Cependant, dès qu’il y a une notion de rémunération, nous demandons toujours à notre agence conseil de cadrer le partenariat dès la phase de négociation jusqu’à l’analyse des performances », rapporte Coralie Musy, directrice marketing de Nissan pour l’Europe de l’Ouest.

De même, le groupe multinational de parfums et cosmétiques Coty compte en France un département dédié à l’influence marketing de cinq personnes en interne, « ce qui n’empêche pas de faire appel à des agences en fonction des opérations et des marques. Il s’agit d’un modèle hybride entre l’interne et l’externe, signale Julien Wintenberger, porte-parole du groupe de Coty en France. Notre enjeu, c’est de casser les silos et faire dialoguer les différentes équipes ensemble (RP, médias, marketing, e-commerce…) pour offrir une expérience consommateur la plus linéaire possible. »

En 2018, 70 % des entreprises avaient un budget voué au marketing d’influence. Les contenus sponsorisés sur Instagram ont augmenté de 150 % en seulement une année, selon Socialbakers. De fait, cette croissance provoque une réorganisation au sein des entreprises. Depuis deux ans environ, le titre d’« influence strategist » ou « specialist » explose chez les annonceurs. « Ce métier émergent intervient comme le lien entre les différents services concernés au sein de l’entreprise et les prestataires extérieurs. C’est le chef d’orchestre de l’influence, le gardien de la cohérence. Il a une vision globale et une vraie connaissance de la marque », détaille Delphine Derache.

Un levier « tofu »

Pourtant, très récemment, certaines marques choisissent de ré-internaliser à 100% cette activité. C'est le cas de Jennyfer « Dans la mesure où pour toucher notre cible, les 16-21 ans, le social media est notre premier moyen de communication, il est inenvisageable d’externaliser la relation entre Jennyfer et les influenceurs, révèle Chloé Ortiz, directrice de la communication de l'enseigne française de prêt-à-porter féminin. Pour nous, cela reviendrait à externaliser le pôle communication ». Une stratégie rare. En associant les influenceurs dès l’élaboration du concept créatif, en les considérant comme un fil rouge cross-média, la marque montre qu’elle est mature et avancée sur le sujet. « Trop souvent, les influenceurs sont la dernière roue du carrosse, noyés à la toute fin d’une campagne. L’idée c’est de vraiment les intégrer au coeur de la communication mais aussi du produit », martèle la dircom. 

Pour Delphine Derache de Fabernovel, « l’influence est un levier “tofu” (top of the funnel), au même titre que l’affichage, le display ou la vidéo, qui se situe au tout début du parcours d’achat consommateur. Il doit irriguer les différentes strates du plan média ». Le créateur de contenu peut même être impliqué avantageusement dans une partie R&D, dans la cocréation d’un produit ou d’une collection capsule... « On a arrêté de travailler avec des mannequins, on ne travaille plus qu’avec des personnalités qui changent. Le contenu prévu pour les réseaux sociaux est utilisé sur notre site de vente en ligne, en vitrine, en magasins. Certains influenceurs sont même salariés pour prendre les rênes de notre chaîne YouTube ou comme directeurs artistiques… », précise Chloé Ortiz.

La « marque-influenceur »

Une telle internalisation permet de vraiment bien connaître les influenceurs, de nouer avec eux une relation privilégiée, proximale, et donc de mieux transmettre les valeurs de la marque. « Même quand on externalise l’influence, pour avoir une stratégie pérenne sur le long terme, il faut que l’annonceur puisse d’une façon ou d’une autre parler en one-to-one avec l’influenceur. Il doit se sentir partie prenante du projet car il engage son image », assure Frédérique Goubert, directrice outreach et influence chez iProspect.

Un nouveau concept serait en train d'émerger que nous pourrions appeler « la marque-influenceur ». De la même manière qu’une entreprise soigne sa marque-employeur, qui consiste à valoriser son image auprès de potentiels futurs collaborateurs, les annonceurs doivent désormais travailler leur marque-influenceur. « Neuf marques sur dix ont recours à des influenceurs. Dans ce phénomène massif, ce sont les marques qui communiquent le mieux auprès d’eux qui sortiront gagnantes, recommande Dorian Ciavarella, PDG et cofondateur d’Hivency, plateforme automatisée de mise en relation entre marques et micro-influenceurs. La tendance est de travailler sur l'authenticité et la fidélisation des talents. » Aujourd’hui, les influenceurs, sur-sollicités, choisissent des projets en fonction de leur ligne éditoriale, et s’attachent aux idées et aux valeurs qui les touchent. L’heure n’est plus à leur utilisation comme des panneaux publicitaires. Ces passionnés qui s’expriment sur les réseaux sociaux doivent être considérés pour leur potentiel et leurs compétences en création de contenus à forte valeur ajoutée.

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