Les modes de consommation changent, c'est une évidence. « Réchauffement climatique, vieillissement de la population, hausse du nombre de célibataires et de couples sans enfant, transition numérique avec la montée des plateformes comme Alibaba et Amazon… Les marques et les distributeurs doivent revoir leur modèle », a détaillé Serge Papin, ex-PDG de Système U, aujourd’hui consultant, en ouverture de la conférence « La consommation change, et vous ? », organisée par Stratégies le 7 février en partenariat avec Food Brand Trust et Happydemics. Les marques sont désormais choisies pour les valeurs qu’elles incarnent, un constat confirmé par Sandrine Blanchemanche, directrice du pôle Alimentation saine, sûre et durable de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) : « Les consommateurs sont en quête de sens, ils cherchent des informations sur la traçabilité des ingrédients, les processus de transformation. » C’est dans ce contexte que l’Ania prépare un catalogue numérique des aliments, à partir des données de 17 000 entreprises françaises.
Des reportages qui ont changé la donne
De leur côté, les distributeurs deviennent des sociétés de service, en s’adaptant aux besoins de leur zone de chalandise. Dans un des supermarchés pilotes de Franprix à Paris par exemple, le rayon lessive propose non seulement les marques traditionnelles et leurs alternatives bio, mais aussi les ingrédients permettant de fabriquer sa propre lessive. Pour François-Xavier Germain, directeur marketing de l’enseigne, les reportages de l'émission Cash Investigation ou les vidéos de l'association L214 ont changé la donne : « On voit des consommateurs devenir végétariens du jour au lendemain. Et les applications comme Yuka ne sont pas réservées aux millennials, les retraités les utilisent aussi. »
Tous hipsters
« La baisse de la consommation de viande n’est plus un “truc de hipster” », confirme Luc Wise, fondateur de l’agence The Good Company. L’ancienne catégorie des alterconsommateurs est devenue un fait de société attesté par le succès des applications mobiles de décryptage des étiquettes, comme Yuka ou QuelCosmetic, de l'UFC-Que choisir. « Ces outils qui libèrent le consommateur peuvent aussi contribuer à la propagation de fake news, a martelé Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la Febea (Fédération des entreprises de la beauté). L’industrie cosmétique n’a pas vécu de crise sanitaire depuis 1973 et le talc Morhange. »
« Aujourd’hui, les marques font du “consowashing”, a répliqué Cédric Musso, directeur de l’action politique de l'UFC-Que choisir. Quand les consommateurs se rassemblent, ils obtiennent des offres plus vertueuses et moins chères. » Les marques ne sont pas exemptes de contradiction, à l’instar de Dove, prise entre son discours sur l’estime de soi et la réalité de l’exploitation de l’huile de palme, a pointé Gildas Bonnel, président de l’agence Sidièse. Mais après tout, les citoyens-consommateurs ne sont pas irréprochables non plus. L’essentiel est d’accompagner le changement en bonne intelligence.