« Citroën, c’est deux chevrons et trois hommes : André Citroën, Jacques Séguéla et Sébastien Loeb. Le premier l’a fondée. Le deuxième l’a sublimée. Le troisième l’a fait gagner. » Voilà comment Arnaud Belloni, l’énergique directeur marketing et communication résume l’histoire de la marque. Tout commence en 1915, en pleine guerre, quand l’arrière-petit-fils d’un vendeur de citrons hollandais dessine les premiers traits de la Type A. C’est « la première voiture française construite en grande série », promet l’affiche. Coup de bluff ! L’usine d’assemblage elle-même n’est pas encore finie. Mais la demande est grande et fait vite de Citroën le deuxième constructeur mondial. Alors que tout est à créer, André Citroën ne manque jamais d’imagination en matière de communication. En 1925, il crée le Bulletin Citroën, informant les 5 000 revendeurs des actualités et des méthodes de vente. Chaque mois, Citroën s’offre la quatrième de couverture des plus grands journaux, et finit par créer le sien, Le Citroën. Tirage : 15 millions d’exemplaires… En 1922 alors que se tient le 7e salon de l’automobile, Citroën crève l’écran en inscrivant son nom dans le ciel parisien avec un avion. La même année, le fabricant fait traverser le Sahara à ses autochenilles. Une « croisière noire » que la direction actuelle préfère qualifier de « happening ». Mais le coup le plus fou d’André Citroën est probablement d’avoir affiché sa marque sur la Tour Eiffel. Un affichage lumineux de 30 mètres de haut, nécessitant 250 000 ampoules et 600 km de câbles, qui restera sur l’édifice de 1925 à… 1934 ! « C’est cet éclairage qui guide Charles Lindbergh durant les derniers instants de sa traversée de l’Atlantique » explique-t-on. « Si Citroën avait fabriqué des fusées il aurait envoyé une voiture dans l’espace comme Elon Musk l’a fait avec Tesla », compare Arnaud Belloni. Marchandising dès 1923 avec 30 000 jouets produits, premier showroom avec le mythique garage Marbeuf dès 1929 et même coup de com avec le record mondial de distance (300 000 km) parcouru par la « Petite Rosalie », André Citroën est prolifique.
Chevrons sauvages
En 1935, le patron visionnaire décède. Il laisse la place à Robert Delpire, éditeur et publicitaire, qui travaille sur les brochures de la 2CV et de la DS (avec Robert Doisneau en 1957). En 1976, son agence est rachetée par RSCG et une nouvelle ère s’ouvre. C’est l’ère de Jacques Séguéla. En 1980, il redessine les contours de la marque avec les affiches « En avant Citroën » puis « l’apothéose » en 1985 et le film institutionnel de Richard Raynal, Les Chevrons sauvages. « C’est le premier film complètement conceptuel, qui ne vendait pas des voitures, mais la marque. Il faut rappeler qu’à cette époque, on avait surtout des réclames, comme pour la Mère Denis », souligne Stéphane Xiberras, directeur de la création et président de BETC, qui avoue avoir voulu se lancer dans la pub en partie grâce à cette campagne. En 1988, le même Jacques Séguéla va un cran plus loin en balançant une Visa GTI depuis le porte-avions Clémenceau ! Pour obtenir l’autorisation, le publicitaire ne passe pas par quatre chemins : il appelle directement le président Mitterrand. Le lendemain, la Visa est prête à décoller. « C’était la grande période de la pub spectacle et de la star stratégie de Séguéla. Il disait aux clients : je vais faire de ta marque une star », rappelle Stéphane Xiberras. C’est ainsi qu’en 1998, RSCG lance le mannequin Claudia Schiffer dans un mur, à bord d’une Xsara. « La légende dit qu’elle était à bord durant le crash-test », sourit le communicant. La chanteuse Grace Jones pour la BX, le sprinteur Carl Lewis pour la Xantia… la starification bat son plein. Mais pendant ce temps, l’image de marque prend un coup de vieux.
Oui are French
En 2004, Citroën dépoussière son design et sa communication. Euro RSCG dégaine trois films présentant une C4 Transformer, dansant sur de la de musique électro. La même année, Sébastien Loeb devient le premier français champion du monde des rallyes à bord d’une voiture française : une Citroën Xsara WRC. À partir de cette année, l’Alsacien enfile les titres mondiaux (neuf) comme des perles, de même que la marque, sacrée huit fois. La création de DS en 2009 continue de moderniser l’image de marque. Mais quand elle s’émancipe en 2014, elle emmène avec elle ce capital, causant du tort à Citroën, fragilisée par trop de messages sur les prix. Un positionnement qu’Arnaud Belloni retravaille depuis son arrivée fin 2015. « Mon combat n’est pas de rajeunir la marque car les clients ont plus de 55 ans. Comme la French Tech, je veux aider à réhabiliter l’image de la France, c’est pourquoi je lance le label Oui are French », annonce le directeur marketing. Son obsession est de redorer les chevrons pour que les clients viennent en concessions parce qu’ils « aiment la marque ».
Les agences de Citroën
1975 : Delpire Advico
1976 : RSCG
1994 : Euro RSCG
2005 : Leg
2006 : Scher Lafarge
2008 : H
2014 : Les Gaulois
2017 : Traction