Sortant d'un long silence, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, s'est enfin dit « désolé » et a reconnu des « erreurs » après des jours de polémique autour de l'utilisation indue de données personnelles de millions d'utilisateurs par la firme britannique Cambridge Analytica. « Cela a constitué un abus de confiance très important et je suis vraiment désolé de ce qui s'est passé. Notre responsabilité est de faire en sorte que cela ne se reproduise pas », a déclaré le responsable dans une interview mercredi soir sur la chaîne CNN, formulant enfin des excuses très attendues. Mark Zuckerberg a également indiqué qu'il « serait heureux » de venir témoigner devant le Congrès américain.
Alors même que le scandale devenait retentissant, M. Zuckerberg était pourtant resté silencieux ces derniers jours avant de rompre son silence plus tôt mercredi via une publication sur sa page Facebook. Il y reconnaissait « des erreurs » et sa « responsabilité dans ce qui se passe », mais sans s'excuser. Sa numéro deux Sheryl Sandberg, a quant à elle exprimé des « regrets » peu après. M. Zuckerberg a aussi promis de limiter l'accès aux données personnelles par les applications tierces --comme celle qui est mise en cause dans le scandale qui éclabousse le réseau social-- et de les passer au peigne fin. Il a également promis d'informer tous les utilisateurs dont les données auraient pu être utilisées sans leur consentement.
Facebook est dans la tourmente depuis que Cambridge Analytica (CA) est accusée d'avoir récupéré à leur insu les données de 50 millions d'utilisateurs pour élaborer un logiciel permettant de prédire et d'influencer le vote des électeurs, afin de peser dans la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016. CA aurait profité d'une application tierce, « Thisisyourdigitallife », développée par le chercheur russe Alexandre Kogan, pour récupérer ces données, exploitant, selon un ancien cadre de Facebook, une faille dont le réseau social était au courant. « Quand les données quittaient les serveurs de Facebook, ils perdaient la connaissance et le contrôle de ce qui était fait avec ces données », a affirmé un ancien responsable d'exploitation de Facebook, Sandy Parakilas, devant une commission parlementaire britannique. Selon lui: « Facebook était au courant de ce qui se passait et n'a prévenu personne ». Facebook indique pour sa part avoir appris en 2015 que M. Kogan avait fourni ces données à CA et que le chercheur lui avait certifié alors que les données avaient été effacées, ce qui s'est révélé faux.
#deletefacebook
Max Schrems, un militant autrichien pour la protection des données, a affirmé que Facebook était au courant dès 2011 des problèmes liées aux applications tierces. Il dit avoir eu en 2012 une réunion avec des représentants du géant américain pour évoquer les inquiétudes suscitées par l'utilisation d'applications tierces, mais que ces derniers avaient assuré n'y voir aucun problème. L'affaire pourrait coûter gros au roi des réseaux sociaux: des cabinets d'avocats américains ont annoncé mercredi avoir déposé des plaintes et recours en nom collectif (class action) au nom de citoyens et d'actionnaires, et Facebook affrontait une campagne d'appels à se désabonner (#deletefacebook). L'action Facebook, qui avait chuté lundi et mardi, a stoppé sa baisse néanmoins à la Bourse de New York mercredi. Mis en cause dans le scandale, le développeur de « Thisisyourdigitallife », Alexandre Kogan, s'est défendu mercredi d'avoir agi illégalement, accusant CA et Facebook de vouloir se défausser sur lui.
« Cambridge Analytica nous a assurés que tout était parfaitement légal et en conformité avec les conditions d'utilisation » de Facebook, a dit à la BBC cet enseignant en psychologie à l'université de Cambridge. Mark Zuckerberg a été prié de venir s'expliquer devant des députés britanniques qui lui ont donné jusqu'à lundi pour répondre. Le jeune milliardaire américain a également été invité à s'exprimer devant le Parlement européen qui va « enquêter pleinement » sur cette affaire. Aux Etats-Unis, les procureurs de New York et du Massachusetts, imités par le régulateur américain du commerce (FTC), ont lancé une enquête.
Soupçons inquiétants
Filiale de la société britannique de marketing Strategic Communication Laboratories (SCL) basée à Londres, CA est réputée proche du Parti conservateur britannique. Fondée notamment par Steve Bannon, ex-proche conseiller de Donald Trump, elle dispose de bureaux à Washington, New York et Londres. La Première ministre, Theresa May, a jugé « très inquiétants » les soupçons qui pèsent sur CA. CA avait annoncé mardi la suspension de son patron Alexander Nix à la suite de « commentaires » de ce dernier enregistrés par la chaîne Channel 4 News, ainsi que d'autres « allégations » formulées à son encontre, qui « ne représentent pas les valeurs » de la société. Les commentaires en question sont issus d'une enquête diffusée lundi et mardi par la chaîne britannique, où Nix apparaît en caméra cachée. Les derniers éléments le montrent se vantant du rôle joué par son entreprise aux Etats-Unis dans la campagne Trump en 2016. Recherche, analyse, « on a dirigé sa campagne numérique », assure-t-il.