Coup sur coup, les deux groupes internationaux Procter & Gamble [P&G] et Unilever ont eu des sorties très remarquées dans le monde du numérique. Tout a commencé par l’américain P&G, qui, suite à un rapport de la société de consulting L2 paru dans AdAge, indiquait se retirer progressivement du programmatique, alors même qu’elle fut l'une des premières grosses multinationales à l’embrasser affectueusement.
P&G avait bâti son propre système d’achat média automatisé en 2009, bien avant que le mot de « programmatique » n’apparaisse sur toutes les lèvres dans le marketing. « P&G est très réputé sur l’efficacité de ses campagnes. C’est une entreprise à la culture très ROIste, estime Mohamed Laaouissi, DG France de la société spécialisée en certification de mesure Meetrics. Et là, ils tentent de nettoyer ce qui est inefficace ou frauduleux. »
Résultat, selon L2, le géant de la grande conso se rapproche du consommateur, en aval du parcours client, et préfère investir sur une meilleure stratégie en moteurs de recherche ou directement sur les sites e-commerce, comme Amazon. Si à la suite du rapport, un porte-parole a insisté sur l’importance du programmatique dans le marketing de P&G, Marc Pritchard, le directeur des marques, a concédé que de miser sur l’inventaire de la « long tail » - des sites avec moins d’audiences mais à bas coût – était une stratégie vouée à l’échec.
Menace sur les géants du web
Quelques jours plus tard, c’est au tour d’Unilever de jeter son pavé dans la mare, par la voix de son directeur marketing Keith Weed, dans un discours qui devait être prononcé lors d’une conférence en Californie. Le directeur marketing menace les géants du net de retirer ses publicités s’il ne s’engage pas contre les fake news. Mais, fin comme un communicant, il s’ouvre une voie de sortie en proposant de travailler avec eux pour lutter contre ce fléau… « Pour Unilever, il s’agit davantage d’un coup de com, mais cela correspond à l’image de marque sociétale que le groupe se construit depuis longtemps. Ils veulent se positionner en relevant un vrai problème de société », continue Mohamed Laaouissi. Pour Yann Le Roux, DG d’Integral Ad Science, cela traduit que « les annonceurs continuent de mettre la pression sur les géants du net. Fraude, brand safety, transparence… Ce sont des sujets de long terme qui demandent beaucoup de temps et une mobilisation permanente pour bien les améliorer.»S’il y avait déjà eu des sorties l’année dernière de la part de la World Federation of Advertisers, qui avait forcé les géants à travailler sur ces sujets, il faut mobiliser en permanence.En effet, derrière la façade, les choses changent tout de même. « Le côté médiatique accentue le côté évenementiel du travail. Mais en réalité, les choses se font et avancent de manière continue », poursuit Yann Le Roux. Facebook depuis un an, s’est ouvert à des sociétés tierces de contrôle et a revu la plupart de ses indicateurs de mesure. Google, lui, avec YouTube, a revu les critères de monétisation pour éviter de diffuser des publicités sur des vidéos… discutables. Et même la certification du Media Rating Council est attendue pour l’année en cours. Comme quoi, la pression médiatique, ça marche !