La marque et son agence BETC Paris remportent le Grand Prix Stratégies/Amaury Médias du luxe 2014 pour le film «Le Grand Saut », qui installe la nouvelle signature de la marque «Life is a beautiful sport»

C'est vertigineux. Périlleux. Impérieux. Comme ce désir pour un homme d'embrasser la femme qu'il aime, qui ne le sait pas encore et dont il ignore ce que sera sa réaction. Il faut se dire qu'on ne peut plus reculer, guetter son regard, hésiter et se lancer... Alors, dans la tête de cet amoureux se jouent le stress, la tension et puis cette course éperdue vers ce grand saut absolu dans le vide, dans la vie... Une chute du haut d'un gratte-ciel à corps perdu, désarticulé, que seule une main qui se tend peut arrêter et transformer en ronde aérienne.

 

«Le Grand Saut», voilà ce que montre et raconte ce tout premier film de marque pour Lacoste, signé BETC Paris et réalisé par Seb Edwards (Wanda): les émotions brutes d'un homme (l'acteur Paul Hamy) à la table d'un bistrot au moment où il va oser se pencher vers le visage et les lèvres de cette jeune femme (Anna Brewster) qu'il aime, aussi émue que lui. Un spot qui livre la plus juste expression publicitaire de la nouvelle signature de Lacoste, «Life is a beautiful sport», inaugurée par une campagne print au début de l'année, et qui installe une image et un esprit de marque.

 

Une histoire dans l'histoire

 

Les jurés du grand prix Stratégies/Amaury Médias du luxe 2014 ont été sensibles à ce film qui «permet à Lacoste de s'inscrire dans un récit de marque» et lui ont décerné la plus haute récompense, saluant «sa cohérence avec le repositionnement luxe premium de Lacoste» et «sa forte charge émotionnelle» en phase avec le public visé. La bande son a fortement contribué au succès du film: un remix réalisé par Flume (alias Harley Streten) de You & Me, chanté par Eliza Doolitle, du duo londonien Disclosure.

 

«Ce film parle d'engagement, souligne Bertille Toledano, coprésidente de BETC Paris. On renoue avec les valeurs du sport, mais dans la vie et avec élégance, ce qui est exactement l'évolution de la marque et son ADN.»«L'enjeu était de trouver un concept, une vision, une signature fondés sur des fondamentaux de la marque qui révèle son histoire», explique Antoine Choque, directeur de création, qui confie s'inspirer toujours du conseil de David Ogilvy: «Dites la vérité et rendez-la intéressante!»

 

Et le créatif d'ajouter: «Lacoste est une marque née du sport, qui s'inscrit aujourd'hui dans la mode et le sport, à une époque où ces deux univers cohabitent particulièrement bien, la mode étant aujourd'hui ce mélange d'élégance et de décontraction. C'est une marque urbaine, car la vie est un terrain de jeu et tous les jours nos vies sont des défis à relever. Mais, attention, ce n'est pas une marque fashion sport. Paul Amy, qui incarne l'homme Lacoste, n'est pas mannequin. Seul un acteur pouvait ainsi exprimer la virilité et la sensibilité d'un homme dans sa vérité.»

 

Comme le dit Berta de Pablos-Barbier, vice-présidente du marketing stratégique de Lacoste: «La marque est revenue à son ADN. Ce n'est pas un repositionnement mais un recentrage.» Il y a en effet une histoire dans l'histoire. Celle de la marque Lacoste, rachetée en novembre 2012 par le groupe suisse Maus Frères, qui en possédait déjà 35% via sa filiale Devanlay, détentrice de la licence textile et maroquinerie, avant d'acquérir les parts de la famille du joueur de tennis René Lacoste, créateur de la marque en 1933.

 

Remise à plat

 

Avec un seul propriétaire, la marque va pouvoir bénéficier d'un «pilotage unique et cohérent», confiait à l'époque son nouveau directeur général, Jose Luis Duran, ancien PDG de Carrefour, et directeur général de Devanlay depuis 2009. Il repose, alors, la question de la plateforme de marque, qui sera la mission de deux femmes: du côté de la marque, Berta de Pablos-Barbier, arrivée en septembre 2012, transfuge de Boucheron; et du côté de l'agence, Bertille Toledano, vice-présidente en charge des stratégies de CLM BBDO, débauchée par BETC Paris en juin 2012 et promue cette année coprésidente de l'agence aux côtés de Stéphane Xiberras.

 

Il faut aussi raconter cette histoire assez exemplaire entre une marque et son agence. BETC travaille depuis près de dix ans pour Lacoste et a su remettre tout à plat pour être capable de s'inscrire en totale rupture avec la précédente campagne et signature, «Unconventional chic», signées BETC Luxe, en phase avec le positionnement marketing de l'époque. «En 2010, la marque a décidé de prendre un virage très fashion féminine, raconte Bertille Toledano. Mais, outre la concurrence et le coût des défilés, il y avait un décalage entre l'image de la marque vendue par la publicité et sa réalité, car Lacoste n'est pas une enseigne de mode et vend surtout des polos de toutes les couleurs.»

 

«Avec Marianne Hurstel, au planning de BETC, on a repris toutes les études: Lacoste, c'est du casual wear, une ligne claire pas ostentatoire, d'abord pour les hommes actifs, sur lesquels il y a un fort potentiel à développer tout un vestiaire car le marché existe», poursuit la publicitaire. Avec comme concurrents Hugo Boss, Tommy Hilfiger, Burberrys, De Fursac, Ralph Lauren... Certes, la mode féminine n'était pas le bon positionnement, mais la création de valeur d'une image chic a contribué à faire décrocher Lacoste des Adidas et Nike. «Aujourd'hui, avec ce film, en termes de notoriété spontanée d'identité de marque et de désirabilité, Lacoste est leader et en “petite” croissance en 2014, dans un marché en déclin», confie Berta de Pablos-Barbier.

 

 

Entretien

«Lacoste renoue avec son ADN»

Berta de Pablos-Barbier, vice-présidente du marketing stratégique de Lacoste, revient sur la nouvelle plateforme de marque.
 
Pourquoi avoir tourné le dos à la précédente signature «Unconventional chic», qui ciblait surtout les femmes avec une campagne montrant des mannequins en polos Lacoste et robe à strass?
Berta de Pablos-Barbier. Tout simplement parce qu’il y a la vérité des ventes, qui ne sont pas au rendez-vous, et un désintérêt des femmes, qui n’ont pas adhéré à ce positionnement.

Comment est née la nouvelle signature «Life is a beautiful sport». Est-ce un repositionnement?
B. de D.-B. Non, c’est un recentrage plutôt qu’un repositionnement. Lacoste renoue avec son ADN. Les études consommateurs ont montré que Lacoste n’est pas une marque fashion. Et les études de fond de la marque ont rappelé que Lacoste est une marque de style inspirée du sport, et du tennis originel, ce qui veut dire élégance et liberté de mouvement, avec une vision du monde positive et optimiste. Au début, «Life is a beautiful sport» était la promesse de marque et s’est vite imposée comme la signature. En découlent de nouveaux produits et des défilés de notre styliste Felipe Oliveira Baptista inspirés de l’univers du tennis, du golf et du nautisme. Un nouveau concept de boutique renoue également avec le sport, affichant des raquettes sur les murs, des balles de tennis décorées. Un consumer magazine, «Playground», est proposé dans les points de vente et en ligne, comprenant des reportages sur des personnalités urbaines, des tendances, etc.
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Le «Grand Saut» sorti en février 2014 fait penser au spot «Odyssée» de Levi’s, réalisé par Jonathan Glazer en 2002, où un couple court et traverse les murs sur la Sarabande d’Haendel pour finir par s’élancer vers la lune...
B. de D.-B. Il y a cette même émotion, mais chez Levi’s elle est guerrière. Du côté de Lacoste, elle est poétique, car il s’agit d’un grand saut amoureux.

Quel bilan tirez-vous de ce premier film de marque pour Lacoste?
B. de D.-B. La marque a évolué de façon positive sur les items «me fait rêver», «optimiste».  Le taux d’attribution du film «Le Grand Saut» à Lacoste est de 80%, le taux de rappel de 90%. Et dans un marché en déclin, la marque est en petite croissance en 2014. Quant à la musique, le succès est tel que Disclosure, qui a réédité la chanson, nous a demandé l’autorisation d’écrire sur la pochette du CD, «avec la musique de la pub Lacoste».

Comment  gère-t-on un Grand Prix du luxe pour une marque qui se dit «casual wear»?  
B. de D.-B. D’abord, on ne refuse jamais un beau cadeau. Plus sérieusement, Lacoste, ce sont des produits premium avec des éléments du luxe dans la marque: un savoir-faire dans la fabrication et une qualité des produits, comme le coton piqué inventé par René Lacoste; une dimension patrimoniale, la marque a quatre-vingts ans, avec un héritage de valeurs et d’innovations. Enfin, Lacoste est membre du Comité Colbert, qui se consacre à la promotion de l'industrie française du luxe en France et à l'étranger.


Entretien: Cathy Leitus
 

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