D'un shooting photo Levi's au tournage d'un spot Nissan Qashqai, plus une campagne de publicité n'est diffusée sans son making of. À tel point que, de plus en plus, ce sont les créatifs aux manettes de la campagne qui supervisent également le tournage du making of. Si la cadence de production s'est accélérée en 2010, ce bonus publicitaire n'est pourtant pas si jeune. «Les agences font des making of depuis longtemps déjà. Mais, jusque-là, ils n'étaient utilisés par les marques que pour la communication interne et les relations presse», rappelle Guillaume Cossou, directeur des partenariats chez DDB. Et surtout, il n'était pas facturé par l'agence de publicité à son client, considéré comme un plus produit allant de pair avec la campagne.
Mais, peu à peu, le making of s'est hissé sur le devant de la scène. En 2005, avec «Behind the Scenes» diffusé à l'occasion de la campagne de publicité «Balls» réalisée par l'agence Fallon, Sony frappe un grand coup. Les coulisses de l'effet spectaculaire des 250 000 balles multicolores dévalant les rues de San Francisco passionnent le grand public. Autre accélérateur: les plates-formes de vidéos sur Internet (You Tube ou Vimeo) et les réseaux sociaux comme Facebook. Depuis leur apparition, les marques ont, de fait, des lieux de diffusion publique tout trouvés.
Mais cette «publicité dans la publicité» a presque grandi trop vite et sa diffusion publique pose désormais des questions de droits à l'image. Ainsi, celui réalisé par DDB Paris pour Lipton Ice Tea avec Hugh Jackman n'a pu être diffusé ailleurs que sur le site de l'annonceur. Et ce, en raison des droits à l'image non négociables de l'acteur australien. Une frustration que les agences espèrent combler en négociant plus en amont ces questions juridiques. Une étape incontournable, car ces productions «bonus» ne risquent pas de faiblir. «En effet, le making of répond pleinement à l'orientation "entertainment" prise par la publicité», estime Guillaume Cossou. D'ailleurs, il n'est pas seulement réservé aux films bardés d'effets spéciaux. «Dans un spot-comédie comme celui de Cetelem, il peut s'avérer très intéressant pour montrer les scènes de tournage écartées au montage», souligne Maxime Boiron, chef de la production TV au sein de l'agence TBWA Paris.
Faire la pub de la pub
Dans ce contexte, pourquoi cantonner l'exploitation aux seuls espaces numériques? Chez TBWA Paris, le making of réalisé pour le spot «Artistic Paintball» de Nissan Qashqai a ainsi été diffusé à la télévision italienne. Et Orange a diffusé début novembre à la télévision le spot de sa nouvelle campagne et son making of dans un même écran publicitaire. «Cela a autant servi de communication externe qu'interne, comme une forme de remerciement aux salariés participants», rapportent les deux directeurs de création de Publicis Conseil, Fabrice Delacourt et Olivier Desmettre.
Pour Fabrice Brovelli, directeur général de BETC Euro RSCG, «produire un making of à la gloire de telle ou telle marque, cela n'a plus grand sens aujourd'hui. C'est l'histoire d'un tournage qu'il faut d'abord raconter et montrer le côté fragile des choses.» Toutefois, aucune chaîne française n'a voulu diffuser le making of réalisé sur les «Roller Babies» d'Evian (Havas Productions), considérant encore ce documentaire de 52 minutes comme de la publicité déguisée…