Data
Pour travailler plus efficacement, sans avoir à trop investir, les entreprises nouent de plus en plus de partenariats d’échange sur la data. Un axe stratégique en pleine maturation.

Ce n’est donc jamais fini ! Après avoir réussi à débloquer des budgets pour se mettre à niveau, à investir dans les outils, la matière grise, se pose désormais la question des partenariats. « C’est la problématique du moment », explique Didier Farge, fondateur de Conexance, société spécialisée sur la connaissance client. L’axe de réflexion stratégique se focalise sur les mois à venir. Avec quelle entreprise s’associer en matière de données pour être plus fort ? Exit les rachats, la diversification horizontale, l’heure est aux associations.
Déjà plusieurs gros partenariats ont vu le jour. En mars dernier, IBM, via sa filiale d’intelligence artificielle Watson, a annoncé une association stratégique avec le géant de la relation client Salesforce, pour sa filiale Einstein. Une association entre deux géants. Le but est de créer une solution commune. Concrètement, les données clients de Salesforce, sur lesquelles travaille Einstein, s’ajouteront à celles d’IBM (météorologie, santé, services financiers, vente de détail) et Salesforce profitera des avancées de Watson en IA, reconnue mondialement comme une des meilleures à l’heure actuelle.
Ces types de partenariat sont d’ordre technologique. « Des associations se nouent entre des entreprises complémentaires, dont les offres ne se chevauchent que très peu, et qui ne se font pas face de manière frontale sur le marché », explique Hugo Loriot, directeur des technologies média pour la société spécialisée en datamarketing Fifty-Five. « En travaillant ensemble, on va venir compléter la chaîne de valeur sans avoir à investir trop massivement », continue le spécialiste. IBM a beaucoup investi dans sa solution d’intelligence artificielle, et depuis longtemps. Se mettre à niveau est un défi considérable pour certains géants qui ont préféré investir ailleurs. « Le but est de prendre le meilleur de deux mondes » argue Olivier Nguyen Van Tan, directeur marketing Europe du Sud chez Salesforce. « Par exemple, en matière de données, l’expérience d’IBM dans les data sur le retail et la finance vient combler le nôtre en matière de données de vente, de marketing et de service client. » On permet donc à deux acteurs d’étendre leur territoire de connaissance. On peut, de même, citer le partenariat géant entre Adobe et Microsoft, dont le CRM de l’un va pouvoir se rapprocher de l’intelligence logicielle de l’autre. 
Ces partenariats sur la data se font de plus en plus. Conexance en a fait le cœur même de son business model, en agrégeant les données de bon nombre d’annonceurs, pour les aider à mieux connaître et cibler leurs clients. Idem pour LiveRamp, la solution d’Acxiom lancée il y a un an, dont le but est de fédérer une base commune entre différents acteurs. Chacun livre de sa donnée, participe à une sorte de « pot commun » qui permet à tous de profiter d’une meilleure connaissance client. L’effet est démultiplié, et non pas ajouté, permettant aux modèles d’être bien plus précis. Mais à des partenariats « collectifs » comme ceux-là, certains préfèrent encore choisir un partenaire avec qui il va nouer une relation privilégiée. 2017 sera l’année de la second party data ! « Ce système est plus intuitif et permet de mieux sécuriser les échanges », estime Hugo Loriot. Et il s’avère en outre plus fin. 
« Une entreprise peut ainsi aller chercher des données qu’elle n’a pas », explique Didier Farge. « Pour un modèle efficace, il faut combiner des données sociales (socio-démographiques), des données comportementales anonymes, récoltées en ligne, et des données transactionnelles, c’est-à-dire comportementales avérées (CRM). Ajoutées à des données contextuelles comme la météo, et à l’aide d’intelligence artificielle, on peut alors bâtir des modèles prédictifs. Or une entreprise a rarement tout cela sous la main. » C’est comme si elle donnait quelques fantassins pour quelques archers, et ainsi obtenir une défense béton. Par ailleurs, en s’alliant entre elles, les entreprises peuvent diminuer leur dépendance à des géants de la donnée, présents sur tous les fronts, comme Google ou Facebook. D’autant plus quand le cookie a des chances d’être brocardé dans la prochaine loi sur la donnée d’ici 2018… Les données seront bien plus complexes à récolter !
 
L’éclosion du cloud et des solutions plug and play facilitent grandement ces unions. L’intégration technologique n’en est que plus facile. Ainsi, après l’ère du software as a service (SAAS), qui a fait exploser les systèmes de licences logicielles au sein des entreprises, nous voici entrés dans le moment du Data as a service (DAAS). Permettant à chacun de facilement récupérer des jeux de données en se connectant simplement sur une plateforme, pour les utiliser comme il veut. « Mais l’avenir ira encore plus loin. Et un annonceur pourra directement obtenir des modèles marketing, ou des segments personnalisés. On va entrer dans l’ère du MAAS, ou model as a service », anticipe Didier Farge. Concrètement, vous entrez vos données CRM en ligne, et on vous ressort directement les segments ou modèles marketing, qui eux, ont pris en compte d’autres données et ont été réalisés par de l’intelligence artificielle. En quelques clics, c’est tout votre scénario (fidélisation, publicité, acquisition) qui est réalisé, sans même avoir un seul serveur en entreprise.
 
Mais ces partenariats, indispensables dans le monde de la donnée, doivent pourtant être bien cadrés juridiquement. « N’oublions pas que plus encore que la donnée, l’important est ce que l’on en fait et comment on travaille avec » argue Anne Payot, directrice marketing et communication du groupe Cartegie, spécialisé dans la donnée, notamment B2B. « Nouer un partenariat demande de collaborer étroitement avec les personnes en face. Des échanges de savoir-faire vont avoir lieu », continue-t-elle. Il faut donc border l’alliance juridiquement de manière stricte. « D’où l’importance d’avoir une culture commune et des équipes d’experts qui se complètent », pointe Olivier Nguyen Van Tan. Le partenariat Salesforce - Watson était déjà dans les têtes en mars 2016, lorsqu’IBM s’est offert Bluewolf, le cabinet de conseil qui travaillait énormément - pour ne pas dire seulement - avec la solution Salesforce. Ce sont ces équipes, entre autres, qui travailleront sur le projet, et qui donc, connaissaient très bien Salesforce… Coût du rachat ? 200 millions de dollars. Un partenariat donnant-donnant, mais pas donné non plus. 

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