Prêts pour la révolution blockchain? Vingt ans après l’onde de choc internet, voici le séisme blockchain. «Elle a le potentiel d’une révolution. Ce n’est pas une technologie de plus, c’est une technologie d’architecture, que les gens utiliseront sans le savoir», explique Alexandre Stachtchenko, cofondateur de la start-up Blockchain France. La blockchain, c’est une technologie de stockage et de transmission d’informations basée sur la transparence, la sécurité et la décentralisation. «La blockchain fait à la transaction ce que le protocole TCP/IP a produit pour l’information. Aujourd’hui, nous sommes en haut de la courbe de la hype, son déploiement va prendre plus de temps que nous le croyions, mais ce n’est pas une technologie que l’on peut arrêter», s’enthousiasme le serial entrepreneur Gilles Babinet. Déjà, le secteur bancaire multiplie les expérimentations, surfant sur le succès du bitcoin, cette monnaie électronique décentralisée qui représente aujourd'hui une capitalisation de 10 milliards de dollars. D’autres pans de l’économie devraient suivre, forts de cette promesse de désintermédiation des transactions. «Les agences et les médias ont été “disruptés” par des plateformes, comme Facebook et Criteo, rappelle Michel Lévy-Provençal, organisateur des conférences TEDX Paris et L’Echappée. Avec la blockchain, ce sont ces plateformes elles-mêmes qui risquent d’être disruptées.» Publicité, marketing, médias, voici ce que pourrait changer la blockchain.
Publicité
Le marché de la publicité en ligne et plus spécifiquement du programmatique pourrait être bouleversé. Face au poids croissant que prennent les plateformes d’enchères en temps réel, «il est possible d’imaginer un système décentralisé et “blockchainisé” qui permettrait à un annonceur de placer sa publicité [en programmatique] sans passer par un ad-exchange», estime Gilles Babinet. Selon Marc Gardette, responsable de la stratégie cloud pour Microsoft France, ce système où l’on réalise des transactions publicitaires, de pair à pair, via la blockchain, est en train de prendre corps: «Il y a des start-up sur ce créneau, comme Bitteaser Advertising Network et Adbit.» Même si leur efficacité n’est pas encore garantie: en programmatique, les transactions se comptent en millions par seconde, quand la blockchain n’atteint pas vingt par seconde. «Le secteur de la publicité en ligne n’a peut-être pas besoin du même niveau de sécurité que les transactions bancaires, ce qui permettrait d’augmenter la fréquence», avance Gilles Babinet.
Autre scénario: «On peut envisager que l’on puisse tracer tout le parcours de diffusion d’une publicité jusqu’à l’interaction avec le consommateur, prédit Michel Lévy-Provençal. Cela permettrait de rémunérer tout au long de la chaîne chacun des acteurs qui a joué un rôle. Bien sûr, cela rebattrait toutes les cartes du secteur.»
La blockchain pourrait aussi apporter des solutions à la fraude publicitaire: «Comme elle permet de tout contrôler, certifier, cela serait un véritable atout dans ce combat», poursuit Michel Lévy-Provençal.
Relation client
La blockchain peut aussi changer la donne en matière de relation client, en offrant la possibilité de créer des programmes de fidélité nouvelle génération. «Ainsi, les start-up Loyyal et Bitmiles proposent une plateforme universelle pour gérer les cartes de fidélité, détaille Marc Gardette, de Microsoft France. Le grand livre de comptes sécurisé et partagé qu’est la blockchain peut permettre, par exemple, à des chaînes hôtelières et des compagnie aériennes de monter des programmes en commun.» Dans la droite ligne du bitcoin, la monnaie virtuelle qui a popularisé la blockchain, ces systèmes offriront la possibilité d’engranger des points de fidélité qui auront un cours et pourront être utilisés dans ces différentes enseignes. «La blockchain peut tout à faire servir à créer des cartes, des coupons, des monnaies alternatives, avec des points de fidélité», confirme Michel Lévy-Provençal. Là encore, la relation sera plus directe entre la marque et le consommateur. «En supprimant un intermédiaire, la blockchain permet de consacrer plus de temps aux consommateurs», complète Gilles Babinet.
Droits d’auteurs et données personnelles
«La blockchain, c’est avant tout un registre sécurisé qui pourra servir à vérifier et certifier que le lecteur d’un article payant a bien les droits, est bien abonné, illustre Julien Breitfeld, data marketing architect chez Fabernovel. Une meilleure protection aussi pour les producteurs de films, de musique. Ainsi la start-up israélienne Revelator vient de lever 2,5 millions de dollars (2,2 millions d’euros) cette semaine avec la promesse de contrôler de façon efficace les droits d’auteurs musicaux et de reverser les royalties aux artistes. Revelator traquera alors les téléchargements de clips, la diffusion de streams sur Spotify et d’autres plateformes… «Dans l’encadrement des copies du contenu culturel, la blockchain pourrait vraiment changer la donne», assure Julien Breitfeld.
Enfin, dans le domaine de la gestion des données personnelles, la blockchain a le potentiel pour faire évoluer les choses: «Des solutions comme Blockstack redonnent le contrôle aux internautes sur leurs informations, indique Marc Gardette, de Microsoft France. C’est une sorte de portefeuille où l’on stocke toutes nos données. Et les sites comme Google ou Facebook seraient obligés de demander leur accord avant de les utiliser, voire de rémunérer les internautes au passage.»
La blockchain pour les nuls
«Un grand livre comptable public et infalsifiable»: c’est l’une des métaphores utilisées dans l’ouvrage La Blockchain décryptée, les clés d'une révolution , coordonné par Blockchain France et publié par l'Observatoire Netexplo. Chaque transaction, qu’elle soit monétaire ou non, est regroupée par bloc et inscrite sur ce grand registre virtuel, dont plusieurs exemplaires sont hébergés sur différents ordinateurs. Toute personne peut consulter ce registre et chaque modification, après validation, s’ajoute aux autres sans effacer la version précédente. Transparence, sécurité et décentralisation sont les trois principes au cœur de la blockchain. «Personne ne peut signer de transaction au nom d’un autre individu, à moins de disposer de sa clé [sorte de code PIN bancaire numérique]. (…) Le registre étant dupliqué autant de fois que le réseau comporte de nœuds, il faudrait, pour falsifier une transaction, corrompre simultanément plus de la moitié des nœuds [du réseau]», résume l’ouvrage.