Dans la catégorie plus belle animalerie de l’année, on pourrait nommer Zootopie. Mais c’est le Grand Prix des stratégies média qui lui a été décerné. Le jury a récompensé la pertinence et l’originalité de la production de Walt Disney Company, avec son agence média, Havas Media, et Adcity, le pure player Out Of Home (OOH) du groupe Havas.
Zootopie? C’est l’histoire d’une enquête policière, faite par des animaux dans un monde où tout fonctionne comme celui des hommes. Un film important pour Disney, pour faire valoir sa marque Walt Disney Studios Animation. Aux côtés des trois autres studios de la société américaine (Pixar, Lucas Film et Marvel), elle devait davantage émerger. Son dernier succès en date était la Reine des Neiges en 2013 avec 5 millions d’entrées. Le Studio Pixar, lui, surfant encore sur le succès de Vice-Versa, sorti l’année dernière.
«Zootopie était un film très important pour nous, car il devait montrer la diversité et la richesse de création de Walt Disney Studios Animation. Montrer qu’il pouvait aller sur les mêmes domaines que Pixar», détaille Frédéric Monnereau, directeur de la distribution et du marketing de The Walt Disney Company. Tant dans l’humour que dans le côté décalé. Sur la dizaine de films que sort Disney chaque année en France, Zootopie était le pari de l'année. Seul hic: le calendrier. Le film sortait en février, une saison difficile pour les films dits «familiaux», car ne correspondant pas à une période de fête ou de vacances. Même si Disney cherchait également à atteindre les millenials, et ne pas se limiter aux seules familles.
«A cette période, les meilleurs films font rarement plus de 2,5 millions d’entrées, jamais plus de 3,5 millions», concède Frédéric Monnereau. Aussi fallait-il donner de la résonance, avec un budget média limité. «Notre travail, avec Disney, c’est de faire exister la magie des films en dehors de la publicité, explique Yves Del Frate, le CEO d’Havas Media France. La mission était d’autant plus importante que fin 2015, début 2016, la période était difficile en France, après les attentats.» L’objectif était donc de faire vivre une expérience positive aux Parisiens, leur faire découvrir le monde de Zootopie, tout en générant du «earn media» autour de l’opération.
«Just Zoo it»
Avec un budget restreint, il fallait compter sur l'impact des réseaux sociaux pour créer de la visibilité, ailleurs qu’à Paris, notamment. Le plan média a démarré par une opération de teasing sur internet puis en décembre dans les cinémas, qui mettait en avant le caractère policier du film, en mettant en scène des animaux. «Ce teasing avait pour fonction d’interroger les spectacteurs, en leur montrant que ce n’était pas un film comme les autres», raconte Frédéric Monnereau.
En janvier, ce sont les personnages qui sont mis en avant. Chacun ayant droit à son affiche. Mais le clou de l’opération, ce qui a été primé par le jury Stratégies, est l’opération d'affichage événementiel dans le métro. «Du 4 au 17 février, nous avons entièrement investi la station Concorde du métro parisien, raconte Alexandra Rieublanc, directrice générale d’Adcity. Sur un côté, nous avions recréé des fausses pubs, reprise dans l’univers Zootopie. Une fausse campagne Nike, par exemple laissait apparaître le slogan “Just Zoo It”. Burberry est devenu Bearburry… Et sur l’autre quai, nous avions placé dix écrans digitaux et des capteurs infrarouges. Ils diffusaient, en fonction du contexte et du nombre de passants en réagissant à la milliseconde, des images des personnages qui avaient les mêmes comportements que les humains.» Un rhinocéros qui passe nonchalamment, une marmotte qui se hâte ou encore un troupeau d'animaux qui se dépêche de monter dans le métro. «Chaque jour, nous changions un petit détail dans les visuels animés», continue-t-elle. Le tout dans un décor adhésif, où des personnages recréaient des comportements humains d’attente du métro (assis, concentré sur son téléphone…).
Une opération d’envergure en OOH (out of home), qui a nécessité une coordination au cordeau avec Metrobus et la RATP, pour les aspects techniques. «Il y a bon nombre de questions de sécurité, notamment gérer un espace où il y a un trafic très dense. Et surtout, tout doit être monté en quelques heures la nuit. Il faut s’entraîner plusieurs fois avant pour être sûr de parer à toute éventualité. Bien connaître exactement les raccordements électriques», précise Alexandre Rieublanc.
Adaptation
«Le film nous offrait dès le départ une bonne matière inspirante, avec des personnages riches, ajoute-t-elle. Nous avons mélangé le virtuel et le réel pour bien immerger les Parisiens et les plonger dans l’univers du film.» L’opération a permis de toucher six millions de personnes par semaine, en comptant la caisse de résonance digitale. Face à son succès, elle a été prolongée gracieusement par la régie pendant une semaine supplémentaire. «Surtout, l’utilisation de cette nouvelle technologie dans ces conditions n’avait jamais été faite en France», précise la directrice d'Adcity. En Europe, la Fondation suédoise contre le cancer s’en était servie. Sur un écran digital, les cheveux d’une jeune fille s’envolaient quand le métro arrivait. Ici, elle a servi à adapter le comportement des personnages à ceux des passants.
Plus globalement, dans la campagne, tout a été fait pour mettre en avant l'association entre le monde du film et celui des humains. Une évocation du bestiaire de La Fontaine pour mieux mettre en exergue les problématiques sociales. «C’est un film sur le vivre-ensemble », explique Frédéric Monnereau. Suivant ce parti pris, le plan média comportait également un partenariat avec Minute Buzz. Une plateforme intitulée Zoobuzz, avec des articles rédigés par le site pour la marque concernant la vie des animaux, a été mise en place. Au total, la campagne a permis au film d’émerger, de se démarquer et surtout d’embarquer la population dans une histoire. Résultat: en trois semaines, le film culminait déjà à trois millions d’entrées. Fin mai, il atteignait les 4,7 millions. «Un record pour un film sorti en février, assure Frédéric Monnerau. Et surtout, à seulement 300 000 entrées du score de La Reine des Neiges.»
Frédéric Monnereau, directeur de la distribution et du marketing de The Walt Disney Company
Quel est la marge se manoeuvre de Disney France dans la conception des campagnes?
Frédéric Monnereau. Nous avons les mains libres pour créer les campagnes autour des films Disney pour la France. Le public hexagonal a ses spécificités, il a tendance à établir un lien avec les personnages. Pour lui, l’émotion a plus d’importance, elle est plus forte. Alors qu’en Allemagne, par exemple, il faut faire beaucoup rire et choisir des scènes très drôles dans le teasing. Ce sont des approches différentes selon les pays, compte tenu de leurs rapports différent au cinéma. Toute la force créative de Zootopie consiste dans l’univers, et notamment la ville, qui a été créé. Mais pour la campagne française, nous avons insisté sur les personnages. Car c’est ce qui parle le mieux au public. Nous nous sommes efforcés de les mettre en situation, et de permettre aux «humains» de se projeter en eux. Il fallait donc créer de l’immersion.
Quels étaient les autres volets du plan média consacré au film?
F.M. La société Turnright a créé beaucoup de petites vidéos très drôles et facilement partageables pour le digital… Mais il y avait aussi un fort dispositif d’affichage. Avec 500 affiches digitales dans 28 stations du réseau ferré, 550 affiches digitales dans 38 centres commerciaux, et plus de 7200 affiches avec 10 personnages différents en rotation dans toute la France. Nous avons aussi été présent dans les stations de ski de janvier à mars, et sur l’autoroute A1 avec des bâches géantes. Il y a eu aussi un peu de presse, une campagne radio avec notre partenaire NRJ et le sponsoring de l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste pendant 1 mois.