Objectif: construire un territoire lifestyle singulier
Pas vraiment une marque de mode, pas non plus une marque de sportswear: depuis des années, Lacoste, marque pourtant iconique, ne parvient pas à trouver sa place dans le paysage ultra-concurrentiel du prêt-à-porter. Écartelée entre deux segments, dépassée par le rythme de renouvellement des gammes des nouvelles enseignes du secteur, elle souffre d’un déficit de modernité et est perçue comme une marque plus chère que ses concurrents directs (Ralph Lauren, Hugo Boss, etc.), alors qu’elle affiche pourtant des prix souvent inférieurs.
Pour retrouver sa place, la marque s’est fixée trois objectifs. En premier lieu, redéfinir son image pour installer une identité et devenir plus compétitive. Il s’agit ici de justifier le positionnement prix en construisant un territoire lifestyle singulier en lien avec sa cible de conquête. Ensuite, créer de l’actualité, susciter un maximum de bruit et de conversation pour générer de l’attractivité auprès de la cible. Enfin, maximiser l’impact business en renouant avec la croissance, au-delà de l’offre produit polo et des périodes promotionnelles.
Un triple objectif qui appelle une véritable reprogrammation de marque. Lacoste a ainsi opéré quatre glissements stratégiques: d’une marque de mode, elle va devenir une marque lifestyle; plus que sportive, elle va s’inspirer du sport; de l’outdoor, elle va investir le territoire urbain; d’une marque mixte, elle va prioritairement s’adresser à l’homme. Mais, surtout, Lacoste veut s’afficher comme une marque innovante ancrée dans la pop culture.
Moyens: un film de marque et un nouveau mix médias
La reprogrammation se fait visible par un film de marque: «Le Grand Saut», récit d’une histoire d’amour universelle, porté par l’acteur Paul Hamy, nommé aux Césars 2014 dans la catégorie Meilleur espoir. «Ce film, c’est un peu comme un nouveau credo. Nous avons voulu rassembler toute la maison Lacoste derrière un étendard moderne, comme pour libérer la marque et l’emmener vers ses nouveaux territoires de modernité», souligne Bertille Toledano, coprésidente de BETC Paris.
Côté digital, Lacoste investit dans un nouveau site (Lacoste.com), dont le lancement est relayé de manière événementielle sur le réseau social Vine, avec la collaboration exceptionnelle de Zach King, le magicien aux quelques 3 millions de fans. Le groupe au crocodile est également la première marque de mode à investir le réseau éphémère Snapchat, avec une opération de recrutement sous forme d’un jeu-concours (Spot the croc).
«La campagne “Life is a beautiful sport” remet au coeur du discours les valeurs fondatrices de la marque Lacoste, qui sont uniques. Que ce soit sur les terrains de sport ou dans la vie de tous les jours, l’histoire de Lacoste s’est écrite autour de l’esprit sportif, de l’authenticité et de l’élégance liée à un savoir-faire français», souligne Sandrine Conseiller, directrice marketing et branding de Lacoste.
Reportages sur des figures du sport urbain en collaboration avec le rédacteur en chef du magazine Society, sélection de formats événementiels (dont une bâche géante sur l’hôtel Lutetia, à Paris, actuellement en travaux) montrant des performances corporelles exceptionnelles, et programmation d’événements VIP tout au long de l’année viennent nourrir en permanence la plateforme internet.
L’enveloppe budgétaire accordée au dispositif de communication passe à 10,5 millions d’euros (7 millions en 2013), avec une ventilation médias modifiée: la télévision et le cinéma (absents du mix en 2013) représentent 35 % des investissements, la part du digital passe de 5% à 30% et celle de la presse de 87% à 30% du mix, selon Havas Media, l’agence médias de Lacoste.
Résultats: image, viralité et ventes en hausse
Objectif atteint en termes de redéfinition d’image. La marque gagne 13,5 points dans les indicateurs de prestige, 12 points pour les items «chic» et «sport» ainsi que pour la modernité. Lacoste atteint également 95% de reconnaissance (84% pour Ralph Lauren et 87% pour Hugo Boss), 55% en considération (48% et 46% pour les concurrents) et 42% en achat (28% et 23%) (source: BHT Lacoste 2014).
Avec 24 millions de vues sur You Tube et un taux de partage de 2,7% (pour une norme à 1%), «Le Grand Saut» obtient des scores de viralité inespérés, largement supérieurs aux plus grandes maisons de luxe. Côté retombées médias, la stratégie est également payante: plus de 160 articles de presse. Quant aux activations Vine et Snapchat, elles démontrent la pertinence du recours à la viralité: plus de 9 millions de vues, 1 000% d’engagement sur Vine, plus de 40 000 nouveaux contacts en un mois et plus de 120 000 vues sur Snapchat.
«L’inventivité et la créativité ont toujours été au coeur de l’histoire de Lacoste et c’est sans doute pour cela que l’impact de la marque sur les réseaux sociaux a été si fort: nous sommes fiers de compter plus de 13 millions de fans sur Facebook et plus d’1 million de followers sur Instagram», note Sandrine Conseiller. Les ventes bondissent de 8% par rapport à 2014, et la croissance commerciale dépasse le seul produit polo: +60% pour la maroquinerie, +33% pour les chaussures et +4% pour le textile. Enfin, les pics de chiffre d’affaires se déconnectent des soldes, essentiellement activés désormais par les prises de parole de la marque.