De Becoming à The Links, en passant par CoSpirit Groupe, tour de France de quelques-unes des belles agences indépendantes qui comptent dans les métropoles régionales. Un article également disponible en version audio.
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- Becoming, l’entreprenante
En dix ans, il a transformé un groupe de 45 personnes, créé à Lille en 1986, en une société de conseil et de communication forte de 300 collaborateurs pour 45 millions d’euros de chiffre d’affaires. Christophe Levyfve, 50 ans, président et actionnaire principal de Becoming, entre il y a 27 ans comme stagiaire chez ce qui s’appelait alors Netco. Il doit y rester six mois mais y fait son trou et, en 2012, en prend la tête. Il a changé la taille de l’entreprise mais aussi sa géographie en déployant, aux côtés des 130 collaborateurs lillois, des équipes à Paris (une centaine) et à Bruxelles (65). Il a surtout révolutionné sa façon d’envisager le métier.
Pour « aider les marques à améliorer la vie des gens », Christophe Levyfve a ajouté deux métiers à la communication, l’entrepreneuriat et l’innovation. Le premier invite les marques à transformer leur organisation pour créer des vecteurs de croissance. Becoming leur propose une méthode, le « shot entrepreneurial ». En 100 jours, l’agence se fait fort d’apporter au client une solution qui lui permette, par exemple, d’investir un nouveau marché. Becoming pioche dans une écurie de 200 jeunes entrepreneurs pour constituer une équipe d’une dizaine de personnes chargée de résoudre sa problématique.
Le second métier relève de la technologie et de l’innovation et permet notamment à l’agence de créer avec ses clients des start-up. « C’est un modèle très entrepreneurial dans lequel notre rémunération est liée au succès de l’opération », précise-t-il. Avec un portefeuille de 450 clients (Bonduelle, Bel, Decathlon, Keolis…), l’agence a investi un nouveau lieu à Lille, un ancien garage transformé au gré des heures en espace shopping ou, le week-end, en « Comedy Club ».
- MV Group, la digitale
L’histoire de MV Group remonte à 1999 avec la création, à Rennes, de Mediaveille, une agence spécialisée dans le référencement et l’acquisition de contacts. Reprise en 2010 par Olivier Méril, elle s’appelle aujourd’hui Yumens et elle prend place au sein d’un groupe constitué de onze filiales présentes dans autant de villes en France. MV Group compte plus de 400 collaborateurs (dont la moitié à Rennes pour l’activité historique), voués à toute la palette du marketing digital (acquisition et conversion, branding, inbound marketing, vérification d’identité…). Chaque filiale opère sous son propre nom en profitant de l’appartenance au groupe. Cela permet au client, relève Yohann Delahaye, directeur général de Yumens, de pouvoir « être accompagné sur l’ensemble du parcours consommateur, de la notoriété jusqu’à la data ».
Le modèle semble fonctionner, avec un chiffre d’affaires en croissance de 30 % en 2021, à 53 millions d’euros. Une part vient des rachats mais la croissance organique reste forte. Yumens affiche ainsi encore 15 % de progression après 23 ans d’existence. MV Group compte aussi une école du digital, 301, et une agence conseil en marque employeur, We Feel Good, sur le sujet devenu crucial du recrutement et de la fidélisation des collaborateurs.
- CoSpirit Groupe, la combattante
Tous les voyants sont au vert pour l’ex-CoSpirit Mediatrack, devenue en 2022 CoSpirit Groupe : deux récompenses au dernier palmarès des agences médias, un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2022, en progression de 30 %, un volume d’achat de 850 millions d’euros… Créée en 1994 par Florian Grill et Olivier Delavoye, CoSpirit compte 220 salariés, répartis entre Lyon (170) et Paris (50), et déploie son offre avec quatre entités dédiées aux médias nationaux, aux médias locaux et au hors-média, au retail media et aux solutions technologiques.
Parmi ses clients, les plus grandes régions françaises, de belles marques et des enseignes de distribution, dont Aldi, gagné l’an dernier. Le credo de l’agence, c’est plus que jamais le local. « Le vrai sujet, c’est l’attention publicitaire ; or le local en est un levier essentiel », plaide Florian Grill. Il a fait de cette cause un combat en prenant la tête de l’association Les Relocalisateurs aux côtés de JCDecaux ou France Télévisions. Contre la tendance à tout centraliser, le président de l’agence, 57 ans, défend un meilleur équilibre des budgets entre national et local.
« Le local, c’est plus de factures, plus de régies, c’est morcelé mais c’est rentable, pour nous comme pour le client, si le process est industrialisé », estime Florian Grill. Le combat passe aussi par la recherche d’alternatives aux géants du web, qui trustent les deux tiers des investissements digitaux. « On incite à leur trouver une solution alternative dès lors qu’elle est rentable », revendique Florian Grill.
- Syneido, la nouvelle
Cette enseigne est à la fois toute nouvelle, puisque la marque Syneido a été créée en 2019 et a encore peu communiqué sur son nom, et en même temps, elle fait partie des agences régionales historiques car son ancêtre, DPS, est née à Lille en 1977. Depuis 2016, elle est dirigée par Frédéric Clipet et Guillaume Ruckebusch, qui n’ont eu de cesse de la développer.
Le groupe Syneido compte aujourd’hui 190 collaborateurs (90 à Lille, 50 à Paris et autant à Lyon). Il affiche 25 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec des clients comme Nexity, Suzuki, Nocibé ou Leroy Merlin, et déploie son offre avec sept marques. Outre l’historique DPS, il y a Elvis, une agence de publicité lyonnaise de 45 collaborateurs rachetée l’an dernier, des entités spécialisées sur des marchés (le luxe pour Les Poupées Russes, la santé pour Pictural, l’immobilier pour Sakara) ou des métiers (Hobbynote pour les réseaux sociaux et DPS Lyon pour le B to B).
« Nous avions une part d’activité trop liée à quelques clients, il fallait diminuer les risques », justifie Guillaume Ruckebusch, directeur général. Il fallait aussi atteindre une taille suffisante pour pouvoir jouer dans la cour des grands, avec une palette de métiers qui permette de répondre à des appels d’offres diversifiés. Syneido souhaite mieux faire connaître sa marque mais n’oublie pas de soigner son empreinte sociétale et environnementale. Son agence DPS, déjà société à mission, est dans l’attente de sa certification B Corp, un label que le groupe vise à son tour en 2025.
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- Fantastic, la libertaire
On ne fait pas plus lyonnais. Installée place Bellecour, l’agence Fantastic, créée il y a 18 ans par Pierre-Arnaud Dufour, ne se cantonne pourtant pas à son microcosme. La plupart de ses clients (Nestlé notamment) sont à Paris. Et ses clients locaux, comme le groupe Seb, lui confient des missions nationales, voire internationales. Positionnée comme une agence spécialisée en stratégie de marque et lancement de produit, Fantastic compte 32 collaborateurs et réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2022, le prix de l’agence de communication en région est venu récompenser son dynamisme.
Au sein de l’agence, quatre business units se partagent le portefeuille de marques. « Cela permet de fidéliser les clients et correspond à l’une de leurs demandes, celle d’avoir un directeur artistique comme interlocuteur », souligne Bruce Vinci, le directeur général, qui met aussi en avant la signature de l’agence, « Think independent ». Cette posture permet, selon lui, d’assumer plus facilement ses convictions. Pour des clients comme Bexley (prêt-à-porter masculin), Sanytol ou Alpina, Fantastic relève le pari, avec des spots courts de 20 secondes, qui servent à la fois la marque et le produit. « C’est pour ce savoir-faire qu’on vient nous chercher », remarque Bruce Vinci.
- The Links, l’ouverte
En juin, l’agence fêtera ses 40 ans. Présidée par Valentin Guillois, le fils du fondateur Vincent Guillois, l’ancienne G&A, devenue The Links, est aujourd’hui l’une des enseignes phare de la région nantaise, avec quatre métiers distincts : l’agence de communication elle-même, The Links, qui pèse pour moitié dans l’activité totale (15 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 170 collaborateurs), Moaï, un institut d’études, Tête à tête, un centre de relation client, et Coance, un cabinet de transformation créé il y a un an. Le maître-mot du groupe, très présent dans l’économie sociale et solidaire ou l’industrie locale, c’est l’ouverture. Son adresse parisienne, Le Hangar à Paname, est ainsi conçue comme un espace d’open innovation partagé avec d’autres professionnels.
Préférant ce modèle à celui de l’intégration, elle a pris des participations dans des sociétés comme Emotic (interfaces innovantes), Lunaweb (digital) et Talenco (conseil en transformation) pour compléter ses expertises. « En dehors de l’événementiel et des relations presse, nous intégrons tous les métiers de la communication, cela offre un super terrain de jeu pour nos collaborateurs et pour nos clients », se félicite Stéphanie Dufour, la directrice générale. Autre signe d’ouverture, la mise en place d’un nouveau format de collaboration avec les clients ou les prospects, qui met toute l’intelligence collective de l’agence à leur service pendant une séance de trois heures. « Les frontières à faire tomber ne sont plus géographiques mais dans la manière de travailler », plaide-t-elle.
- Comback, l’équilibrée
Jessica Marcou-Garozzo et Laetitia Rossi, voici le duo féminin qui se trouve à la tête de l’agence niçoise Comback, 23 collaborateurs pour 2,5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Créée en 2011, Comback se partage aujourd’hui entre un pôle territoires et institutionnel, avec des missions pour des collectivités locales, des grandes entreprises ou des services de l’État, et un pôle communication, avec des clients comme la Fédération française de football ou le promoteur Altarea. Le sport constitue d’ailleurs l’un de ses points forts. Outre la FFF, Comback assure ainsi la communication du club de football de l’OGC Nice depuis 2012 et elle se place dans le top 5 des agences en France dans ce domaine.
Plus largement, Comback se veut une agence de communication globale, convaincue, notent ses dirigeantes, que « c’est en intégrant tous les métiers en interne que l’on peut être pertinent et efficace pour proposer aux marques une stratégie complète ». Comback compte ainsi un studio de création, un pôle de production de contenus et un pôle stratégique. C’est aussi une façon de maîtriser les coûts, les délais et la confidentialité. Les dirigeantes mettent également en avant la philosophie de leur agence, qui n’est pas tant de grossir que de trouver, sur les rives de la Méditerranée, un certain équilibre en ayant le choix des clients et des missions.
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- Ekstend, l’intégrée
Direction Marseille avec l’agence Ekstend Group, créée en 2009 par Franck Kaddouch. Cet ancien de Carat est aujourd’hui à la tête d’un groupe de 230 personnes (70 à Marseille, où l’agence a son siège social, 140 à Paris et une vingtaine à Montpellier) pour 40 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022. L’an dernier, trois agences ont rejoint le groupe : Sweet Punk, une enseigne de communication et de branding très orientée sur le digital, Be Brandon, dédiée à l’activation média au sein des points de vente, et Ibiza, positionnée sur le marché de l’immobilier neuf pour des promoteurs. Ces renforts permettent à Ekstend Group de proposer une offre intégrée.
« Nous nous positionnons comme l’extension des directions marketing et des directions nationales pour leur activité de réseaux », avance Franck Kaddouch. Ekstend se consacre ainsi aux enseignes à réseaux, notamment dans le secteur automobile, avec Porsche ou Skoda, ou dans le domaine du luxe, avec un client comme Rolex. Localement, Ekstend est aussi une marque engagée sur son territoire, trustant les gros comptes de la région que sont l’armateur CMA-CGM, les croisières Le Ponant ou les doudounes Jott. Positionné comme un groupe de marketing de proximité et de communication, Ekstend ne compte pas en rester là et espère poursuivre l’intégration de nouvelles expertises, dans la data ou le secteur du luxe, pour compléter sa palette et continuer à balayer tout l’éventail de la communication, du planning stratégique à l’activation média.