A comme amour. Ma femme, mes enfants, ma famille, c'est le noyau dur. J'ai la chance d'avoir ça. Je passe du temps avec eux, c'est important.
B comme BETC. Avec Rémi Babinet, on voulait en faire l'agence de référence française. On a réussi notre coup. J'en suis fier. C'est dix ans de ma vie. BETC est devenue une marque. Ce n'est plus «mon» BETC, mais il y a là-bas des gens qui continuent l'histoire, qui cultivent une flamme. Stéphane Xiberras, par exemple. Défendre une certaine idée du produit créatif, c'est important. Même si l'innovation n'est plus dans l'exercice d'un format publicitaire donné, elle est dans l'utilisation de nouveaux supports, dans la conception des façons de toucher les gens de plein de manières différentes, dans un «tous azimuts», dans la construction de systèmes.
B comme Bizot (Jean-François). Quelqu'un dont j'ai été très proche, un homme très important pour moi.
C comme la Chose. En créant La Chose il y a cinq ans, nous avons appliqué la disruption à l'organisation d'une agence de publicité. En remettant en cause les conventions de ce métier et il y en a beaucoup: les initiales sur la porte, le team créatif, le mode de travail.... On a fait de La Chose le laboratoire de l'agence de demain. C'est aussi une école, on prend des juniors, on les forme et on nous les «pique». Le fait d'intégrer Internet nous ramène beaucoup de profils intéressants. Les jeunes se disent que ça va se passer là. Une grande fierté, c'est la diversité à La Chose. Une agence a la valeur des gens qu'elle embauche. Enfin, La Chose c'est aussi pour moi la rencontre avec deux personnes devenues très très proches, mon premier cercle, Pascal Grégoire et Barka Zerouali.
D comme duopole. Dans les années 80, Jean-Marie Dru s'en alarmait beaucoup ; moi, je trouvais qu'on ne se débrouillait pas si mal à BDDP: je comprends aujourd'hui à quel point le duopole Havas-Publicis est un pouvoir. Sur certains sujets, comme les budgets d'État, il serait bon que le jeu soit davantage ouvert. Le plus inquiétant, c'est la concentration verticale «achat d'espace-publicité-médias». On assiste à des choses dérangeantes. Mais il subsiste toujours un espace pour des entreprises indépendantes. Même si ce métier manque cruellement aujourd'hui d'entrepreneurs.
E comme EMI. J'y allais en chevalier, prêt au combat pour une certaine idée de la musique. Ça a été une expérience dure parce que faire un plan social, c'est très douloureux. Mais c'est une expérience qui m'a fait énormément progresser. C'est très cliché mais c'est vrai. Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort!
E comme entreprise. Loïc Le Meur m'a dit un jour: en deux ans, j'ai fait quatorze entreprises. Moi, en quatorze ans j'ai fait deux entreprises! Trop de gens aujourd'hui font des entreprises sans salariés, sans compte d'exploitation, sur des notions de bilan. C'est particulièrement vrai dans Internet. Des financiers nous ont donné de quoi tenir deux-trois ans, on va serrer les fesses, si on est à l'équilibre dans deux-trois ans sans embaucher personne, on pourra revendre supercher, on sera riches, on s'arrête à trente-cinq ans: ça, c'est catastrophique.
I comme indépendance. C'est très énervant d'entendre des gens se prétendre indépendants alors qu'il n'en est rien. L'indépendance, ce n'est pas avoir deux ans de salaire garanti par un actionnaire industriel minoritaire, c'est prendre un risque financier personnel au départ. C'est être fragile mais c'est aussi la condition pour faire des choses nouvelles et différentes, pouvoir partir d'une page blanche. C'est mettre son argent et ses idées au même endroit. Cela se paie au prix fort.
I comme Internet. Internet fait tout ce que font les autres médias ou les autres moyens de communication, jusqu'à la vente. Si on regarde l'intérêt du client et si on prend acte des bouleversements liés à Internet, la segmentation organisationnelle des groupes de publicité n'a plus de sens.
M comme médias. Dans les agences, il n'y a plus de conseil médias. Il y a des programmes médias dans les agences d'achat d'espace. Le prix reste le critère premier. La culture des médias a disparu. C'est un effet regrettable et imprévu de la loi Sapin, qui devait apporter plus de conseil et plus de clarté. Et, dans le même temps, le «French Disease» qu'elle devait combattre s'est répandu dans le monde entier! L'enfer est bien pavé de bonnes intentions.
M comme métissage. Je suis métis, je pense que c'est une force. Métissage des gens, des genres, des métiers. C'est important de le dire en ce moment, dans une France qui se recroqueville. Mon père est vietnamien né en France, en 1936. Il ne parle pas un mot de vietnamien. Le Vietnam, je n'y suis jamais allé, il faut que j'y aille. Je ne me sens pas des racines vietnamiennes. J'ai plutôt des racines auvergnates parce que j'ai passé des vacances à Langogne. Les origines, c'est l'endroit où tu grandis.
N comme Naïve. C'est une belle histoire, écrite avec Patrick Zelnik. Notre projet était très ambitieux. Havas et Lazard devaient être au tour de table. On a discuté pendant un an avec Pierre Dauzier. Puis est arrivé Jean-Marie Messier et c'est devenu très compliqué. Alain de Pouzilhac a retourné sa veste et je me suis alors retrouvé dans une position pas facile chez BETC. Mais je voulais absolument faire Naïve. J'ai demandé qu'ils me prêtent de l'argent, en anticipation sur les stock-options que j'avais. C'est ainsi que Naïve est devenue une aventure indépendante, où j'investissais mon argent, et donc je devais continuer un boulot. D'où la coexistence avec BETC, par nécessité matérielle. Douze ans après, je me dis qu'on a fait plein de choses formidables. C'est aujourd'hui un label indépendant qui compte, qui sort des choses qui ne sortiraient pas ailleurs, qui a une ligne éditoriale. On peut toujours réduire Naïve à Carla Bruni, ce qui n'est déjà pas si mal, mais c'est négliger ce qu'on fait pour entretenir par exemple les musiciens de jazz ou de classique. J'ai un rôle d'actionnaire mais je ne suis pas opérationnel. On ne peut pas être dedans et dehors en même temps. J'ai fait des bêtises là-dessus au début, c'est illisible pour les gens.
P comme politique. J'ai participé à l'Atelier de Lionel Jospin, pendant la campagne présidentielle de 2002, par l'entremise de Jean-Pierre Audour. Cela a été une expérience très douloureuse. Il y avait une quarantaine de publicitaires, dont Stéphane Fouks, Christophe Lambert et Jacques Séguéla. C'était n'importe quoi. Une parole chassait l'autre, c'était la foire aux vanités. Ce concubinage notoire entre les hommes politiques et les hommes d'influence et de communication, c'est un des problèmes du métier. Il y a beaucoup de poker menteur là-dedans. On essaie de faire croire que les publicitaires peuvent construire quelqu'un, alors qu'ils peuvent juste amplifier tel ou tel aspect. Aujourd'hui, Martine Aubry se méfie des publicitaires, de ce côté «touchez ma bosse Monseigneur». Je le comprends, mais c'est une vision réductrice des choses.
P comme production. Maîtriser la production, acquérir ce savoir-là, c'est très important, et ce n'est pas sans conséquences sur l'écriture elle-même. Avec Rémi Babinet et Philippe Pollet-Villard, on a été les premiers à le faire, chez BDDP pour Virgin Megastore. À l'époque c'était une hérésie. Une agence autoproduisait un film en 35 millimètres! La home-production existe aussi dans la musique; de nombreux artistes travaillent de la sorte. On est en plein dans cette révolution dans la publicité. Chaque jour des milliards de tétraoctets sont sur la Toile en «user generated content»: si on reste sur «l'idée», c'est qu'on n'a pas compris l'époque.
Q comme Quark. Un peu de promo! On sort notre quatrième album, avec ma femme Valérie et François Lardeau, un batteur-ingénieur du son, un de mes grands amis. Je fais guitare et basse. Je compose avec François, Valérie écrit les paroles, elle chante, mais c'est François le patron, le «final cut», c'est lui. Musicalement, c'est un mélange de plein de choses, pas mal d'influences, hip-hop, rock, électro, etc. Cela nous prend beaucoup de temps pour une rémunération proche de zéro, mais ce n'est pas le sujet. Être édité ou publié, pour un écrivain, un musicien, c'est un accomplissement. La musique est ma vie depuis très longtemps. Cela a choqué pas mal de gens au départ quand je disais que la publicité, c'était pour financer ma musique. C'était la vérité. Je l'ai toujours assumé et il n'y a pas de raison d'être mal à l'aise avec cela.
R comme Richard (Stéphane). C'est un copain de trente ans. On était en prépa HEC ensemble au lycée Hoche, avec Alain Roussel aussi. Ensuite, on a fait HEC ensemble. En mai 1981, on était à la Bastille ensemble... Stéphane Richard, ça a toujours été le type énervant tellement il était brillant. Il a fait Sciences Po en même temps que HEC, ensuite l'ENA... C'est quelqu'un de très impressionnant. Il est actionnaire de La Chose. La création de l'agence, ça s'est comme ça: «Allô Stéphane, on aimerait bien monter notre boîte, est-ce que ça t'intéresse de rentrer avec d'autres investisseurs, on fait un tour de table, on va te montrer un business plan...» Lui: «C'est super mais ne me parlez pas de business plan, on sait tous ce que cela veut dire...» C'est ça, une amitié de trente ans. On ne s'est jamais quittés. C'est quelqu'un sur qui on peut compter. Même si la conséquence est que sur le secteur des télécoms, La Chose est un peu grillée! On s'est fait une règle de ne pas travailler pour Orange, on ne voudrait pas que quiconque l'emmerde en sous-entendant quoi que ce soit.
S comme stratégie. Je me considère avant tout comme un planneur stratégique, c'est ça qui me plaît le plus dans ce métier. Comme disait Philippe Michel, il y a trois types de stratégies: j'y suis, j'y reste; pousse-toi de là que je m'y mette; la vérité est ailleurs. C'est important dans la pub mais il faut rester simple. Si c'est verbeux et compliqué, c'est que les choses ne sont pas très claires. Ce qui est passionnant aussi, c'est comment traduire la stratégie en création. Pour Virgin, par exemple, [date], la stratégie était la suivante: la Fnac est la référence, mais avec un côté culture à l'ancienne, ses vendeurs sont dans une relation un peu professorale vis-à-vis des clients/élèves; Virgin devait prendre le contrepied de cette posture de transmission et aller sur un amour commun du sujet; amour commun donc religion. Voilà comment on passe d'une stratégie à une création.
T comme tests. La seule chose bien que Jacques Séguéla ait dite: «Moins de tests, plus de testicules.» C'est vrai dans la chanson comme dans la publicité, ou dans la politique.
U comme underground. C'est le titre d'un livre qu'on a fait avec Jean-François Bizot. C'est là où naît ce qui commence, c'est un endroit qu'on doit cultiver, que les publicitaires doivent appréhender. Le clip et la pub ont très bien grandi ensemble, par exemple. Aujourd'hui apparaissent de nouvelles formes d'écriture et de production. Avec Internet, la diffusion de l'underground va beaucoup plus vite. Des artistes qui mettaient trente ans à être reconnus iront beaucoup plus vite vers la reconnaissance et le succès... ou vers la poubelle! L'époque est vraiment très intéressante, les opportunités qui existent, ce qui est en train de se passer dans le monde de l'image... On peut tourner un long-métrage avec une caméra qui coûte 20 000 dollars, on peut le monter sur un ordinateur qui coûte 3 000 dollars! Cela foisonne, cela bouillonne, cela va vite, c'est pourquoi il fait être aux aguets.
V comme Vincent. Mon frère. On a vécu la même histoire, moi à EMI, lui au club de foot de Saint-Étienne. Construire des choses qui ne se voient pas tout de suite, qui se voient surtout après votre départ... Mon frère a beaucoup donné pour reconstruire l'ASSE mais il y a des moments où ça ne sourit pas, c'est des questions de moments. Aujourd'hui, il est en charge chez Lagardère de la structure qui gère les droits sportifs en Allemagne.
X comme Xavier. Vincent est le petit dernier, moi je suis l'aîné. Entre les deux il y avait Xavier, qui est mort à l'âge de seize ans d'un cancer qui avait démarré neuf ans plus tôt. Pour Vincent comme pour moi - on en a parlé par la suite, ce sont des choses qu'on ne se dit pas quand on est jeune -, la mort de Xavier a été extrêmement structurante: ce frère, sa vision de la vie, ce qu'il nous a dit, la révolte quand il est mort, le sens que cela prend au bout de plein d'années, la présence qu'il peut avoir. C'est très important chez moi. Plus je vieillis plus je m'en rends compte.
Y comme Young & Rubicam. C'était après EMI. J'avais pris la première claque de ma carrière et je n'ai peut-être pas été assez courageux. Le chemin était apparemment aisé. Or je suis arrivé dans un contexte qui n'était pas le bon, pas au bon moment, avec un patron qui m'a menti (j'avais censément le droit de fusionner Wunderman et la Young), les financiers de WPP, etc. Le positif c'est que cela m'a montré à quel point il fallait réinventer les agences. Au chapitre des échecs, autant EMI je resigne, autant j'éviterais l'épisode Y&R.
Z comme... zi end!