Selon vous, la place de la femme dans la publicité est-elle un sujet important ?
Sir Martin Sorrell : L’égalité homme-femme reste bien sûr une question de fond dans notre secteur, que ce soit sous l’angle business ou sociétal. On peut certes admettre que des choses ont commencé à changer, mais il est clair que la publicité et le marketing ne sont pas allés assez loin. À ce jour, chez WPP, nous nous sommes engagés publiquement et avec conviction sur ce problème, d’une part, au niveau du groupe, mais aussi dans le monde.
C’est une question qui vous tient à cœur chez WPP ?
M.S: Effectivement, cette question me tient particulièrement à cœur, et je m’assure que WPP joue un rôle actif pour soutenir les femmes et s’attaquer à tous les biais de perception, de quelque sorte qu’ils soient, sur le sujet. À titre personnel, je pense que les femmes sont meilleures que les hommes dans beaucoup d’aspects de notre business. Mais en tant que CEO, je suis bien conscient que je suis le seul responsable si les progrès réalisés ne sont pas à la hauteur des attentes. Le fait est que l’égalité homme-femme n’est pas une question d’équité ou de justice, c’est un impératif business. Les entreprises avec des équipes dirigeantes homogènes en termes d’hommes et de femmes s’en sortent mieux sur le marché. Elles attirent de meilleurs talents et leurs créations parviennent mieux à toucher les consommateurs.
Comment cela se traduit-il pour WPP ?
A Cannes, l’année dernière, avec tous nos confrères du secteur et le secrétaire général des Nations-Unies, nous avons lancé le projet Common Ground, une initiative sans précédent qui s’appuie sur la force de tous les grands groupes de communication réunis, afin de soutenir l’ONU dans ses objectifs de développement durable. Et parmi tous les projets, WPP a choisi de prendre en charge le numéro 5 : atteindre l’égalité des genres, et valoriser les femmes et les jeunes filles. Toutes nos agences sont impliquées là-dedans : certaines soutiennent la cause féminine via la technologie, d’autres s’attaquent aux stéréotypes féminins dans les médias, d’autres encore, cherchent à sécuriser l’espace publique ou à prévenir des violences faites aux femmes. Mais WPP s’implique aussi en interne, avec le même engagement, pour développer une entreprise ouverte et encourager la diversité en termes de genre, d’ethnicité, d’âge ou encore pour les LGBT.
Où en êtes-vous de la parité ?
M.S: WPP ne s’en sort pas trop mal question parité, avec 54 % de femmes au total, et 48 % chez les managers seniors. Mais il est certain qu’elles restent sous-représentées dans les plus hauts postes.
Nous faisons tout pour renforcer les réorganisations en interne à travers de nouveaux programmes ou de nouvelles politiques, aussi bien au niveau du groupe qu’à des échelons plus opérationnels.
Vous avez des exemples ?
Nous avons le réseau Stella qui s’attaque à toutes les barrières qui empêchent les femmes de progresser dans leurs carrières et diffuse des bonnes pratiques dans tout WPP. L’année dernière nous avons aussi lancé notre projet pour les familles « Family Friendly Guidelines » et le portail des parents, pour aider nos filiales britanniques à soutenir les mamans, les papas, et à flexibiliser les conditions de travail. Cette année nous allons lancer notre programme de formation aux biais cognitifs. Ce sera un module obligatoire pour notre formation éthique, à l’échelle mondiale. Et en plus du socle commun WPP, toutes les agences du Royaume-Uni devront établir leur propre programme de diversité et d’intégration cette année. Même si la plupart des agences sont déjà bien avancées à ce sujet.
Nous avons aussi lancé le X Factor, un programme de soutien et de développement des femmes dirigeantes et seniors, mené par la légendaire Charlotte Beers. En avril dernier, nous avons mis en place le projet Walk The Talk, qui a déjà eu un grand succès au sein de notre réseau Maxus, et sera désormais étendu à tous les réseaux du groupe. Il a encouragé des centaines de femmes à atteindre leur plein potentiel, améliorant la parité dans les plus hauts postes, là où le besoin est le plus flagrant. Nous espérons qu’il aura autant d’impact à travers tout WPP.
Et concernant les différences de salaires ?
M.S: Conformément au projet de régulation du Royaume-Uni sur l’égalité salariale selon les genres, nous sommes en train de récolter, d’analyser et de dresser le bilan des intervalles de salaires entre hommes et femmes. Nous publierons un rapport au début de l’année prochaine sur ce sujet, et prendrons les mesures nécessaires pour nous attaquer aux origines de toutes discriminations.
Que pensez-vous de la représentation de la femme dans la publicité ?
M.S: À Cannes, nous étions fiers de faire partie du programme de UN Women et d’Unilever de l’Alliance contre les clichés, qui a pour but d’éradiquer tous les stéréotypes de la publicité. Comme je le disais en juin dernier, chaque jour, des millions de personnes à travers le monde sont exposées aux produits de la communication. Cette influence peut renforcer des stéréotypes négatifs ou, au contraire, aider à établir de nouveaux standards d’égalité et d’émancipation.
Le numérique a toujours été un outil d’émancipation pour les minorités. Pensez-vous qu’il pourrait aider les femmes dans ce sens ?
Les femmes ne sont pas une minorité ! Nous avons plus de femmes que d’hommes à WPP par exemple… Mais oui, la technologie peut et doit aider les femmes à s’émanciper. A travers notre projet Common Ground, par exemple, nous avons permis à des associations de se servir de la technologie dans ce sens: pour encourager des femmes d'Afrique sub-saharienne à devenir entrepreneure, ou au Royaume-Uni, en aidant des mère au foyer à reprendre une vie professionnelle, avec une formation adaptée.
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