Ce n’est une surprise pour personne. Dans une société ultra-connectée, l’infobésité nous guette. Sommes-nous trop sollicité? Chaque jour nous parvient plus de 15 000 stimuli commerciaux (selon une étude KR Media), mélangés dans un flux d’informations toujours plus important. De fait, il nous arrive de partager des contenus sans les lire (59% des liens postés sur Twitter ne seraient pas lus avant). En réaction à ces multiples sollicitations, et si nous ne trouvons pas un intérêt à ce que nous recevons, nous «swipons» (glisser sur l'écran tactile), cliquons et détournons notre attention. Ainsi, selon l'étude Microsoft «The Attention Span», 77% des 18-24 ans ont le réflexe de se tourner vers leur smartphone et son océan de contenu dès qu’ils s’ennuient ou font face à un moment de vide. Un phénomène qui tend à se généraliser. Autre conclusion de cette même étude: alors que les gens pouvaient se concentrer sur une tâche pendant 12 secondes en 2000, ils ne le peuvent désormais plus que durant 8
Aligner tous les éléments
Si cette situation n’est pas nouvelle, elle préfigure un futur où, d’ici peu, les marques et tous les métiers de l’industrie de la publicité et de la communication devront faire face à une véritable pénurie d’attention. Mais même si ces jeunes générations apparaissent distraites dans leur rapport aux messages, elles sont toujours capables de déployer une attention soutenue à partir du moment où le sujet les accroche. Tout dépend du contexte et du timing. Il apparaît donc primordial d’être capable d’aligner tous les éléments permettant de capter l’attention de la cible visée.
Pour y arriver, il faudra gérer et optimiser de manière dynamique toutes les campagnes. Chaque support, chaque contenu, chaque offre sera personnalisée et ajustée à la volée tout au long du parcours consommateur, que ce soit sur internet, à la télévision, en magasin ou même dans la rue. La conception et le déploiement des idées créatives n’en seront que plus complexes. Il ne sera plus possible de se contenter d’une idée et de sa déclinaison. Il faudra imaginer tous les scénarios possibles et les manières d’adapter les messages pour chaque cible et chaque comportement. Calibrer chaque idée et son déploiement deviendra clé. Dès lors, tous les briefs seront accompagnés de «personae» détaillées. L’UX et la communication seront dans une même pièce, les présentations d’idées créatives ne se feront plus sans «consumer journeys», ni scénarios d’usages.
Utiliser la data n'est pas qu'une option
Face à ce besoin de souplesse, d’agilité et d’adaptabilité permanente, l’utilisation de la data ne sera plus une option. Au travers de DCO [Dynamic Creative Optimization, soit bannières dynamiques] connectés à des plateformes data (DMP, Datalake, etc.), nous collecterons et concilierons toutes les données possible et imaginables pour les exploiter et prendre des décisions en temps réel. Seule cette data permettra d’orchestrer la bonne séquence (moment, «touchpoint», offre, message, format) pour toucher chaque individu.
C’est ce que projettent de faire très prochainement les opérateurs télécoms en proposant des spots TV personnalisés en fonction des centres d’intérêt ou de la géolocalisation de l'abonné. C’est aussi ce que commence à faire une enseigne comme Carrefour en «crunchant» des dizaines de millions de teraoctets de données et en concevant des parcours «phygitaux» personnalisés à chaque consommateur. «Chez Carrefour, nous observons bien sûr ce déficit, déclare Thina Cadierno, directrice clients et digital de Carrefour France. Ne serait-ce que par le transfert du trafic desktop vers le site mobile (54%), c’est symptomatique. Toute l’équipe digitale s’adapte en permanence à cette nouvelle donne, en facilitant, en “push” comme en “pull”, l’accès direct à du contenu individualisé au maximum, qu’il soit marchand ou relationnel. A titre d’exemple, la sélection de produits personnalisés qui remonte en amont des e-catalogues, la création de sites web “magasins” qui permet, en SEO [Search Engine Optimization], de pointer directement sur l’information locale, la refonte de l’application pour un accès plus rapide à l’essentiel, des contenus “shoppables” pour raccourcir les parcours.»
Contenus adaptés
La souplesse s’illustrera également dans la manière de créer des contenus parfaitement adaptés au support. A l’instar de l’expérience menée par le quotidien Le Monde sur Snapchat Discover. Les sujets de chaque édition sont adaptés et produits par une équipe de sept personnes. «Nous sommes très attentifs à la qualité de nos contenus, depuis le traitement de chaque sujet, son format narratif et jusqu'à son graphisme, affirme Elisabeth Cialdella, directrice déléguée marketing, communication et publishing de la régie du Groupe Le Monde. Même si nous sommes encore en phase de test, il nous semble essentiel d’être solide sur nos fondamentaux, sans nous travestir pour chercher une audience. Nous avons préféré concilier ce que représente Le Monde aujourd’hui avec les codes de Snapchat pour rencontrer notre audience.» Cette stratégie semble payante. Le Monde attire ainsi chaque mois plus de 2 millions de millennials et arrive à capter leur attention plus de 2 minutes par édition.
Mais ne nous méprenons pas. Si une grande partie des messages sera demain «usinée» par la data pour capter une attention devenue rare, les marques devront toujours cultiver leur part de magie en créant de grands spectacles publicitaires qui s’adresseront au plus grand nombre pour nous faire vibrer et générer toujours plus de désirabilité.
A propos de Nicolas Zunz
Nicolas Zunz a cofondé l’agence 20-80, devenue FCB 20-80, en 1999. En 2005, il copréside Publicis Dialog avec Christian Verger. Ils restructurent l’agence, qui sera nommée deux fois agence de communication intégrée et agence digitale de l’année en trois ans. En 2007, le duo lance Publicis Modem, devenue Nurun Paris. En 2014, Nicolas Zunz est nommé vice-président de Publicis France, toujours aux côtés de Christian Verger. En septembre 2016, ils deviennent coprésidents de Publicis Communications France.