Santé
Moins de « blockbusters », plus de génériques et une image écornée : les laboratoires cherchent de nouveaux moyens pour diffuser leur message.

Sans surprise, l'industrie du médicament se porte plutôt bien. L'effet d'aubaine de la grippe A H1N1 n'a fait qu'accentuer le phénomène. Le secteur présente des comptes à l'exportation positifs (+8 % en 2009) et un chiffre d'affaires France en hausse de 2,3%. Selon Les entreprises du médicament (Leem), les ventes de médicaments remboursables, dits produits éthiques, ont augmenté de 2,2% et les non-remboursables, appelés aussi OTC (Over the Counter ou vente au comptoir) de 3,6%.

Mais cette bonne santé ne doit pas occulter les bouleversements qui affectent l'industrie pharmaceutique. Les « blockbusters », ces molécules vendues en masse dans le monde entier, se font rares. Quant aux génériques, qui ne cessent de monter en puissance, leur concurrence coûte 800 millions d'euros par an aux industriels, un chiffre qui devrait atteindre 1,3 milliard dans les années à venir selon Christian Lajoux, président du Leem et de Sanofi-Aventis. C'est pourquoi, certains laboratoires, comme Servier avec Biogaran, créent des marques ombrelles pour booster leurs propres ventes de génériques.

Le marketing produit, de marque ou décliné en générique, reste donc le principal budget des laboratoires, mais ces derniers ne veulent plus se cantonner à ce type de communication. Pour Christian Lajoux, « à force d'avoir communiqué pendant des années sur les vertus de tel ou tel produit au détriment de notre mission sociétale, nous nous sommes enfermés dans un rôle réducteur ». Isolé dans les débats de société, comme en témoigne la polémique autour des vaccins contre la grippe A H1N1, le secteur souffre de voir ignorer la dimension citoyenne de ses entreprises. « Le grand défi de l'industrie est de se refabriquer une image positive au niveau de sa citoyenneté », estime Denis Granger, directeur de l'agence Axense, spécialisée en communication santé.

 

Une communication très encadrée

Mais en France, la communication des laboratoires est très encadrée: les médicaments éthiques se voient interdire toute publicité à destination du grand public. Quant à l'information auprès des professionnels (généralistes, spécialistes, pharmaciens), l'industrie utilise principalement la visite médicale, mais aussi le marketing direct par voie postale ou électronique et la presse spécialisée (lire l'encadré). Les autres médias (radio, télévision, affichage, presse grand public) ne peuvent être utilisés que pour la promotion des médicaments déremboursés (OTC). C'est ce qu'a fait récemment Upsa (division de Bristol- Myers Squibb) pour son antalgique Efferalgan, avec un film promotionnel réalisé par l'agence Venise mettant en scène des gens en bonne santé, qui se termine par le claim «Vous avez mieux à faire qu'avoir mal». « C'est un beau film qui marche très bien », assure Benoît Gallet, vice-président corporate et communication de BMS.

Si les produits OTC ne représentent que 10% environ des revenus des laboratoires, les déficits des comptes de la santé conduisent le gouvernement à sortir de plus en plus de produits de la liste des médicaments remboursés. « La tendance est donc à la réallocation des budgets de communication vers le grand public », note Benoît Gallet. « La montée des produits OTC induit une nouvelle logique de merchandising dans les pharmacies avec la mise en place de PLV », ajoute Bernard Peyrical, directeur de la communication de Pfizer.

Autre forme de communication en plein essor : le « disease awareness » (avertissement sur les maladies) qui consiste à sensibiliser l'opinion sur les dangers d'une pathologie (sida, hépatite, etc.). L'avantage, notamment pour le leader du marché concerné, est de pouvoir communiquer auprès du grand public et de stimuler ainsi le marché alors même qu'il commercialise des produits éthiques. Mais il ne peut pas nominativement les mettre en avant. L'agence de RP Fleishman-Hillard vient de le faire pour BMS sur l'hépatite B, une «maladie silencieuse » dont les 300 000 porteurs du virus pourraient développer des maladies graves comme le cancer du foie. « Nous avons monté un dispositif composé d'un atelier média, d'une campagne d'affichage, de reportages radioet d'un film vidéo diffusé sur You Tube », détaille Frédérique Mériaux-Hall, directrice de clientèle santé de Fleishman-Hillard. Objectif : inciter les gens à se faire dépister, le virus étant cent fois plus contagieux que le VIH.

Mais les laboratoires ont du mal à sortir de leurs réflexes très B to B. Selon Bernard Peyrical de Pfizer, « l'industrie va continuer à se concentrer. L'offre sera de moins en moins différenciée et la marque corporate aura une plus grande valeur ». Une nouvelle stratégie de communication que Pfizer, fort de son leadership, compte bien mettre en place dans les années à venir.

 

 

 

États-Unis : le boom des réseaux sociaux santé

Sur www.patientslikeme.com (Des patients comme moi), l'internaute américain peut partager et échanger sur sa maladie, ses symptômes, les remèdes, etc. Ce réseau social santé a été fondé en 2004 par trois ingénieurs du MIT et concerne les affections rares ou difficilement traitées (épilepsie, syndrome de fatigue chronique, maladie de Parkinson, etc.). Indépendante, l'initiative a été financée par les fondateurs des sites Commercenet et Ebay (à travers Omidyar Network de Pierre Omidyar). En France, selon Denis Granger d'Axense, certaines initiatives similaires sont en préparation : « Il existe déjà sur Facebook des groupes subventionnés par l'industrie et nous travaillons sur un projet de réseau social B to B et B to C autour d'une pathologie pour un laboratoire, en collaboration avec les institutionnels, le Leem et des associations. Ce sera une première en France. » À condition que la législation évolue. « Compte tenu de l'interdiction de communiquer avec le public sur les produits de prescription (hormis les vaccins), les interactions avec les patients sur les forums sont très limitées », rappelle Bernard Peyrical de Pfizer.

 


Le point sur les investissements publicitaires

En matière d'investissements marketing et communication, les dix premiers laboratoires ont dépensé près de 810 millions d'euros en 2008, selon Cegedim Strategic Data, dont la majeure partie pour les visites médicales à destination des médecins et pharmaciens (62,1%), suivies de la publicité grand public (15,2 %), des réunions et congrès (11,2%) et de la presse (8,7 %). Le Web est encore quasiment inexistant (0,3 % des dépenses de promotion), dans un univers où les professionnels travaillent souvent plus de 60 heures par semaine et préfèrent feuilleter les nombreux titres de presse à leur disposition que de surfer sur Internet.

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