Les sociétés se mettent le doigt dans l’œil lorsqu'elles imaginent que le recrutement de digital natives contribuera à la digitalisation de leur entreprise. Certes, les millennials ont une plus grande familiarité avec les nouvelles technologies que leurs aînés. Cela ne fait pas pour autant d'eux des professionnels du digital. Le croire reviendrait à commettre la même erreur que celle qui consisterait à penser qu'une jeune personne, au motif qu'elle joue toute la journée aux jeux vidéo, est une professionnelle de l’industrie du jeu vidéo. Ou que, sous prétexte qu'un adolescent se passionne de musique et pourrait en parler des heures, il est un professionnel de la musique. Il n'en est rien.
Sa passion ne lui confère pas les connaissances, et encore moins les savoir-faire, nécessaires pour négocier un contrat avec un artiste, produire un album, le faire distribuer et en assurer la promotion. Notre jeune ami n'est pas un professionnel de la musique, pas plus qu'il n'est un professionnel du digital, lorsqu'il intègre un grand groupe en pleine digitalisation.
Observés avec la plus grande attention par les aînés, attentivement écoutés, maladroitement imités, survalorisés, mis en avant et parfois quasi adulés, nos jeunes millennials n'auront pas nécessairement la maturité nécessaire pour comprendre que leurs aînés vivent dans l'angoisse de devenir obsolètes et que l'apparente bienveillance dont ils les entourent n'est qu'une tentative pour se mettre à niveau. Au mieux, celle-ci leur permettra d'acquérir quelques codes générationnels et digitaux.
Une double jeunesse
Pas plus coupable l'une que l'autre, les deux générations se fourvoient. Les millennials passent à côté de l'opportunité de se professionnaliser, d’acquérir des fondamentaux en termes de savoir-faire, et surtout d'intégrer des réflexes en termes de savoir-être. Leurs aînés manquent l'occasion de réellement se digitaliser en n'appuyant pas sur le bouton reset de leurs schémas de pensée, pour adopter une nouvelle attitude en termes de management, d'exercice du leadership, d'innovation, de méthode de travail, de modes de communication interne et externe, de développement personnel et professionnel.
La bonne nouvelle est que l'entreprise retrouve ici, non pas une seconde jeunesse, mais une double jeunesse : celle des millennials, jeunes de par leur âge, et celle de leurs aînés, néophytes face au digital (en tant que métier). Reste à savoir qui grandira en premier, sachant qu'il est parfois mauvais de grandir trop vite et souvent malheureux de grandir trop tard.