Vincent Meslet, l’homme de Plus Belle La Vie, de Ce Soir ou jamais et du 28 Minutes d’Arte, très attaché au service public, débarque comme numéro 2 de Radio France.

Les parcours professionnels ressemblent parfois à des romans d’amour. Une rencontre, une irrésistible attirance, des rendez-vous manqués avant un incontournable mariage. Radio France et Vincent Meslet ont commencé à se faire les yeux doux il y a plus de dix ans quand Philippe Collin, vieux routier de Radio France, devenu, depuis, le Monsieur podcasts d’histoire de France Inter, le met en contact avec Jean-Luc Hees, alors président de Radio France qui le verrait bien, déjà, en numéro 2.

À la faveur d’un séminaire entre managers de France Télévisions et de Radio France, Vincent Meslet se lie ensuite d’amitié avec Laurence Bloch autour de déjeuners réguliers où ils « parlent boutique », dit-il. Sibyle Veil le rencontre à plusieurs reprises. Son nom fuite pour prendre la tête de France Inter en 2022. Il signe finalement cet été comme numéro 2, en tant que directeur éditorial de Radio France.

Lui-même dit avoir « franchi le Rubicon » sous l’affiche du film Tout le Monde il est beau, tout le monde il est gentil, qui trône dans son sobre bureau. L’anarchiste Jean Yanne y brosse le portrait satirique d’une radio d’abord christique par opportunisme puis, après le retour de son détracteur, si provocatrice et anticapitaliste que la fuite des annonceurs sonne le glas de sa ligne éditoriale. Il faut de l’humour et de l’audace pour l’afficher à la barbe des managers des 4 000 salariés de Radio France, facilement en proie aux craintes et aux plaintes.

Mais l’humour affleure toujours chez cet ex-ado qui rédigeait des brèves pour Pascale Clark pour la radio libre CVS où officiaient Jean-Marie Cavada ou Nicolas Poincaré. Il s’empresse de souligner son amour de la radio, tant son CV est 100 % télé. Il dit vouloir « s’insérer dans une maison où il y a beaucoup d’intelligence au mètre carré, une diversité de chaînes et de talents ». À entendre Ara Aprikian, numéro 2 de TF1 aussi discret que lui, il en a les compétences. « Il aime les talents, même les plus compliqués comme son livre sur Jean-Luc Delarue le prouve, affirme le DGA de TF1. C’est un intellectuel de l’audiovisuel, curieux, cultivé, intelligent, humble et très investi. Il a toujours une réflexion éthique et intellectuelle. Dans Plus Belle La Vie, Demain nous appartient ou Ici tout commence, il a su insuffler des thématiques en résonance avec la société et ses évolutions. ».

Une dyslexie envahissante

Sa feuille de route à Radio France ? « Repenser l’offre globale au-delà du numérique en défendant une culture française dans un marché mondialisé et les valeurs de service public dont le pluralisme de l’information », répond le nouveau directeur éditorial qui entend « aider les antennes à avoir une vision stratégique de leur avenir et à se coordonner entre elles ». « Il est important que le service public fédère à l’heure où se développent des médias d’entre soi », confie-t-il. Ses compétences en matière d’images ne seront pas inutiles dans une maison appelée à se rapprocher de France Télévisions et à développer la vidéo.

Ce benjamin d’une fratrie de cinq enfants, né dans la classe moyenne catholique Versaillaise, d’un père comptable aux HLM et d’une mère assistante maternelle, a été plombé par une dyslexie envahissante pendant ses études dans le public. Il est sauvé par la grâce de professeurs qui décèlent de belles qualités en lui. Boursier à Sciences Po, il invisibilise les arrogants pour partager ses élans culturels avec ses nouveaux copains. Son DESS à Dauphine sur la télévision lui ouvre les portes à 25 ans de la direction des études de la présidence de France Télévisions. Il se rode sous l’égide d’Hervé Bourges et quittera définitivement l’entreprise sous celle de Delphine Ernotte… sur un échec, en voulant révolutionner les après-midis de France 2 en 2016.

Autocritique

Vincent Meslet aborde sans ambages le sujet, fort d’une autocritique constructive : « Je m’étais mis trop de pression. J’aurais dû aller voir Delphine avant l’été et lui dire que je voulais rétropédaler car l’effet domino allait me dépasser ». L’homme qui s’avoue « piètre orateur » est doté d’un esprit rationnel, analytique et stratégique, tout en étant intuitif et poreux aux problématiques artistiques. Un cocktail qui l’amène à créer le 28 Minutes en 2012 pour lequel il envisage un temps Léa Salamé. Un fait d’armes qui s’ajoute aux galons de général du PAF de ce petit-fils et neveux de militaires dont Ce Soir ou jamais et les séries d’Arte Ainsi Soient-Ils ou Le P'tit Quinquin.

Il force aussi l’admiration de ses pairs pour avoir tenu bon en ajustant ses émissions Plus Belle La Vie et Demain nous appartient, boudés dans un premier temps par le public. Il a passé 24 ans côté diffuseurs publics (France 3, France 2, Arte), et sept ans côté producteur chez Newen, filiale de TF1. « C’est un homme qui ne se met jamais en avant, amoureux des contenus et des programmes, très précis et pertinent en matière de programmation et d’audience », assure un patron de médias. N’en jetez plus…

Parcours

1992. Chargé puis directeur du service des Études de France Télévisions.

2000. Directeur adjoint puis directeur des programmes de France 3.

2009. Directeur de la fiction de France Télévisions.

2011. Directeur éditorial d’Arte France.

2015-2016. Directeur exécutif de France 2.

2017-2018. Directeur général délégué de Telfrance.

2021. Directeur général de Newen France (filiale de TF1).

Août 2024. Directeur éditorial de Radio France.