Dossier Formation
Si dénicher les talents de demain demeure une mission difficile pour les régies, la création et la labellisation de nouveaux cursus de formation pourraient changer la donne dans les prochaines années.

Personne ne peut nier qu’il y a un avant et un après l’irruption du programmatique dans le marché publicitaire. Si la révolution technologique a rebattu les cartes entre les acteurs du secteur, son impact sur l'organisation des régies et des agences médias a aussi été considérable. Outre l’apparition de métiers orientés techno, l’évolution de celui de commercial a été importante.

«Avec l’arrivée de l’automatisation des achats d’espace, on pouvait penser que l’on aurait moins besoin de forces de vente. Or, on s’aperçoit que la relation commerciale ne s’est jamais affaiblie, elle s’est simplement déplacée», constate Christophe Dané, fondateur et PDG du cabinet de conseil Digitall Makers et membre du board de l’IAB France (Interactive Advertising Bureau). À ses yeux, si les régies et les agences ont initialement cherché des spécialistes, elles se sont rendu compte qu’en agissant de la sorte, elles ne faisaient qu’entretenir les silos au sein de leur organisation en recrutant des experts du search, du display, de la performance, du programmatique, etc. «Chez certains, les techniciens étaient tellement intégrés dans les équipes qu’ils en ont oublié la logique de vente», poursuit-il.

«Des intrapreneurs»

«Aujourd’hui, on recherche la multicompétence par l’intermédiaire de profils hybrides: un vendeur doit être bon en data et en programmatique, dans la négociation, le marketing… ll est donc en quelque sorte devenu un commercial augmenté», développe Guillaume Charles, directeur général adjoint de M6 Publicité, chargé du marketing, des études et du digital, dont les équipes sont désormais structurées autour de trois fonctions: commerciales, techniques et technico-commerciales, celle-ci étant davantage orientée conseil.

La dernière étude de l’IAB France portant sur les métiers du marketing digital le montre bien: celui-ci n’est plus considéré comme un pôle de métiers distincts du marketing global, mais devient le contexte global de toute action marketing. Ses enjeux ne sont plus tactiques et court-termistes mais globaux et stratégiques. «Le niveau requis d’intelligence et de connaissance des problématiques de l’annonceur a considérablement progressé, constate Romain Bégramian, senior managing director au sein du cabinet FTI Consulting. Les commerciaux ont besoin de faire évoluer leur métier non plus sur le simple fait de vendre, mais sur la compréhension marketing et stratégique des enjeux du client. La complexité de l’écosystème digital implique d’avoir une forte capacité d’analyse et une connaissance des modes opératoires, outils, indicateurs de performance et surtout conséquences techniques des choix qui sont faits.»

Directement concerné par cette métamorphose interne, mais côté agences médias, Franck Farrugia, cofondateur et coprésident de Re-Mind PHD, insiste sur la dimension opérationnelle du métier de commercial: «Au sein de notre organisation, nous refusons l’approche théorique. Nous sommes des “makers”, ce qui signifie que tous les échelons de l’agence – achat, reporting, analytics, etc. – sont en mode production. Chez nous, c’est celui qui sait qui fait.» Il pointe par ailleurs le rôle crucial des managers dans l’encadrement des équipes: «Nous attachons une très grande importance à la transmission des compétences, ce qui implique une culture interne axée sur l’entraide et la bienveillance.» Selon lui, l’objectif n’est pas de dénicher absolument le profil idéal, le mouton à cinq pattes. «Ce que nous privilégions, c’est l’état d’esprit. Nous voulons des collaborateurs qui veulent et qui savent apprendre, qui sont en mesure de sortir de leur zone de confort, des “intrapreneurs” en quelque sorte. C’est un profil particulier qui ne court pas les rues, car apprendre tout en produisant demande une réelle exigence de travail», détaille-t-il.

Un label répondant aux besoins du marché

Ce constat est partagé par tous: recruter la perle rare demeure complexe. «D’autant qu’en terme de cursus de formation, il y a de tout, indique Christophe Dané, de Digitall Makers. Si les écoles de commerce ont depuis longtemps intégré des modules sur le digital, leur enseignement peut parfois rester très théorique. La difficulté est de rendre le diplômé le plus opérationnel possible.» C'est la raison pour laquelle les profils recherchés sont souvent recrutés dans les écoles d’ingénieurs.

Outre la toute nouvelle école IBS Paris (voir encadré), le mouvement devrait également être renforcé par les initiatives de diverses instances, telles l’Udecam (Union des entreprises de conseil et d'achat média) et l’IAB France. La première propose depuis deux ans, en partenariat avec l’Essec, un cursus de formation structurante de haut niveau (diplôme d’équivalence Master 1) aux collaborateurs de Dentsu Aegis Network, Group M Connect, Publicis et Omnicom. De son côté,  afin de distinguer les formations répondant aux besoins actuels du marché, l’IAB France a lancé un label destiné aux formations universitaires et écoles supérieures. À travers cette initiative, l’organisation souhaite identifier les formations en marketing, communication et publicité digitale, respectueuses des recommandations et lignes directrices établies par ses soins et d’autres instances françaises, comme l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

L’objectif est d’accompagner les universités et les écoles dans l’intégration efficace des bonnes pratiques digitales au sein de leur syllabus et de permettre de mieux prendre en compte, dans la formation, les dernières évolutions de la publicité et de la communication en ligne. Valable un an, les conditions d’éligibilité pour ce label sont, par exemple, de proposer une formation diplômante en digital, communication, marketing et/ou publicité de niveau master présents dans le registre RNPC (Répertoire national des certifications professionnelles), de mettre en œuvre une démarche d'insertion des directives de l'IAB France au sein des programmes pédagogiques ou encore de développer au sein de ces derniers les modules nécessaires à la bonne compréhension de l'univers digital.

Un comité pédagogique

En contrepartie, les détenteurs du label bénéficieront d’un accès aux différents événements organisés par l'IAB France: la mise à disposition des productions de l'association professionnelle pour les directions pédagogiques et les membres du corps professoral, de l'accès aux offres d'emploi des professionnels membres de l'IAB, du soutien de son réseau pour les demandes de stage, et de sessions de «job dating» avec ses membres. Pour piloter le projet, un comité pédagogique a été constitué auquel appartiennent aujourd’hui Bolloré Média Régie, Facebook France, Google France, Media Figaro, Microsoft France, Publicis Media, TF1, Vidcoin ainsi que l'ARPP.

Une école pour les régies des médias

Aucune structure spécifique n’existe pour former les commerciaux de demain dans les métiers si typiques du monde des médias. C’est pour y remédier qu’Aldrick Allal, PDG de Diderot Education (24 écoles, 4 000 étudiants), et Marc Laufer, PDG de Newsco Group (propriétaire de Stratégies) se sont associés pour lancer IBS Paris, une nouvelle école qui formera en trois ou cinq ans les commerciaux de demain.

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